L’argent déposé sur un Compte Nickel, chez Morning ou Lydia est-il couvert par la garantie des dépôts, comme il l’est sur un compte courant traditionnel ? Nous avons posé la question aux principaux intéressés. Et la réponse n’est pas aussi simple qu’on pourrait le penser.

Dans la foulée du Compte Nickel (400.000 comptes créés en 20 mois), plusieurs « néo-banques » débarquent ou s’apprêtent à débarquer sur le marché des particuliers. Lydia, un spécialiste du paiement mobile, a déjà lancé sa carte bancaire. Et Morning, ex-Payname, va l’imiter en novembre, avant de proposer début 2017 un compte avec RIB. Tous ces nouveaux acteurs ont l’ambition de supplanter votre banque dans votre portefeuille, en vous offrant des services de paiement moins chers et plus agiles. Tous ont également en commun de ne pas être des banques au sens strict du terme, mais des établissements de paiement, un statut juridique créé par l’Union européenne à la fin des années 2000 et qui autorise les entités qui en bénéficient à fournir des services de paiement aux personnes physiques et morales.

Qu’est-ce que cela change pour l’usager ? Pas grand chose à première vue. La principale différence, vue de l’extérieur, est que les établissements de paiement n’ont pas le droit d’accorder des découverts à leurs clients, et distribuent donc uniquement des cartes à autorisation systématique, qui vérifient à chaque paiement que le montant est bien couvert par le solde du compte. Mais il existe une autre différence, moins visible mais décisive, qui concerne la garantie des dépôts.

Les comptes sans banque n'adhèrent pas au FGDR

Lorsque vous déposez de l’argent à la banque, sur un compte courant ou un compte épargne, celui-ci est en effet protégé par un organisme d’intérêt général, le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR), qui couvre vos dépôts à hauteur de 100.000 euros par établissement, en cas par exemple de faillite de votre banque.

Actuellement, le FGDR compte 446 adhérents en France, qui contribuent tous à son financement. C’est en effet une obligation pour tout établissement de crédit et toute entreprise d’investissement qui reçoit un agrément du régulateur français, l’Autorité de contrôle prudentiel et de Résolution (ACPR). Mais pas pour les établissements de paiement. Cela signifie-t-il que l’argent déposé sur un Compte Nickel n’est pas protégé ? C’est en fait un peu plus compliqué que cela.

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L'argent sur des comptes de cantonnement

Si les établissements de paiement n’adhèrent pas au FGDR, c’est qu’ils n’en ont pas vraiment besoin. Comme on l’a déjà vu, leur agrément ne les autorise pas à accorder des crédits à leur clients, ce qui limite leurs risques. Surtout, leur statut juridique ne leur permet pas non plus de détenir en leur nom propre l’argent déposé par leurs clients. Ils doivent pour cela s’adresser à une « vraie » banque, c’est-à-dire un établissement de crédit qui leur fournit un compte dit de cantonnement pour déposer l’argent collecté auprès de leurs clients.

Dans le cas du Compte Nickel, c’est le Crédit Mutuel Arkéa qui fournit cette prestation. « Par contrat », nous explique Hugues Le Bret, « Arkéa est obligé de nous rendre l’argent placé sur ce compte à la seconde où nous le demandons ». « Nous sommes le teneur de compte, mais les dépôts de nos clients sont couverts par la garantie des dépôts d’Arkéa », poursuit le co-fondateur du Compte Nickel. En clair, si la banque bretonne venait à déposer le bilan, l’argent déposé sur les Comptes Nickel serait couvert par le FGDR, à hauteur de 100.000 euros par client. Mais est-ce vraiment aussi clair ?

Un sujet « actuellement à l’étude »

Pour nous en assurer, nous avons posé directement la question suivante au Fonds de garantie des dépôts de résolution : « Les dépôts effectués par les usagers sur les services de paiement du type Compte Nickel, Lydia ou Morning sont-ils couverts par la garantie des dépôts ? » Sa réponse est nettement moins affirmative que celle du Compte Nickel : « Le sujet est actuellement à l’étude par les pouvoirs publics et il ne nous est pas possible de faire état d’une conclusion à ce stade », nous a expliqué l’organisme dans un courriel.

Comme souvent en pareil cas - cela a aussi été le cas pour le crowdfunding -, le temps de l’innovation et des usages a été beaucoup plus rapide que celui de la régulation. Les nouveaux services de paiement ont déjà commencé à attirer les dépôts de particuliers, alors que le statut de ces dépôts au regard de la réglementation n’est pas encore totalement clair. Un argument, sans doute, pour les banques qui souhaiteraient calmer l’enthousiasme des usagers pour cette nouvelle concurrence.

Ce qu'il faut retenir

L'argent déposé par un client sur son « compte sans banque », type Compte Nickel, est en fait détenu par une banque traditionnelle, qui lui fournit un compte dit de cantonnement. Le principal risque pour lui est donc que cette banque, dont il est en quelque sorte un client indirect, dépose le bilan.

L'établissement de crédit qui cantonne l'argent est nécessairement couvert par le Fonds de garantie des dépôts. Pour autant, chaque client du « compte sans banque » est-il couvert individuellement, à hauteur de 100.000 euros, comme sur un compte courant traditionnel ? Les pouvoirs publics se posent encore la question.