Les géants de l'internet, opérateurs télécoms et start-ups innovantes de la finance vont-ils tuer, ensemble, les banques traditionnelles ? Si ces nouveaux venus leur font concurrence, ils leur ouvrent aussi des débouchés, selon des analystes.

Preuve que la frontière entre les secteurs bancaire et technologique est de plus en plus floue, la banque espagnole CaixaBank a profité mercredi du Mobile World Congress (MWC), grand rendez-vous international de la téléphonie à Barcelone, pour présenter son offre mobile.

Le mouvement a commencé à la fin des années 1990, avec l'émergence de banques en ligne et de start-up comme l'américain PayPal, devenu une référence du paiement en ligne. Il s'est accéléré récemment. « On a vu énormément de changement ces deux dernières années dans le monde du paiement mobile, probablement plus qu'au cours des 20 années précédentes », relève Frédéric Maistre, responsable du marketing mobile chez l'émetteur de cartes bancaires Visa Europe.

De nouvelles sources de revenus

Les géants américains Google et Apple et le numéro un mondial des téléphones portables, le sud-coréen Samsung, ont déjà lancé leurs solutions de paiement. Les opérateurs télécoms ne sont pas en reste : le français Orange offre des services bancaires en Afrique à 15 millions de clients et va racheter la banque Groupama en France. Le britannique Vodafone propose un système de paiement et de retrait de l'Albanie à l'Inde en passant par l'Egypte et l'Afrique du Sud.

L'intérêt ? Chercher de nouvelles sources de revenus à l'heure où « leur potentiel de croissance sur leur marché cœur (la téléphonie) arrive à maturité » dans les plus grandes économies, explique Frédéric Sarrat, conseiller du cabinet PwC.

En outre les « fintechs », jeunes pousses spécialisées dans la finance, se multiplient sur tous les continents et se positionnent sur des niches délaissées par les banques. Elles « identifient des besoins mal servis ou cherchent des nouveaux marchés liés à des nouveaux usages, comme par exemple les cagnottes » entre particuliers, explique Sabine Grafe, directrice d'études chez le cabinet français Precepta.

Pour les Millenials, les banques ne sont plus « nécessaires »

Les habitudes bancaires changent, surtout avec l'arrivée des « Millennials », âgés de 15 à 35 ans et qui ont grandi avec internet. « Les banques ne leur sont plus nécessaires, ils cherchent des alternatives » pour gérer et transférer de l'argent, explique Benjami Puigdevall, responsable des activités digitales chez CaixaBank. En Chine par exemple, la plateforme de paiement du numéro un du commerce en ligne Alibaba revendique plus de 400 millions d'utilisateurs et assure environ 70% des paiements électroniques mobiles, selon le cabinet d'études BigData Research.

Ces nouveaux acteurs maîtrisent la technologie et sont « beaucoup plus flexibles de par (leur) taille », estime Makis Antypas, directeur des systèmes d'information de la fintech grecque Viva Wallet, qui permet notamment de faire des virements.

Pour autant, les banques traditionnelles sont loin d'avoir perdu la bataille, tempèrent les experts. Même quand un client utilise un porte-monnaie virtuel ou participe à une cagnotte, l'argent est débité de son compte bancaire. « La banque décide si un client est solvable ou non et c'est elle in fine qui autorise les transactions », rappelle Frédéric Maistre de Visa Europe.

« Coopération-concurrence »

« Le cœur du débat pour les banques n'est pas comment stopper les start-ups, mais comment travailler avec elles et en bénéficier », en pleine fragmentation du secteur, analyse Christophe Uzureau, du cabinet Gartner, basé à Hong Kong. « La relation que nous avons avec les banques est une relation de coopération-concurrence », confirme Makis Antypas de Viva Wallet.

Certaines, comme la britannique Barclays, ont créé un incubateur de jeunes pousses, pour les aider à croître mais aussi bénéficier de leur créativité afin de lancer de nouveaux services. D'autres comme CaixaBank, collaborent avec des équipementiers de téléphonie mobile pour les paiements en ligne, une manière d'atteindre un public plus large et de mieux cibler les attentes des consommateurs en fonction de la façon dont ils utilisent leur smartphone.