Dans une charge contre « l’oligopole bancaire », le think tank libéral Génération Libre estime qu’il n’existe pas en France de véritable concurrence dans la banque de détail et appelle à une « loi Macron » de la banque, afin de libérer ce marché.

« Trop grosses » et « trop protégées », c’est en résumé la vision des banques françaises distillée par Génération Libre dans son étude-pamphlet (1) publiée la semaine passée. Le think tank y rappelle notamment que le secteur bancaire français est dominé par quatre « colosses » (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et BPCE), dont le « gigantisme » est le fruit de « décisions publiques » et de la « connivence entre les milieux bancaires et les autorités chargées de les surveiller ».

Cette état de fait a des conséquences néfastes, poursuit l’association. La première est le risque systémique que fait peser sur l’ensemble de l’économie française cet oligopole « dont le total de bilan représente trois fois le PIB » du pays. La seconde est l’absence de concurrence véritable sur le marché de la banque de détail.

De la concurrence sur les crédits, pas sur les services

Une des manifestations concrètes de cette absence est la « sur-facturation de clients captifs sur les marchés des services financiers de détail », explique Génération Libre. Une « rente » sous protection des pouvoirs publics, qui y voient une manière de solidifier les bilans des banques et de les rendre ainsi moins sensibles aux « chocs cycliques du côté des activités de marché plus risquées ».

Citant des chiffres de 2010, ceux du rapport sur la tarification des services de Georges Pauget et Emmanuel Constans, l’étude rappelle que le « panier de service moyen était supérieur en France de 14,5% à la moyenne européenne ». Un écart qui s’explique par une « structure tarifaire déséquilibrée », qui amène les banques à sous-facturer le crédit immobilier et à sur-facturer les services bancaires. « Le crédit immobilier est (…) est l’arbre qui cache la forêt », estime ainsi Génération Libre. « Il existe une forme d’entente implicite entre les banques pour limiter la concurrence à ce segment de marché, mais une fois le client ''attaché'' à la banque par son crédit à long terme, la banque compense son manque à gagner sur tout le reste de la gamme des services (…) ».

« L’extrême passivité » des clients

Ce tableau sombre n’est pas le simple fait des banques, nuance toutefois Génération Libre, mais aussi la conséquence de « l’extrême passivité des clients bancaires eux-mêmes ». « Le marché bancaire semble se caractériser par une très forte réticence des consommateurs à faire jouer la concurrence (…) ».

Le think tank en veut pour preuve la faible part de marché (moins de 10%) des banques en ligne, pourtant moins chères et tout aussi sûres. « Le plus frappant dans les enquêtes d’opinion est (…) la dissonance complète entre les intentions exprimées par les Français et leur comportement réel. Interrogés sur la banque en ligne, les Français se déclarent prêts à changer de banque si le rapport qualité-prix dans ces établissements est meilleur... ce qui est bien sûr le cas ! 30% des personnes interrogées se déclarent attachés à une agence physique mais seulement 7% déclarent aller en agence une fois par semaine. »

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Une « loi Macron de la banque »

Pour remédier à cette situation, Génération Libre fait une série de 18 propositions. La principale est la préparation d’une « loi Macron de la banque ». Son programme est ambitieux : il s’agirait, selon le think tank, d’accompagner « l’uberisation de la banque » en encourageant l’entrée de nouveaux acteurs non-bancaires sur le marché des services financiers de détail, grâce notamment à la levée de certaines barrières réglementaires.

Pour permettre un véritable concurrence, le think tank propose également de renforcer les pouvoirs et les moyens de l’Autorité de la concurrence et la DGCCRF (2). Il en appelle aussi aux institutions européennes pour ouvrir une véritable compétition à l’échelle continentale grâce à des règles harmonisées. Enfin, Génération Libre veut mettre un terme à la connivence entre pouvoirs publics et groupes bancaires, en « limitant la mobilité des cadres de Bercy ayant supervisé les banques vers les établissements de la place ». Tout un programme.

La réponse de la FBF

La réponse de la Fédération bancaire française (FBF) aux attaques de Génération Libre n’a pas tardé, par la voix de sa directrice générale. Marie-Anne Barbat-Layani a ainsi évoqué une « concurrence féroce en France », où les taux de crédit sont les plus bas d’Europe. Elle a également balayé l’idée d’une fragilité du système bancaire français. Enfin, sur le gigantisme des acteurs du secteur, et l’éventualité d’une séparation des activités de détail et de marché, elle a brandi la menace des banques américaines, qui s’intéressent de plus en plus à l’épargne des Européens : « (…) Encore faut-il qu’on ne se fasse pas siphonner [cette épargne] pour financer les déficits publics et privés américains, et donc qu’on ait des acteurs financiers et des centres de décision en Europe ».

(1) « Casser la rente bancaire française. Pour un système bancaire plus sûr, plus concurrentiel, et plus européen », disponible sur le site web de Génération Libre.

(2) Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la Répression des fraudes.