Quel est le point commun entre Boursorama Banque, BforBank et Orange Bank ? Ces trois banques en ligne affichent un nombre d'ouvertures de compte de clients à faire pâlir d’envie les établissements traditionnels. La recette du succès : un compte bancaire quasi gratuit et des primes de bienvenue attractives. Mais cette politique coûte cher et cela se ressent dans leurs résultats financiers. Seule Fortuneo fait figure d’exception en affichant des bénéfices. Décryptage, en 5 indicateurs, des performances des banques en ligne.

Pour se faire une idée de la santé d’une entreprise, les analystes prêtent notamment attention à son chiffre d’affaires. Il s’agit de l’ensemble des facturations générées par son activité (vente de biens et services, commissions perçues…). Pour le secteur bancaire, on utilise la notion de produit net bancaire, ou PNB. Cet indicateur prend en compte les différents revenus perçus - les intérêts des crédits, les frais bancaires ou encore les commissions liées la gestion de l’épargne - desquels sont soustraites les charges d’exploitation. Celles-ci correspondent entre autres aux intérêts versés aux épargnants, aux salaires des employés ou encore à la rémunération des apporteurs d’affaires, ces intermédiaires qui permettent aux banques d’obtenir de nouveaux clients.

Des revenus comparables à ceux d’une banque régionale

Alors que les banques en ligne occupent la scène médiatique, leurs résultats financiers, récemment publiés, permettent de relativiser leur poids dans le secteur bancaire. BforBank, Boursorama Banque, Fortuneo, Monabanq et Orange Bank ont généré un PNB compris entre 20 et 160 millions d’euros en 2017. Ce chiffre paraît, en toute logique, bien faible au regard des revenus d’une banque traditionnelle nationale. L’année dernière, l’activité banque de détail en France de BNP Paribas, qui comprend son offre en ligne Hello Bank, a représenté 6 milliards d’euros de PNB. Tout comme Hello Bank, ING Direct est absente de notre comparatif. La raison est la même : sa maison mère, la banque néerlandaise ING, ne distingue pas sa filiale française dans son bilan.

BanquesBforBankBoursoramaFortuneoMonabanqOrange Bank
PNB 201734,8 M€161,5 M€143 M€23,2 M€63,7 M€
PNB 201637,7 M€153,6 M€119,9 M€27 M€100,7 M€
Nombre estimé de clients (fin 2017)190 0001 300 000670 000310 000575 000*
PNB par client estimé183 €124 €213 €75 €110 €
* dont 525 000 clients ex-Groupama Banque

Le PNB des acteurs à distance reste également en-deçà d’une banque régionale mutualiste. A titre de comparaison, le Crédit Agricole Anjou-Maine, qui compte moins de 800 000 clients, a, lui, dégagé plus 428 millions d’euros de produit net bancaire en 2017.

Un constat valable quelle que soit la banque en ligne. Ainsi, Boursorama Banque, qui obtient le PNB le plus élevé, a généré 161,5 millions d’euros l’an dernier. Mais, rapporté à son nombre de clients - la filiale de la Société Générale, et ses 1,3 millions de clients à fin 2017, dépasse largement ses concurrentes en termes d’ouvertures de compte –, la conclusion semble quelque peu différente. Individuellement, un client de Boursorama rapporte moins (ou coûte plus) qu’un utilisateur de Fortuneo ou de BforBank. En chiffre, cela donne un PNB par client de 124 euros pour la filiale de la Société Générale, de 183 euros pour BforBank et même de 213 euros pour Fortuneo. Ces dernières ont dégagé respectivement 34,8 millions et 143 millions d’euros de produit net bancaire.

Cette différence provient en partie du coût d'acquisition des clients. Plus que ses concurrentes, Boursorama a fait le choix d'une croissance forte et rapide du nombre d'utilisateurs. La clientèle de Boursorama est ainsi passée en 18 mois de 1 million à 1,5 million actuellement. Un choix qui, à court terme, se révèle coûteux en dépenses marketing et en offres de bienvenue. A long terme, en revanche, ces clients vont souscrire des produits d'épargne et emprunter, ce qui permettra à la banque en ligne d'amortir les frais engagés pour les attirer. « Une large partie de clients nous a rejoints récemment et peut donc, potentiellement, s’équiper d’autres produits », expliquait d'ailleurs récemment Benoît Grisoni, directeur général de Boursorama, dans les colonnes de cBanque. « Nous n’avons pas forcément atteint le plein régime au niveau de l’équipement de nos clients (…) certains commencent avec de petits montants, puis basculent petit à petit vers une utilisation plus importante, et s’équipent ensuite d’autres produits, d’épargne ou de crédit ».

La stratégie est différente pour Fortuneo. Sa base clients progresse plus lentement et sa clientèle commence à s'équiper en produits bancaires. De fait, la filiale d’Arkéa est la banque en ligne qui connaît la meilleure dynamique. Depuis 2013, Fortuneo a plus que doublé ses revenus annuels quand, dans le même temps, ceux de BforBank ont plutôt stagné et le PNB de Boursorama s’est lui replié de 8%. Concernant Monabanq, la banque en ligne du Crédit Mutuel-Cofidis, celle-ci n’a engrangé que 23 millions d’euros de revenus, en baisse de 14% par rapport à fin 2016.

Les revenus d’Orange Bank en nette baisse

Deux mois seulement après son lancement, le PNB de la dernière arrivée dans le secteur bancaire atteignait près de 64 millions d’euros, quasiment le double de celui de BforBank dont le compte courant est opérationnel depuis 2015. Toutefois, Orange Bank, née du rapprochement avec Groupama Banque, a récupéré la clientèle de la filiale bancaire de l’assureur. Groupama Banque, d’après les derniers chiffres connus, comptait quelques 525 000 clients. Néanmoins, le modèle économique d’Orange Bank doit encore faire ses preuves. La banque en ligne a vu ses revenus chuter de 37% en 2017.

Crédits : entre 26,6 millions et 6 milliards d’euros prêtés en 2017

En cette période de taux bas, il devient plus compliqué pour les banques d’attirer de nouveaux clients grâce à leur offre d’épargne. La bourse et les livrets sont pourtant les deux produits historiques des banques en ligne. En revanche, le contexte est plus propice au crédit (immobilier et consommation). Une fois contracté, il s’agit d’une source de revenu régulière et sur le long terme pour les établissements bancaires. Il permet en outre de fidéliser les clients. Bien consciente de cela, les banques en ligne se mettent progressivement au crédit immobilier. Mais toutes ne l’ont pas lancé au même moment et cela s’observe dans leur bilan.

Ainsi Boursorama Banque, la première dans notre échantillon à avoir lancé le prêt immo, détient 6,1 milliards d’euros d’encours de crédits fin 2017, bien loin devant Orange Bank et ses 2,2 milliards de créances (émanant de Groupama Banque). Quant à Fortuneo et BforBank, ces dernières ayant lancé le crédit immobilier respectivement en mars et avril 2017, elles n’ont pas encore atteint leur rythme de croisière. L’encours de crédits de BforBank ressort ainsi à 26,6 millions d’euros fin 2017, derrière Monabanq et ses 97 millions d’euros à l’actif de son bilan. Cette dernière ne peut pourtant s’appuyer que sur ses prêts à la consommation. Le lancement du crédit immobilier y est attendu pour début 2019, nous confiait récemment Alain Colin, directeur général de la banque en ligne.

En dépit de la jeunesse de son offre, Fortuneo réalise tout de même une nette remontée à 316,5 millions d’euros, après 57,9 millions à fin 2016. Elle, qui tirait jusqu’à présent l’essentiel de ses revenus des produits d’épargne, peut désormais compter sur ce nouveau levier de croissance.

BanquesBforBankBoursoramaFortuneoMonabanqOrange Bank
Prêts et créances sur la clientèle 201726,6 M€6 101,70 M€316,5 M€96,9 M€2 199 M€
Prêts et créances sur la clientèle 20164 M€4 735 M€57,9 M€105,8 M€2 164 M€
Encours prêt par client estimé140 €4694 €472 €312 €3 824 €

4 milliards en moyenne : les banques en ligne ne manquent pas d’épargne

Alors que leurs encours de crédits restent encore faibles comparés aux banques traditionnelles, les banques en ligne font presque jeu égal le terrain de l'épargne. En effet, les cinq acteurs à distance pris en compte disposent chacun en moyenne de 4,3 milliards d’euros de dépôts dans leurs livres, soit autant que le Crédit Agricole Anjou-Maine qui compte 4,4 milliards d’encours à fin 2017. Dans le détail, c’est Boursorama Banque qui, avec 8,2 milliards d’euros, a reçu le plus d’épargne. Elle est suivie de près par Fortuneo (7,5 milliards).

Néanmoins, rapporté à son nombre de clients, l’encours moyen de Boursorama paraît plutôt bas au regard de ses concurrentes. Ainsi, un client de Boursorama dépose en moyenne 6 000 euros dans la banque, contre plus de 11 000 euros pour les clients de BforBank et Fortuneo. Un rapport du simple au double qui illustre la stratégie de la filiale de la Société Générale basée sur la croissance forte et rapide de son vivier clients.

BanquesBforBankBoursoramaFortuneoMonabanqOrange Bank
Dépôts de la clientèle 20172,2 Md€8,2 Md€7,5 Md€0,39 Md€3,5 Md€
Dépôts de la clientèle 20162,1 Md€6,5 Md€7,3 Md€0,37 Md€3,8 Md€
Dépôt par client estimé11 458 €6 287 €11 237 €1 281 €6 070 €

Fortuneo : la seule banque en ligne à être rentable

Alors que tous les autres acteurs à distance accusent des pertes, Fortuneo est le seul établissement à engranger des bénéfices. Une fois toutes les charges déduites, ce dernier a dégagé en 2017 un résultat net de 9,3 millions d’euros, en hausse de 4% par rapport à 2016.

A l’inverse, étant au début de sa période de conquête clients et après avoir dû faire face à des problèmes techniques en amont de son lancement, Orange Bank a creusé encore davantage ses pertes en 2017. La banque de l’opérateur a perdu 76 millions d’euros l’an passé, contre -21 millions en 2016. Boursorama a également vu son résultat net baisser drastiquement. Ce dernier passant de -24 millions à -49 millions d’euros en un an. Une perte assumée par son directeur général : « Nous acceptons d’être en position de ne plus être rentable, en France, car les investissements marketing sont extrêmement significatifs pour attirer de nouveaux clients. » Dans des proportions moindres, cette analyse vaut également pour BforBank et Monabanq. Ces deux banques ont chacune perdu près de 3 millions d’euros supplémentaires en 2017. Leur déficit net ressort à respectivement -20,2 millions et -8,6 millions l’année passée.

BanquesBforBankBoursoramaFortuneoMonabanqOrange Bank
Résultat net 2017-20,2 M€-48,8 M€9,3 M€-8,6 M€-76 M€
Résultat net 2016-17,4 M€-24 M€9 M€-6 M€-21,2 M€

Entre 3 et 10 fois moins de salariés qu’une banque régionale

N’ayant ni agence rattachée, ni conseiller personnel et s’adressant principalement voire exclusivement aux particuliers, les banques en ligne tournent avec très peu de salariés par rapport aux acteurs traditionnels. A la fin 2017, Orange Bank s’appuyait sur 784 collaborateurs, suivie par Boursorama Banque et ses 750 salariés. Les effectifs chez Fortuneo (494), BforBank (269) et Monabanq (189) sont encore plus restreints. A titre de comparaison, le Crédit Agricole Anjou-Maine compte 2 074 employés.

BanquesBforBankBoursoramaFortuneoMonabanqOrange Bank
Effectifs 2017269750494189784
Effectifs 2016228702458NC614

En résumé :

  • Malgré une présence médiatique forte, les banques en ligne restent des « petits acteurs ».
  • Elles sont dans une stratégie de croissance rapide et elles réalisent de fortes dépenses marketing (publicité, offres de bienvenue).
  • Les banques en ligne, à l’exception de Fortuneo, sont par conséquent largement déficitaires.
  • Les encours crédit et épargne sont pour l’heure déséquilibrés. C’est une conséquence de leur offre historiquement centrée sur l’épargne. Cela leur laisse une importante marge de manœuvre pour octroyer des prêts et ainsi générer une source de revenu importante.
  • Leur modèle économique définitif, basé sur un compte low cost et sur la souscription d’autres produits bancaires (épargne et crédit), reste donc encore à construire.