Dans tout réseau mutualiste, changer de région rime souvent avec changement de caisse régionale. Et cela demande donc de changer de code banque, ce qui oblige les usagers bancaires à gérer les transferts de domiciliation, à réclamer de nouveaux moyens de paiements, à subir les délais de transfert de leurs produits d’épargne, etc. A l’image de ce que propose déjà la Caisse d’Epargne avec Mobiliz, par exemple, le Crédit Agricole a lancé un dispositif d’aide à la mobilité de ses clients au sein de son réseau.

Comment fonctionne ce nouveau service d’aide à la mobilité régionale interne au Crédit Agricole ?

Eric Gonce (directeur général adjoint à la fédération nationale du Crédit Agricole) : « Ce nouveau service, gratuit, a été lancé le 15 juin dernier. Il dispose d’un nom évocateur, Facilit’, car son objectif est de faciliter la vie de nos clients. Désormais, quand le client demande à changer de caisse régionale, il est mis en relation avec la plateforme téléphonique, gérée par Crédit Agricole Titres, filiale du groupe Crédit Agricole, qui fournit ce service de mobilité. Le premier contact peut se faire en agence, par e-mail, ou par téléphone au numéro gratuit 3121. Le client donne alors mandat de procéder au changement de domiciliation bancaire de ses virements et de ses prélèvements. La plateforme va ensuite gérer toutes les communications entre la caisse régionale de départ et celle d’arrivée. Nous proposons aussi au client plusieurs agences de rattachement, et nous organisons la prise de rendez-vous avec son futur conseiller bancaire. »

Le dispositif Facilit’ se limite-t-il à une plateforme téléphonique ou est-ce plus large que cela ?

EG : « Les contacts sont centralisés au niveau de cette plateforme, mais le service prend en charge à la fois l’ouverture du nouveau compte bancaire, le changement de domiciliation, la commande de nouveaux moyens de paiement, etc. Le périmètre de ce service, défini par le client, s’étend à l’ensemble des services qui peuvent être transférés en l’état. Ainsi, un crédit ne peut, par exemple, pas être cédé en l’état d’une caisse régionale à une autre, puisqu’il s’agit de deux banques distinctes. Dans ce cas, l’ancienne caisse régionale prélèvera les mensualités sur le compte ouvert dans la nouvelle caisse régionale de Crédit Agricole. »

Isabelle Fontaine-Scherschel (directrice stratégie client) : « Avec Facilit', c’est aussi et surtout la relation client, qui est transférée d’une caisse régionale à l’autre. La banque d’arrivée conserve l’historique de la relation de son client avec son ancienne banque. Le client a le sentiment d’être avant tout client d’un groupe national, le Crédit Agricole. »

Quel sera le gain, pour les particuliers, en termes de délai, entre le moment où l’on demande le changement et le moment où celui-ci est effectif ?

IFS : « Tout dépend du type de produits bancaires concernés. Le transfert prend plus de temps s’il y a un crédit, de l’assurance-vie, etc. C’est plus rapide si le client n’a que des produits plus simples, comme des livrets et un compte courant. »

EG : « Nous serons dans les délais imposés par la loi Macron (1). Le plus important, pour les particuliers, c’est le changement de domiciliation liée au compte courant, qui peut se faire en une semaine ou 15 jours. Nous avons interrogé nos clients pour mettre en place ce dispositif, et ils nous ont notamment demandé d’éviter des doubles facturations, pendant la période de transfert : nous les avons neutralisées. »

Qu’avez-vous mis en place pour éviter une période de double facturation ?

EG : Afin d’éviter toute double facturation, nous avons mis en place un dispositif d’exonération totale des frais pour le client, dans sa caisse régionale d’origine. Cette exonération est prévue pour la durée du transfert des comptes dans le cadre de la mobilité, avec une durée maximale de 3 mois.

IFS : « Si le client n’utilise plus son ancienne carte, elle est annulée, et les frais lui sont, par exemple, automatiquement remboursés. »

Le client doit-il réclamer cette exonération ?

EG : « Non, il n’a rien à demander, la facturation est neutralisée automatiquement. »

Quelles autres enseignements sont ressorties de cette consultation clients ?

EG : « Ils souhaitaient d’abord éviter d’avoir à reproduire tous les documents pour ouvrir un nouveau compte. Dans le cadre de Facilit’, nous transférons aussi nos informations clients, de façon à ce qu’il y ait une continuité relationnelle, qu’il n’y ait pas tout à reprendre à zéro dans la nouvelle agence. »

Et comment se passe le transfert des avantages fidélité ?

IFS : « Les avantages acquis peuvent être valorisés dans la caisse accueillante. Il y a un socle commun au niveau de ces avantages [30 euros offerts pour l'ouverture de certains produits, par le client ou un proche, et un avantage commercial pour les enfants ou petits-enfants sur l'assurance habitation ou le crédit conso (2), NDLR], même si certaines caisses régionales ont ajouté des éléments. »

Qu’avez-vous mis en place pour éviter que certaines caisses régionales ne prennent trop de temps pour transférer les comptes vers le nouvel établissement ?

EG : « La plateforme est là pour rendre la démarche fluide et rapide. »

IFS : « Cette tâche a été confiée à une structure du groupe neutre vis-à-vis des caisses régionales, CA Titres. »

Vous ne travaillerez donc plus avec Isilis, qui s’occupe jusqu’ici de vos transferts de domiciliation ?

EG : « Si. Mais le client n’aura de contact qu’avec la plateforme téléphonique, pas avec Isilis. »

Le quotidien Les Echos évoquait, fin 2014, 200.000 clients perdus chaque année à cause des difficultés de transfert entre régions. Vous confirmez ?

EG : « 300.000 clients quittent chaque année le territoire d’une caisse régionale pour aller dans le territoire d’une autre caisse. Sur les 300.000, 65.000 demandent le transfert de compte immédiatement. Pour les plus de 200.000 autres, nous ne savons pas exactement ce qu’ils choisissent de faire. Beaucoup fonctionnent à distance et conservent leur compte sans rien changer. D’autres clients privilégient la proximité : ils ouvrent un compte dans l’agence bancaire la plus proche de leur nouveau domicile. Dans ce cas, nous ne maîtrisons pas la mobilité. L’idée de Facilit’, c’est d’accompagner cette mobilité géographique et d’assurer la continuité de la relation. Nous ne pouvons donc pas dire que nous perdons chaque année 200.000 clients. »

Quels sont vos objectifs en nombre de transferts effectués par an ?

EG : « Je ne peux pas le dire mais nous savons que l’investissement réalisé, celui de la mise en place de cette plateforme, en vaut la peine. Le coût d’acquisition d’un client est élevé, alors, mettre en place une plateforme téléphonique pour ne pas en perdre, c’est forcément rentable. »

Pourquoi ce service n’a pu être mis en place plus tôt ?

EG : « Avant, il y avait quatre systèmes informatiques différents dans les 39 caisses régionales. Il a fallu mener le projet NICE à son terme pour les unifier. La migration s’est terminée fin 2013. Dès que ce projet a été achevé, nous nous sommes mis au travail. »

(1) Lire à ce propos : Un nouveau « contrat de mobilité » pour changer de banque plus facilement

(2) Le socle commun des avantages fidélité est donc d'une part un « bon d'un montant unitaire de 30 euros maximum » pour la souscription « de produits ou services dans une liste », selon la Fédération nationale du Crédit Agricole (FNCA), d'autre part un « avantage intergénérationnel pour les enfants ou petits-enfants du client », à savoir une « remise » sur l’assurance habitation lors d’un premier achat immobilier ou un prêt personnel « à taux préférentiel ».