Le Crédit agricole de Lorraine (CAL) a été condamné jeudi à Metz pour démarchage illicite et irrégularités dans une affaire d'emprunts immobiliers en francs suisses mais remboursables en euros, qui se sont avérés ruineux pour plusieurs dizaines d'investisseurs.

« A ma connaissance cette décision condamne pour la première fois une banque française pour des crédits structurés en monnaie étrangère, c'est une grande victoire », s'est félicité l'avocat des plaignants, Me Arnaud Métayer-Mathieu, interrogé par l'AFP.

Une quarantaine d'investisseurs, des personnes aisées attirées par des promesses de défiscalisation, avaient vu la valeur de leurs prêts, souscrits auprès du CAL avant 2010, et des intérêts afférents exploser quand la monnaie helvétique s'était appréciée de plus de 30% par rapport à l'euro durant la crise financière. Ils avaient porté plainte en 2012 contre le CAL pour « démarchage illicite », arguant que la banque avait eu recours à des intermédiaires pour diffuser ces prêts. Ils accusaient aussi la banque de ne pas les avoir suffisamment informés sur les risques financiers encourus.

La chambre civile du tribunal de Metz a prononcé la nullité de la plupart des 12 prêts examinés jeudi, estimant qu'ils avaient fait l'objet d'un démarchage illicite. Dans d'autres dossiers, elle a ordonné des dommages-intérêts partiels pour des irrégularités comme le défaut d'information. « La nullité a pour conséquence de laisser à la charge de la banque la perte de change et les intérêts conventionnels, l'emprunteur n'ayant plus qu'à rembourser le seul capital emprunté d'origine en euro, comme un prêt à taux zéro », a expliqué Me Arnaud Métayer-Mathieu.

La banque va « probablement » faire appel

D'autres audiences sont prévues ultérieurement pour près d'une trentaine de dossiers restants mais « les moyens étant les mêmes, on peut subodorer que ce seront les mêmes décisions qui seront rendues », selon l'avocat.

Vincent Jung, directeur général adjoint du CAL, a indiqué jeudi à l'AFP que la banque allait « probablement » faire appel, tout en soulignant qu'elle devait d'abord analyser précisément ces décisions.

Dans un communiqué publié jeudi soir, la banque « estime avoir informé préalablement ces clients du risque de change auquel ils s'exposaient ainsi que de l'évolution régulière du taux de change », agissant « par anticipation » aux recommandations de l'Autorité de contrôle prudentiel. Ces clients avaient eu recours à ces financements « dans le cadre d'une recherche d'optimisation fiscale sur les conseils de gestionnaires de patrimoine extérieurs à la banque », a précisé le CAL dans son communiqué.

D'autres banques sont poursuivies dans des affaires similaires de prêts toxiques en francs suisses, comme BNP Paribas. En mars quelque 400 emprunteurs ont assigné une filiale du groupe devant le TGI de Paris et lui réclament 40 millions d'euros de dommages et intérêts. En juillet 2013, la réforme bancaire a encadré de manière beaucoup plus stricte les prêts en devises étrangères remboursables en monnaie nationale.