Née en 1953, Cetelem fête cette année ses 60 ans. L’occasion pour la filiale de BNP Paribas de revenir sur l’histoire de la grande consommation en France, à travers une série de conférences et d’expositions. Bruno Salmon, le président de BNP Paribas Personal Finance, qui est entré chez Cetelem en 1972, a accepté de nous conter l’histoire de sa marque. Au passage, il insiste sur l’utilité sociale du crédit à la consommation. Interview.

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Bruno Salmon, Cetelem fête ces jours-ci ses soixante ans d’existence. Comment est née la marque, en 1953 ?

« L’histoire de Cetelem suit celle de la grande consommation dans notre pays. L’idée de départ, au sortir de la deuxième guerre mondiale, était d’accompagner les Français dans l’équipement de leur foyer, à l’image de ce qui se faisait aux Etats-Unis, où les ménages avaient déjà recours à des formules d’étalement du paiement pour acheter leur réfrigérateur, leur machine à laver ou leur mobilier. Il faut se souvenir qu’à l’époque, un réfrigérateur représentait l’équivalent de six mois de salaire ! »

Les années 1950–60 ont été celles de l’équipement en électroménager. Quels relais de croissance avez-vous trouvé une fois que tous les foyers, ou presque, possédaient un réfrigérateur et une machine à laver ?

« Dans les années 70–90 se sont généralisés les biens qu’on qualifierait aujourd’hui d’électroniques : la télévision, noir et blanc puis couleur ; les magnétoscopes, très recherchés, à tel point qu’il y a eu à un moment des quotas de distribution ; et les premiers micro-ordinateurs. Cetelem a ainsi été le compagnon d’équipement des premiers Macintosh, en 1986. Nous étions toujours dans l’équipement du foyer, mais avec des objets qui étaient moins de première nécessité que de divertissement et de culture. Ensuite, dans les années 2000–2010, les besoins se sont orientés vers des produits d’aménagement de l’intérieur de la maison (la décoration, l’isolation thermique), moins destinés à satisfaire des besoins élémentaires que dédiés à l’agrément de vie. Avec de plus en plus, un souci pour la préservation de l’environnement et la consommation raisonnée. »

Cette évolution des besoins des ménages s’est-elle accompagnée d’une évolution des formes de crédits à la consommation ?

« Oui. Dans les années 50, c’est le crédit vendu dans les points de vente, ce qu’on appelle la « vente à tempérament », qui dominait. Ensuite, des formules plus modernes se sont développées. Le crédit renouvelable d’abord, à partir du moment où le prix unitaire des biens a commencé à baisser, sous l’action notamment de la grande distribution. Nous ne pouvions, en effet, ouvrir un dossier de crédit pour un achat de 100 ou 200 euros. Le crédit renouvelable est donc un produit très utile pour répondre à ce type de besoins. L’autre grand produit qui s’est développé, c’est le prêt personnel, pour des consommateurs qui souhaitaient trouver leur crédit avant d’avoir trouvé le bien à acheter. Cetelem a préempté cette activité dite de crédit direct très tôt, et tient donc une place très importante sur ce marché. »

Vous évoquez l’utilité du crédit renouvelable, un produit aujourd’hui stigmatisé pour son rôle dans le surendettement. De quand date ce basculement ?

« Cela remonte, je pense, à une dizaine d’années, mais le débat public s’est encore intensifié autour des discussions sur la loi Lagarde, à partir de 2009. Parmi les pays européens où nous sommes présents, la France est celui où le risque d’impayés est le plus faible, mais aussi celui où le débat sur la question du crédit renouvelable est le plus vif. Pourtant, la loi Lagarde a très profondément modifié la distribution de ce type de crédit, qui est aujourd’hui très minoritaire, de l’ordre de 20% des encours et de 30% des financements. Ce repli a été confirmé par le CCSF, qui est chargé du suivi de la loi Lagarde. Pourtant, les critiques des observateurs de ce marché perdurent, comme si rien n’avait changé. Il y a une forme de déni. »

Face à cette polémique, vous avez mis en avant la notion de « crédit responsable ». A quand remonte ce choix ?

« C’est une conviction très forte et ancienne au sein de l’entreprise, qui a déposée la marque dans toute l’Europe en 2004. A l’époque, cette notion n’était pas encore à l’ordre du jour, mais nous avions senti que la qualité des produits et de leur distribution allait devenir un sujet important. Nous avons donc mené un travail interne de remise en cause de nos modes de fonctionnement, et un travail de communication illustré par le fameux petit personnage vert, qui essaye d’être le médiateur entre la marque Cetelem et les consommateurs. »

A l’occasion de ce 60e anniversaire, vous vous interrogez également sur l’avenir de la consommation. Comment l’envisagez-vous ?

« Les notions de qualité et de responsabilité des produits vont continuer, je pense, à prendre une place de plus en plus grande. Les consommateurs, au moins en Europe occidentale, vont être de plus en plus sensibles à l’usage d’un produit et à son impact environnemental, plus qu’au fait de le posséder. Nous sommes en train de sortir d’une période de consommation cumulative - j’achète des biens par envie de consommer. Pour nous, ce passage de la notion de propriété à la notion d’usage est un événement incontournable. Et nous avons le sentiment d’avoir pris un coup d’avance dans ce domaine. »