Le succès des néobanques ne va pas sans poser des questions, et notamment celle de la sécurisation des ouvertures de compte, moins poussée que dans une banque traditionnelle. Ces nouveaux acteurs sont-ils le cheval de Troie du blanchiment d’argent ?

Fin 2018, le régulateur financier allemand s’alarmait de la défaillance dans le processus d’authentification des clients de la néo-banque allemande N26. Des comptes avaient pu être ouverts au moyen de faux documents d’identité et ainsi favoriser le blanchiment d’argent.

Apparues majoritairement au cours de ces dix dernières années, les néobanques représentent un moyen simple, rapide et peu onéreux d’ouvrir un compte bancaire. Il s’agit d’une nouvelle génération de banques, dont le modèle s’appuie sur la technologie des smartphones et tablettes pour répondre à un besoin des consommateurs. L’objectif est simple : permettre à un particulier ou à un professionnel d’ouvrir un compte bancaire en quelques minutes seulement, sans conditions de revenus ou de dépôt à l’ouverture. Ce modèle ne cesse de séduire de nouveaux consommateurs. A titre d’exemple, Revolut revendique désormais plus de 3 millions d’utilisateurs en Europe, dont 375 000 en France, contre 2 millions de clients en Europe et 275 000 clients en France à la mi-2018. Cet engouement pose toutefois la question de la sécurisation de ces ouvertures de compte, lorsque l’on sait que cela prend bien plus de temps dans une banque traditionnelle.

La vigilance accrue des banques par rapport aux néobanques

Lors d’une ouverture de compte, que ce soit auprès d’un conseiller bancaire ou par le biais d’une néobanque, le client est tenu de justifier son identité. Cela permet de vérifier qu’il n’est pas répertorié sur les listes noires de risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. A défaut, l’ouverture du compte est refusée. Cette vérification d’identité passe par la communication de la pièce d’identité et, pour une entreprise, par le Kbis qui atteste de son existence juridique. Par extension, l’identité du représentant légal d’une entreprise est également contrôlée, tout comme celle de ses actionnaires majoritaires.

Cela étant dit, le risque essentiel réside dans la falsification des documents d’identité, qui est davantage présent lors de l’ouverture d’un compte en ligne. La vérification de l’identité peut se faire par appel vidéo ou simplement à partir de photos. Dans le cas de la néobanque N26, des documents d’identité avaient ainsi été mal authentifiés et donc validés, alors qu’il s’agissait de faux. Dans une agence bancaire traditionnelle, non seulement la personne qui souhaite ouvrir un compte est reçue en entretien par un conseiller, mais les cartes d’identité peuvent être davantage analysées. Le risque de fraude est de ce fait limité.

Par ailleurs, une fois le compte ouvert, les banques traditionnelles disposent de moyens plus étendus pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Lors de virements à l’international notamment, des équipes dédiées vérifient le risque lié aux transactions opérées. Les néobanques, qui ont des équipes plus restreintes, ne sont pas en mesure d’effectuer un tel suivi. Elles s’appuient sur leurs outils informatiques qui ne peuvent se substituer entièrement au contrôle humain. Une polémique a d’ailleurs vu le jour fin février de cette année : même si Revolut a contesté toute brèche dans son système de conformité, le journal anglais The Telegraph a affirmé qu’elle aurait désactivé par erreur son système de surveillance des transactions de ses clients entre juillet et septembre 2018. Résultat, des milliers d’opérations n’auraient pas été contrôlées.

La réaction des néobanques

Malgré le risque plus important de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, les néobanques ont mis en place des garde-fous. Le premier versement doit être effectué par virement ou par chèque, depuis un autre compte bancaire détenu par le même titulaire. Au-dessus d’un certain plafond de versement, le client doit généralement justifier l’origine des fonds. Ainsi, Revolut place la limite à 30 000 euros par an.

Des outils technologiques commencent également à se développer, afin d'automatiser et définir le niveau de risque de chaque transaction et de chaque utilisateur. Si un cas de fraude est suspecté, le relais est alors passé à un agent du service compliance ou conformité, pour qu’il puisse en quelques minutes vérifier le dossier et prendre une décision. L’objectif de ces outils est de combiner la croissance d’ouverture de comptes dématérialisés et les exigences légales.

D’autres pistes sont encore étudiées, dont une est déjà utilisée depuis février 2018 par la Société Générale. Il s’agit d’identifier les clients qui souhaitent ouvrir un compte grâce à un système d’authentification faciale biométrique, via un selfie.

Même si les néobanques font des efforts, nous l’avons compris, le risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme sera toujours mieux surveillé dans une banque traditionnelle. Face à la croissance des néobanques, il est probable que le régulateur, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, continue à l’avenir d’intensifier sa surveillance, quitte à adapter les exigences en termes de conformité.

Christelle Bernhard
© 2019 Christelle Bernhard

Christelle Bernhard est Consultante Senior chez Vertuo Conseil - Groupe Square, spécialisée en gestion des risques dans le secteur de la Banque/Assurance.