Injonction à rester chez soi, agences fermées ou en service réduit : le confinement a été l’occasion pour certains d'entre nous de se familiariser avec les services bancaires sur web et/ou mobile. Les banques en ligne, spécialistes du sujet, vont-elles en profiter pour élargir leur audience ? Elles l'espèrent évidemment.

Visioconférence, télétravail, commerce en ligne : avec le confinement, nous avons tous été amenés à tester de nouvelles manières d’échanger, de travailler et de consommer. A tel point que certains observateurs estiment que ces deux mois d’isolement vont entraîner une accélération sans précédent de l’usage des biens et services numériques, sur mobile, ordinateur ou tablette…

Cette perspective vaut évidemment aussi pour la banque de détail. Certes, la transition y est déjà bien avancée : le PC d’abord, puis le smartphone ont déjà supplanté l’agence ou le téléphone comme canaux d’interaction privilégiés par les clients. Mais le confinement et la fermeture d’une partie des agences bancaires ont sans doute achevé de convaincre les derniers réfractaires. Selon un récent sondage du Boston Consulting Group (BCG), ce sont ainsi 7% des Français qui se sont initiés ces dernières semaines aux services bancaires mobiles ou en ligne. Certains semblent même y avoir pris goût : un consommateur sur 5 environ prévoit de limiter ses visites en agence, voire ne plus y aller du tout, une fois que la crise sera terminée.

Le coronavirus, « un révélateur et un accélérateur »

Une catégorie d’établissement, en particulier, espère profiter de ce momentum : les banques en ligne, représentées en France par Boursorama, ING, Fortuneo, Hello Bank, Monabanq ou encore BforBank. Dans le contexte particulier du confinement, ces enseignes sans agence ont eu l’occasion de faire la preuve de la résilience de leur modèle, la continuité de leurs services n’ayant été que peu perturbée. « Nous avons, par définition, l’habitude de la distance, et tous nos produits [sont restés] ouverts à la souscription, ce qui n’est pas nécessairement le cas pour 100% des banques », explique Benoît Grisoni, patron de Boursorama. Il estime que « la crise peut effectivement être un révélateur et un accélérateur » pour l’enseigne n°1 du marché français, qui espère toujours atteindre les 3 millions de clients en 2021, et plus généralement pour les acteurs de la banque numérique.

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Un optimisme que nuance un peu Guillaume Larmaraud, associé chez Colombus Consulting. Pour lui, si « le modèle à distance des banques en ligne » a fait la preuve de sa résistance face à la crise, c’est aussi le cas des banques traditionnelles, qui pourraient même en ressortir renforcées : « Elles ont montré qu’elles étaient capables d’assurer l’essentiel des actes de base, même avec des agences fermées », détaille le consultant. « La digitalisation était déjà un mouvement de fond, mais la crise est une opportunité pour les banques traditionnelles d’achever le processus. »

« Nous ne cherchons pas à avoir tous les Français »

Qu’importe, pour Benoît Grisoni : le patron de Boursorama est bien conscient que le modèle sans agence promu par son enseigne « n’est pas universel » : « Nous savons que certains clients ont besoin de conseillers, nous ne cherchons pas à avoir tous les Français. » Selon une récente étude (1), ces derniers sont actuellement près d’un quart - 22% précisément - à détenir au moins un compte dans une banque sans agence. Ce chiffre peut-il aller beaucoup plus haut ? Sans doute, mais cela prendra du temps.

A court terme, les banques en ligne, dont la plupart ne sont pas encore profitables, espèrent surtout que la crise du coronavirus va les aider à fidéliser. De même source (1), 7% seulement de leurs clients actuels ont en effet définitivement franchi le pas en y domiciliant leurs revenus et tout ou partie de leur épargne. Or ce sont ces clients principaux et multi-équipés qui rapportent de l’argent, en utilisant leur carte bancaire au quotidien et en souscrivant des produits financiers. Ayant fait la preuve de leur résilience face à la crise, les banques en ligne espèrent donc élargir le cercle des convertis. Boursorama, notamment, l’a bien compris : elle propose actuellement à ses clients de signer un mandat de mobilité bancaire en sa faveur, avec prime à l’appui.

Les néobanques à l’épreuve de la crise

Il y a une autre bonne nouvelle pour les banques en ligne : le coronavirus a toutes les chances de fragiliser les nouveaux acteurs 100% mobiles spécialisés dans la tenue de compte et les paiements, ces « néobanques » apparues récemment et qui tentent de marcher sur leurs plates-bandes. Pour elles, la crise actuelle va marquer « la fin de l’insouciance », annonce Guillaume Larmaraud, de Colombus Consulting. « Elle démontre une fragilité des néobanques, dont certains clients ont par exemple découvert qu’elles ne sont pas directement couvertes par le Fonds de garantie des dépôts bancaires ».

Résultat : « Elles vont devoir muscler leur arsenal juridique et obtenir des agréments bancaires si elle veulent convaincre les clients de leur faire confiance ». Un impératif qui va entraîner, à coup sûr, « un assainissement du marché, avec la disparition des plus petits acteurs », annonce le consultant. Un mouvement qui n’a d’ailleurs pas attendu le Covid-19 pour débuter : ces dernières semaines, deux acteurs de ce marché, Morning et C-zam, ont ainsi annoncé leur intention de jeter l’éponge.

Pour aller plus loin : le comparatif des offres des banques en ligne

(1) Source : « Usages, opinions et attentes des Français vis-à-vis des nouveaux modèles bancaires », étude réalisée par Next Content pour le compte de CGI, Février 2020