La décision de justice dans l'affaire Kerviel change-t-elle la donne sur la ristourne fiscale dont a bénéficié la Société Générale ? Même si l'établissement bancaire assure que ce n'est pas le cas, Bercy a demandé au fisc un réexamen de la situation.

La Cour d'appel de Versailles a ramené vendredi à un million d'euros les dommages et intérêts dus à la banque par l'ex-trader Jérôme Kerviel, au lieu des 4,9 milliards jusque-là réclamés. Prenant acte de cette décision, le ministre de l'Economie et des Finances Michel Sapin et le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert « ont demandé à l'administration fiscale d'examiner les conséquences de cet arrêt sur la situation fiscale de la Société Générale concernant les résultats de l'exercice de l'année 2008 et de préserver intégralement les intérêts de l'Etat », indique Bercy dans un communiqué.

« Il est évident qu'une décision de cette nature a des conséquences, bien sûr s'agissant de la relation entre M. Kerviel et la Société Générale, mais aussi des conséquences s'agissant de la situation fiscale de la Société Générale », a déclaré depuis Berlin Michel Sapin devant des journalistes. Il a assuré qu'il serait « particulièrement attentif à la défense des intérêts du Trésor, à la défense des intérêts des contribuables français dans cette affaire. »

Une décision « sans effet » selon la banque

Quasiment au même moment, la Société Générale a estimé pour sa part dans un communiqué que la décision de justice était « sans effet » sur sa situation fiscale. Selon l'établissement, le rejet de la demande d'expertise par la Cour d'appel de Versailles « confirme le montant de la perte nette de 4,9 milliards d'euros de la banque résultant des agissements frauduleux de Jérôme Kerviel ».

La Société générale a bénéficié en 2009 et 2010 d'une ristourne fiscale de près de 2,2 milliards d'euros de la part de l'État, au titre d'un régime fiscal accordé aux entreprises déficitaires et victimes de fraude. Ce crédit d'impôt a permis d'éponger en partie la colossale perte de 4,9 milliards d'euros attribuée par la Société aux transactions frauduleuses de son ancien trader.

Une ristourne jugée injustifiée par certains élus

« S'il y a une responsabilité ou une part de responsabilité (de la banque), cela modifie la doctrine fiscale » en matière de déductibilité des pertes, avait prévenu Michel Sapin en janvier. Cette ristourne fiscale est la cible depuis plusieurs années d'une polémique, certains élus estimant que le géant bancaire n'aurait pas dû bénéficier de ce régime fiscal avantageux.

« Les conditions n'étaient pas remplies », a ainsi dénoncé fin 2015 Julien Bayou, conseiller régional EELV en Ile-de-France, qui a engagé une procédure administrative afin que les documents fiscaux liés à ce litige soient rendus publics. Selon l'élu, il aurait fallu - pour que ce geste fiscal soit justifié - démontrer que l'établissement « n'est absolument pour rien dans l'affaire », alors que la Cour de cassation a mis en avant des manquements de la banque à ses devoirs de contrôle.

La Société Générale assure pour sa part que « le traitement fiscal de la fraude commise par Jérôme Kerviel a été fait en conformité avec la réglementation fiscale » et qu'à « aucun moment, un régime particulier n'a été ni demandé ni accordé ».