Le parquet de Paris a requis un non-lieu à l'issue de l'enquête sur la plainte pour subornation de témoin déposée en 2014 par l'ex-trader Jérôme Kerviel contre la Société Générale, a appris jeudi l'AFP de source judiciaire.

Ce réquisitoire, daté du 27 septembre, est la dernière étape avant la décision du juge d'instruction du pôle financier, qui n'a procédé à aucune mise en examen et pourrait donc ordonner un non-lieu définitif. L'ex-opérateur de marché, aujourd'hui âgé de 39 ans, accuse la Société Générale d'avoir versé plus d'un million d'euros à Eric Cordelle, son ancien supérieur hiérarchique, pour qu'il témoigne en faveur de la banque. Ce dernier avait au cours du procès assuré que le groupe bancaire n'avait rien su des risques colossaux pris par le trader lors de ses opérations financières, contrairement à ce que celui-ci affirme.

Eric Cordelle, lui-même licencié après la révélation de l'affaire, avait intenté en avril 2008 une action aux prud'hommes pour contester les conditions de son licenciement avant de se rétracter en février 2013, quelques mois après son témoignage. Une chronologie jugée « troublante » par l'ancien trader.

Kerviel partie civile depuis mai 2015

Jérôme Kerviel avait déposé plainte en avril 2014 puis s'était constitué partie civile en mai 2015, ce qui avait conduit automatiquement à l'ouverture d'une information judiciaire confiée à un juge d'instruction.

« Il m'a toujours paru exclu qu'une institution comme la Société Générale puisse même envisager de suborner des témoins », a relevé Me Jean Veil, l'avocat de la banque, placée sous le statut de témoin assisté dans cette enquête. « Je suis convaincu que le juge prendra la même position que le parquet et que la défense de M. Kerviel interjettera appel. Son intérêt est que les procédures durent le plus longtemps possible », a-t-il ajouté.

« Partialité » et « collusion »

L'avocat de Jérôme Kerviel, David Koubbi, qui a également déposé plainte pour « faux et usage de faux » et « escroquerie au jugement » contre la banque, a dénoncé « une partialité » et une « collusion » entre Société générale et le parquet de Paris dans ce dossier. « Cette proximité a déjà été mise en lumière par le témoignage de la policière de la brigade financière Nathalie Le Roy et les enregistrements de l'ancienne magistrate Chantal de Leiris », en charge de l'enquête sur l'affaire Kerviel, estime l'avocat.

Chantal de Leiris, dans un enregistrement réalisé à son insu par Nathalie Le Roy, avait estimé que la Société générale était au courant des risques pris par le trader, ajoutant que la fonctionnaire de police avait été « entièrement manipulée » par la banque. Chantal de Leiris était ensuite revenue sur ses propos dans les colonnes du Monde : « La Société générale n'a pas eu prise sur moi, ni sur la brigade financière », avait-elle assuré, avant de déposer plainte contre Nathalie le Roy.

Des « manquements » et des « carences » reconnus

Après des années de feuilleton judiciaire, la cour d'appel de Versailles a condamné en septembre Jérôme Kerviel à verser un million d'euros de dommages et intérêts à son ancien employeur, bien loin des près de 5 milliards d'euros que réclamait la Société Générale. La justice a estimé qu'il y avait eu des « manquements » et des « carences » dans les procédures de contrôle de la banque.