De l'invention à l'adoption par le grand public, il y a un pas que tous les nouveaux moyens de paiement ne franchiront pas, à moins que tous, consommateurs, commerçants et banques, n'y trouvent leur compte. Seconde partie de notre dossier sur les nouveaux moyens de paiement.

[Suite de la Révolution nomade dans les moyens de paiement]

L’enjeu

Décembre 2009 : le Conseil des paiements du Royaume-Uni annonce son intention de bannir de son sol les chèques à l’horizon 2018. L’institution prend ainsi acte du déclin inexorable d’un moyen de paiement qui ne représentait plus, en 2008, que 3% des paiements, hors espèces. Partant du même constat, d’autres pays devraient suivre dans les prochaines années.

Autrefois indispensable, le chèque n’est simplement plus en phase avec son époque : pas assez rentable pour les banques (car coûteux à traiter), il est boudé par les jeunes, pour qui écrire des chiffres en lettres est une gageure.

Sa disparition programmée ouvre un boulevard à la carte bancaire, le moyen de paiement dominant aujourd’hui (en 2008, 91% des Français en possédaient au moins une). Mais celle-ci n’est pas adaptée à tous les cas de figure, notamment au paiement de petites sommes ou aux opérations entre particuliers. L’enjeu, aujourd’hui, pour les banques est donc de trouver de nouveaux moyens de paiement qui répondent à la fois aux besoins de leurs clients et promettent de nouvelles sources de revenus.

Les usages

Quelles sont, dans le domaine bancaire, les innovations susceptibles de concilier ces deux impératifs ? Pour répondre à cette question, certaines banques françaises ont mis en place, en interne, des services spécialisés dans la veille et la recherche. C’est le cas de BNP Paribas, avec l’Atelier, ou du Crédit Agricole, avec son Technolab’.

D’autres banques expérimentent directement sur le terrain. La Société Générale a ainsi lancé au Sénégal, en juin dernier, un service de paiement par téléphone mobile appelé Yoban’tel. L’objectif annoncé est de tester ce produit à l’échelle d’un pays, avant de l’étendre au continent africain, puis éventuellement au monde entier.

Eventuellement, car rien n’indique a priori qu’un succès en Afrique, où les connexions internet, les agences et les cartes bancaires sont rares, puisse être reproduit dans les pays développés, où ce n’est pas le cas. Une récente étude du cabinet Gartner montre d’ailleurs que moins d’un utilisateur du paiement par mobile sur 10 vit aujourd’hui en Europe de l’Ouest ou en Amérique du Nord. Les consommateurs n’en ont tout simplement pas (encore ?) l’usage.

Les limites

Mais la question de l’usage pour le consommateur n’est pas tout. Pour être massivement adopté, il faut que tout le monde trouve son compte dans le modèle économique du nouveau moyen de paiement. En gros, qu’il représente une source de nouveaux revenus pour les banques, sans entraîner de surcoût prohibitif pour les commerçants.

De ce point de vue, l’échec (relatif) de Moneo est éclairant. Lancé en grandes pompes dans le courant des années 2000, ce porte-monnaie électronique, embarqué sur la carte bancaire, semblait une excellente idée, attendue par de nombreux Français. Pourtant, il ne s’est pas imposé. Pourquoi ?

Les commerçants ont en fait jugé, dans leur grande majorité, que le coût du lecteur de cartes et des commissions prélevées par les banques sur les transactions était trop important par rapport au service rendu, dans la gamme de produits que Moneo permettait de payer (pain, journaux, etc). Car si c'est le consommateur qui paye indirectement le surcoût, celui-ci était difficile à répercuter sur les seuls petits prix. Ainsi, alors que la plupart des cartes bancaires françaises embarquent Moneo, seul un commerce sur trois, environ, accepte ce service.

Bonne idée sur le papier, Moneo n'a pourtant entraîné l'adhésion ni des commerçants, ni de leurs clients. Un contre-exemple qu'ont certainement en tête les banques, au moment de lancer de nouveaux moyens de paiement.