2016 devrait signer l’arrivée de l’opérateur téléphonique Orange sur un nouveau marché en France : celui de la banque digitale et mobile. A quoi pourrait ressembler l’offre du géant français des télécoms ? Et que pensent les banques 100% en ligne de ce futur concurrent ?

Réaliser 400 millions de revenus dans les services financiers d’ici 2020 : l’objectif est affiché noir sur blanc dans le nouveau plan stratégique d’Orange, Essentiels2020, dévoilé en mars dernier. Confronté à une baisse des revenus générés par ses activités historiques, le téléphone et l’internet, l’opérateur est en quête de diversification.

Orange, par ailleurs, n’est pas un nouveau venu dans le domaine des services financiers, notamment le paiement. Depuis 2008, le géant des télécoms déploie sur ses marchés africains (Côte d’Ivoire, Sénéga, Maroc, etc.) un service de transfert d’argent et de paiement mobile, Orange Money. L’expérience est un succès, dans des pays où les réseaux bancaires sont lâches et les habitants faiblement bancarisés. En France aussi, l’opérateur a déjà mis un pied dans le secteur avec Orange Cash, un wallet mobile conçu en partenariat avec Visa et disponible depuis novembre sur l’ensemble du territoire.

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Une « banque de complément »

Mais l’exemple le plus probant de l’intérêt d’Orange pour le business bancaire vient de Pologne, où il s’est allié avec un acteur local, mBank, pour lancer en octobre 2014 un service bancaire à part entière, Orange Finanse. Un an plus tard, 200.000 clients ont été convaincus par cette offre centrée sur le mobile, qui intègre compte courant, carte de paiement NFC, wallet autorisant notamment les transferts d’argent entre particuliers, et même une offre de crédit conso. Le tout proposé gratuitement aux abonnés mobiles de l’opérateur.

Orange Finanse sera-t-il la matrice du service annoncé prochainement en France, mais aussi en Espagne ? Tout porte à le croire. Dans l’immédiat, Orange est resté assez vague sur ses intentions et a renvoyé à début 2016 une communication sur le sujet. A l’occasion d’une récente intervention dans un forum, son PDG Stéphane Richard a néanmoins décrit « une vraie banque mobile, 100% digitale », « une banque de complément, (…) que vous utilisez avec votre communauté d’amis et qui va permettre de faire des petites opérations totalement sécurisées instantanément. »

En quête d’un partenaire bancaire

Problème : Orange ne dispose pas de licence bancaire, et ne semble pas avoir en projet d’en décrocher une. A l’image du deal passé en Pologne avec mBank, l’opérateur télécom recherche donc en France un partenaire, plutôt du côté des banques 100% en ligne. Sophie Heller, la directrice générale d’ING Direct France, nous a ainsi confirmé avoir été « en contact » avec Orange, sans plus de détails. Le nom de Boursorama Banque a également été cité par la presse. Interrogé sur le sujet par Les Echos, Bernardo Sanchez Incera, directeur général délégué de la Société Générale, maison-mère de Boursorama, n’a d’ailleurs pas rejeté l’éventualité d’un tel partenariat. « Alors que les revenus de la banque de détail seront sous pression à l’avenir, la priorité est de créer de la valeur et, pour ce faire, il peut être bon d’oublier son intérêt immédiat pour créer plus de valeur à deux », a-t-il notamment expliqué.

Mais la piste la plus intéressante, sans doute, mène à Axa Banque. Cette dernière a lancé début 2014 Soon, un service bancaire 100% mobile, qui ressemble comme deux gouttes d’eau au projet décrit par Stéphane Richard. Malgré certains atouts - la gratuité de la carte bancaire sans conditions de revenus, notamment - Soon peine à décoller, avec moins de 15.000 clients captés en deux ans. Axa Banque, qui se contente du service minimum pour promouvoir son service, pourrait être tenté de le proposer à Orange, qui récupérerait ainsi un produit clé en main.

La force d’un réseau de points de vente physiques

Reste une question : quel intérêt pourrait trouver une enseigne de banque en ligne à « pactiser » avec un acteur aussi puissant qu’Orange ? La réponse se trouve peut-être dans son réseau. L’opérateur dispose en effet de nombreuses boutiques, plus de 1.000 rien qu’en France. « Ils ont certainement dans l’idée d’exploiter ce réseau », estime Sophie Heller d’ING Direct. « Si c’est le cas, ils s’adresseront à une clientèle différente de la nôtre », poursuit-elle. « Je pense que cela va surtout menacer les banques traditionnelles, avec une offre fonctionnant sur la proximité, simple et très bien tarifée ».

De manière assez paradoxale, ces points de vente physiques pourraient toutefois attirer certaines enseignes 100% en ligne, conscientes de leur déficit d’image auprès du grand public et de leurs difficultés à toucher certains segments de clientèle, notamment en province. Le succès de Compte-Nickel, le service de paiement distribué dans les bureaux de tabac - près de 200.000 clients en 2 ans - leur a également rappelé l'efficacité incomparable d’une présence sur le terrain, dans des lieux fréquentés quotidiennement par les consommateurs. De là à envisager un relais dans les boutiques Orange, il n’y a qu’un pas, que certaines pourraient être tentées de franchir.

Mise à jour (7 décembre 2015) - Selon La Lettre de l'Expansion, Axa Banque ne sera pas le partenaire d'Orange en France. L'enseigne a préféré se désister, « pour des raisons d'image ». De même source, deux candidats restent en lice : Boursorama Banque et Groupama Banque.