Le régulateur bancaire s'est récemment interrogé sur la capacité des nouveaux acteurs de la banque au quotidien à gagner de l'argent. Faut-il en effet s'inquiéter de la solidité de leur modèle ? Pour le savoir, nous avons examiné 3 néobanques aux profils très différents : N26, Nickel et Eko.

Néobanque : le terme s’est petit à petit imposé pour décrire les nouvelles marques apparues depuis le début des années 2010 sur le marché des services financiers du quotidien. Une 3e génération de la banque en ligne - après celles des années 1990 (Zebank, Egg Bank, etc.) et 2000 (ING Direct, Boursorama, Fortuneo, etc.) - caractérisée par un certain savoir-faire technologique et une volonté de s’adresser à la génération du mobile et du temps réel.

Et ça marche : les têtes d’affiche de cette nouvelle vague trouvent leur public. Nickel, lancée en février 2014, est ainsi la première à avoir dépassé le million de comptes ouverts. Derrière ce leader incontesté, N26, Revolut, C-zam ou Orange Bank, tous apparus au cours des 3 dernières années, comptent déjà leurs usagers en France en centaines de milliers, rattrapant même certaines banques en ligne de la 2e génération, comme BforBank, Hello Bank ou Monabanq.

Un doute sur les modèles économiques ?

Ce succès public n’a pas empêché le régulateur français du secteur financier, l’ACPR (1), de s’intéresser récemment au modèle d’affaires de ces nouveaux acteurs, dont l’essentiel des services est aujourd’hui fourni à très bas coût, voire gratuitement. Et d’introduire ainsi un léger doute sur leur capacité à gagner un jour de l’argent.

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Les néobanques sont-elles un feu de paille, ou un phénomène durable ? Comment gagnent-elles de l’argent ? Représentent-elles une menace pour les enseignes traditionnelles ? Pour répondre à ces questions, nous avons choisi de zoomer sur trois acteurs présentés comme des néobanques, mais aux caractéristiques très différentes : N26, Nickel et Eko.

N26, la banque de l’âge du numérique

N26, archétype de la néobanque : c’est l’avis de Nicolas Miart, manager senior chez Exton Consulting et spécialiste du sujet. Lancée en 2015 en Allemagne en tant qu’agent de la banque WireCard, la fintech berlinoise a rapidement choisi de prendre son autonomie, en décrochant un agrément bancaire de plein exercice. « L’ambition revendiquée de N26, c’est de devenir une banque complète, avec de l’épargne, du crédit, de l’assurance, en concurrence frontale avec les enseignes traditionnelles », analyse Nicolas Miart. Un choix qui la rapproche de Monzo ou Starling en Grande-Bretagne, ou d’Orange Bank en France.

« En concurrence frontale avec les enseignes traditionnelles »

Comment gagner de l’argent, toutefois, lorsque l’essentiel du service fourni au client est gratuit ? Pour Nicolas Miart, la question de la rentabilité de N26 ne se pose pas : « Les fondamentaux pour générer des marges sont déjà là ». Dans l’immédiat toutefois, la néobanque est engagée dans une coûteuse politique de développement, qui l’amène notamment à se lancer dans de nombreux pays : 20 en Europe pour l’instant, en attendant prochainement les Etats-Unis et d’autres. Car pour fonctionner, son modèle, à l’image de celui d’autres entreprises technologiques, implique un important volume de clients, lui permettant d’engranger plus de revenus - des commissions sur les paiements par carte de ses clients notamment - et d’amortir ses coûts sur une large base.

Mais le volume ne suffit pas. Pour compléter son modèle, N26 met en œuvre une logique de ‘’premiumisation’’ de son offre, en proposant des cartes bancaires haut de gamme et payantes (Black, Metal). Elle tisse également des partenariats avec des acteurs tiers opérant sur des activités complémentaires à la sienne - l’épargne, le crédit, l’assurance -, leur proposant de vendre leurs produits, ‘’sans couture’’ sur sa plateforme, en échange d’une commission d’apporteur d’affaires. C’est le cas par exemple en France, où elle s’est rapprochée de Younited pour proposer du crédit conso et de TransferWise pour les transferts d’argent internationaux.

Nickel, une « revanche contre le digital »

Un million de clients en 4 ans et demi : le succès de Nickel, qui distribue un compte et une carte de paiement en bureau de tabac, ne cesse de surprendre. Plus qu’une néobanque, il s’agit d’un ovni, estime Nicolas Miart : « Contrairement à N26, Nickel n’a pas l’ambition de concurrencer les offres bancaires traditionnelles. Elle se contente de proposer un service bancaire de base, pas cher et qui marche. »

« Un service bancaire de base, pas cher et qui marche »

Son succès exceptionnel repose sur deux excellentes intuitions. La première : cibler les exclus de la banque traditionnelle. « Nickel prouve qu’il y a un besoin réel de ce côté-là, y compris dans un marché bancaire mature comme l’est celui de la France », poursuit le consultant. La seconde : utiliser un réseau de distribution hyper efficace, celui des buralistes. « Une sorte de revanche contre le digital », analyse Nicolas Miart.

La question de la rentabilité de ce modèle ne se pose plus : Nickel, facturé 20 euros par an, est bénéficiaire chaque mois depuis juillet 2017. Celle de sa pérennité un peu plus. Nickel, en effet, n’est plus tout à fait maître de son destin, depuis son rachat par BNP Paribas en juillet 2017. La marque, toutefois, a déjà commencé à diversifier son modèle, en proposant une carte bancaire premium, baptisée Chrome. Elle cherche également à exporter son modèle, sans équivalent aujourd’hui à l’étranger.

Eko, l’offre « harpon » du Crédit Agricole

Une carte, une appli : sur le papier, la promesse d’Eko présente des points communs avec celle de N26 ou de Nickel. Si ce n’est qu’il n’est pas question ici de néobanque à proprement parler, mais de la nouvelle offre d’entrée de gamme d’un poids lourd historique de la banque de détail, le Crédit Agricole. « Une offre bien marketée », résume Nicolas Miart, qui ne minore toutefois pas le phénomène : « C’est le début d’une vague de fond, qui voit les clients vouloir payer moins cher leur banque, et les banques tenter de maintenir leurs marges. » Preuve qu’il ne s’agit pas d’un épiphénomène, deux autres banques de détail ont déjà imité le Crédit Agricole : la Caisse d’Epargne avec le lancement d’Enjoy, en attendant La Banque Postale qui prépare Ma French Bank.

« 72% des souscriptions sont des entrées en relation »

Du côté du Crédit Agricole, on rejette l’idée d’un réflexe défensif face aux nouveaux entrants, préférant parler d’une offre « harpon » pérenne, « destinée à conquérir les clients souhaitant une offre simple à un coût modéré ». La preuve : selon la communication de la banque verte interrogée par cBanque, « 72% des souscriptions sont des entrées en relation ». Le modèle économique, lui, est assez simple : il est « basé sur le fait qu’en complément d’Eko, les clients pourront ainsi trouver également [au Crédit Agricole] l’ensemble de leurs besoins en matière de banque et d’assurance ». « Attraper ou retenir les clients avec Eko, puis les ramener dans l'univers traditionnel du Crédit Agricole », résume Nicolas Miart à propos de cette stratégie.

Plus d’infos sur le compte Eko du Crédit Agricole, le compte bancaire N26 et le compte Nickel

(1) Autorité de contrôle prudentiel et de résolution