Il ne se passe pas une semaine sans qu'une nouvelle initiative apparaisse dans le domaine des moyens de paiement électroniques. Nous avons fait le point avec Guillaume Almeras, directeur banques au sein du cabinet de conseil Compass MC France et auteur d'une étude sur la question.

De quoi parle-t-on lorsqu’on évoque les nouveaux moyens de paiement ?

Guillaume Almeras : « Les projets les plus saillants concernent aujourd’hui le paiement sans contact, grâce notamment à la technologie NFC (qui permet l’échange de données sans contact), et le portefeuille électronique. Mais il y a aussi des initiatives dans le domaine du pré-payé (sur le modèle des cartes téléphoniques ou des cartes-cadeaux) ou du paiement sur internet. On assiste à une véritable floraison de projets liés aux nouvelles manières de régler des achats. »

Quels sont les grands axes d’innovation ?

« Actuellement, elles se structurent autour de trois axes. Le premier, ce sont les nouveaux usages liés au commerce en ligne, et notamment la nécessité de ne plus avoir à donner son numéro de carte. PayPal répond aujourd’hui à cette demande, mais d’autres s’y intéressent. Le deuxième axe, c’est tout ce qui concerne la gestion des paiements sous forme numérique : le paiement sans contact, le portefeuille électronique. L’enjeu est de remplacer les espèces, mais aussi de dématérialiser tous les documents liés au paiement, comme les factures. C’est un domaine très vaste, qui promet de nombreux changements. Le troisième axe, enfin, concerne l’accompagnement de l’acte d’achat par de nouveaux services : le géo-marketing personnalisé, la réalité augmentée, etc. Le NFC, embarqué sur la carte bancaire ou dans le téléphone mobile, permet tout cela. »

Certains pays ont-ils pris de l’avance dans le domaine ?

« Oui, des usages grand public existent au Japon, où le portefeuille électronique est déjà bien implanté, en Corée du Sud, à Singapour, mais aussi en Angleterre, par exemple. A Londres, certains parkings permettent ainsi de payer à distance via SMS. »

Et en France ?

« Les Français ont la particularité de posséder des cartes bancaires qui permettent déjà des paiements rapides. Le sans-contact n’apporterait donc pas grand-chose en terme de gain de temps, sauf pour les paiements de tout petit montant, où il pourrait alors se substituer aux espèces. L’attente est plus vive, par exemple, aux Etats-Unis, où le système des cartes de paiement est moins efficace. »

Que pensez-vous des récentes initiatives françaises, comme Kwixo ou Buyster ?

« Ce sont plutôt, à mon avis, des ballons d’essai. Kwixo, par exemple, ne compte aujourd’hui que 120.000 clients, surtout venus pour le paiement P2P (micro-paiement entre particuliers, NDLR). Il est par ailleurs présent, en tant que moyen de paiement, sur 680 sites internet en France, quand PayPal en revendique plus de 13.000. »

Qui sont aujourd’hui les acteurs les mieux placés pour s’imposer sur ce marché ?

« En dernier ressort, les banques resteront incontournables, grâce à leur réseau. Mais de nouveaux acteurs vont venir se superposer. Je pense que les grands réseaux de cartes bancaires, comme Mastercard ou Visa, sont bien placés. Visa va lancer l’an prochain V.me, un nouveau service de paiement sécurisé qui pourrait intéresser les banques. Il y a ensuite les géants technologiques, comme Google, qui lance actuellement Wallet, ou Apple, s’il décide de venir sur ce marché. Et puis il y a PayPal, déjà bien en place, et les opérateurs téléphoniques. Le marché n’a pas encore fait son tri. On va très certainement assister à une guerre d’envergure. »

Qu’est-ce qui empêche encore l’adoption par le grand public de ces nouveaux moyens de paiement ?

« Le premier problème est celui du réseau d’acceptation du moyen de paiement. Dans ce domaine, les banques possèdent un atout grâce à leur réseau interbancaire, sécurisé, qui peut également permettre de faire transiter autre chose que des paiements, des documents dématérialisés (courriers, factures) par exemple. Il y a ensuite le problème des usages. Il faut une génération pour que le grand public s’approprie un nouveau moyen de paiement. Le sans contact existe déjà en France, avec le télépéage, mais il a fallu une génération pour que cela prenne. Aujourd’hui, il y a un fossé générationnel entre les moins de 35 ans d’un côté, et les plus de 55 ans de l’autre. Les plus de 55 ans ne passeront pas aux nouveaux moyens de paiement, au portefeuille électronique. C’est pourquoi l’usage du chèque ne recule que lentement, au grand dam des banques d'ailleurs, à qui il coûte cher. »