La Commission européenne a infligé des sanctions à six banques ayant participé à des « cartels dans le secteur des produits dérivés de taux d’intérêt » pour un montant cumulé record : 1,71 milliard d’euros d'amende. Ces banques, dont la Société Générale en France, ont profité d’une ristourne. UBS et Barclays ont obtenu une immunité complète en révélant les ententes.

Entre septembre 2005 et mai 2008, selon la Commission européenne, les traders de la Société Générale, RBS, Deutche Bank et Barclays, censés se faire concurrence sur le marché des produits dérivés, ont scellé une entente. Ils agissent sur l’indice de référence interbancaire en euros, l’Euribor. Cet indice est déterminé chaque jour sur la base des taux auxquels les banques se prêtent de l’argent entre elles. Une multitude de contrats et produits financiers sont indexés sur cet indice. Les traders cherchaient ainsi, selon le communiqué de la Commission, à « fausser l’évolution normale des composants du prix pour ces produits dérivés ».

Seconde étape : de nouveaux « cartels », pour reprendre le terme utilisé par la Commission européenne, se forment et agissent cette fois sur le « Libor en JPY » et le Tibor, équivalents de l’Euribor sur le secteur des produits dérivés de taux d’intérêts en yens, entre 2007 et 2010.

La Commission a engagé une procédure en février 2013. Elle a abouti ce mercredi. Six grandes banques se sont vues infliger de lourdes amendes, pour un montant record de 1,71 milliard d’euros, une somme qui vise à « punir et dissuader » selon le commissaire chargé de la Concurrence, Joaquin Almunia. Ce dernier a souligné lors d’une conférence de presse que la Commission européenne n’avait jusqu’à présent jamais décidé d'amendes d'un montant cumulé aussi élevé dans des cas d’entente ou d'abus de position dominante.

UBS et Barclays échappent à des amendes record

Mais toutes les banques concernées n’ont pas été punies. Au total, huit institutions financières (1) ont été reconnues coupables de manipulation par la Commission. Quatre ont participé à l’entente concernant l’Euribor et six à celle concernant le Libor en yens, une seule infraction ayant concerné le Tibor. Seules six d’entres elles devront s’acquitter d’une amende. Dans le cas de l’Euribor, la britannique Barclays a bénéficié d’une immunité et échappe à une sanction de 690 millions d’euros pour avoir révélé l’existence de l’entente à la Commission. Dans l’enquête concernant le Libor et le Tibor, c’est la Suisse UBS qui échappe à une énorme amende de 2,5 milliards d’euros pour avoir révélé l’entente.

La Deutsche Bank, impliquée dans les deux affaires, écope de la plus lourde sanction : 725 millions d’euros. La Société Générale, concernée par l'Euribor, émarge au deuxième rang avec 446 millions d’euros d' amende . Ces montants auraient pu être encore plus élevés. « La Deutsche Bank, RBS et la Société Générale ont vu leurs amendes réduites pour avoir coopéré à l’enquête », précise la Commission dans un communiqué. La banque française a ainsi conclu une transaction avec Bruxelles pour régler son ardoise. Par communiqué, la SocGen a cependant imputé la responsabilité des faits à « un salarié qui a quitté la Société Générale en septembre 2009 ».

Lire : Scandale de l'Euribor : l'amende de 446 millions d'euros ne bouleverse pas les objectifs 2013 de SocGen

Mais les lourdes amendes infligées par la Commission « ne mettent pas fin à cette histoire », a insisté le commissaire Almunia en conférence de presse. Ainsi une procédure a aussi été ouverte à l’encontre du Crédit Agricole, de la banque britannique HSBC et de l’Américaine JPMorgan. Interrogé début novembre, le directeur général de Crédit Agricole SA Jean-Paul Chifflet avait déclaré « refuser l’idée d’une transaction », réfutant toute « responsabilité » de sa banque. Jean-Paul Chifflet avait donc affiché sa confiance en l’issue positive de cette enquête pour son entreprise, affirmant que le Crédit Agricole disposait d’un « très bon dossier ». Le document de référence de la banque mis à jour en juin prévoit cependant des « provisions adéquates » liées aux risques juridiques en cours.

Lire : Scandale de l'Euribor : Crédit Agricole ne passera pas d'accord avec l'Union européenne

D’autres scandales pourraient encore éclater. Joaquin Almunia a précisé qu’une investigation était en cours sur de possibles manipulations du franc suisse et que la Commission avait reçu des informations sur des manipulations du marché des changes.

(1) Dans l’affaire Euribor : Barclays, Deutsche Bank, Société Générale et Royal Bank of Scotland (RBS). Dans l’affaire Libor/Tibor : UBS, RBS, Deutsche Bank, JPMorgan, Citigroup et RP Martin.