Avec la parution, samedi dernier au Journal officiel, d’un décret et d’un arrêté qui en fixent les règles prudentielles, tout est désormais en place pour la mise en œuvre en France d’un nouveau type d’acteur financier, les établissements de monnaie électronique, qui devraient permettre le développement de ce marché.

Cette parution fait suite au vote d’une loi, datée du 28 janvier dernier, qui, notamment, transpose la directive européenne du 16 septembre 2009 sur la monnaie électronique. Ce faisant, elle met un terme, avec deux ans de retard tout de même, à ce processus de transposition et ouvre la voie à la création, à côté des banques et des établissements de paiement, d’un nouveau type d’acteur : l’établissement de monnaie électronique.

De quoi parle-t-on lorsqu’on évoque cette monnaie électronique ? D'un substitut dématérialisé des pièces et des billets, utilisable notamment pour régler des achats de petits montants. A la différence des espèces, cette monnaie est stocké sur un support électronique : une carte à puce le plus souvent, éventuellement un téléphone mobile. A la différence de la carte bancaire, ce support électronique stocke directement la somme d’argent, et n’a pas besoin d’interroger, ni même d’être lié à un compte bancaire.

Un marché embryonnaire

En France, l’exemple le plus connu est Monéo, ce dispositif embarqué sur une carte à puce, destiné à régler des petites sommes chez les commerçants de détail, mais qui n’est pas devenu le porte-monnaie électronique incontournable. Plus récemment se sont développées les cartes cadeaux vendues par certaines grandes surfaces, ou les cartes de paiement prépayées distribuées par certaines banques. Mais la monnaie électronique reste encore embryonnaire en France. Selon le rapport parlementaire rédigé par le député PS Christophe Carresche (1) en amont de la loi du 28 janvier, ce marché concerne actuellement moins de dix entreprises.

Développer ce marché est ainsi l’un des objectifs de la directive. Pour y parvenir, explique le rapport parlementaire, elle assouplit le cadre réglementaire en mettant « un terme au monopole bancaire existant en matière d’émission et de gestion de monnaie électronique » et en facilitant la création d’établissements de monnaie électronique, dont les caractéristiques sont proches des établissements de paiement, à tel point que les deux statuts pourraient, à terme, ne faire qu’un.

350.000 euros de capital

L’objet de l’arrêté est précisément de détailler les règles prudentielles à satisfaire pour obtenir, de la part de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), le statut d’établissement de monnaie électronique. Le capital minimum est ainsi fixé à 350.000 euros. Soit beaucoup moins que pour les établissements de crédit (5 millions d’euros minimum pour les banques de dépôts) mais plus que pour les établissements de paiements (entre 20.000 et 125.000 euros, selon les services proposés). L’arrêté liste également les opérations qui doivent être soumises à l’autorisation préalable de l’ACP (changement de forme juridique, d’identité des associés au sein de l’entreprise, etc), et celles qui nécessitent une notification avec pouvoir d’opposition ou une simple déclaration à l’ACP. Il fixe enfin les règles de fonds propres et de protection de fonds des clients, ainsi que les conditions du retrait d’agrément et de radiation des établissements.

Le décret, de son côté, précise les seuils en dessous desquels certaines entreprises peuvent distribuer de la monnaie électronique, sans avoir à obtenir le statut d’établissement de monnaie électronique. Une exception prévue notamment, explique le rapport parlementaire, pour couvrir « les cartes-cadeaux émises par certains réseaux commerciaux, qui ne sont acceptées que dans les enseignes de ce réseau (…) ». Ainsi, si les « activités commerciales dans leur ensemble [de l'entreprise concernée] génèrent une moyenne de la monnaie électronique en circulation inférieure à » 5 millions d’euros, et si la monnaie embarquée sur ses supports est inférieure à 250 euros, l’entreprise est dispensée par l’ACP de satisfaire aux dispositions prudentielles détaillées dans l’arrêté.

(1) Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (n° 232), enregistré le 4 décembre 2012.