Omniprésent sur les campus universitaires mais méconnu du grand public, l'écosystème Lydia, et son application de paiement, revendique un million d’usagers, très majoritairement des jeunes. Quels sont les projets et les ambitions de la fintech qui refuse l’étiquette de néobanque ? Entretien avec son co-fondateur et PDG, Cyril Chiche.

Cyril Chiche, Lydia revendique un million d’usagers en France. Comment êtes-vous parvenus à ce chiffre impressionnant ?

Cyril Chiche : « Cela tient à deux facteurs : la viralité intrinsèque de l’argent et notre forte présence sur les campus étudiants. Sur la grande majorité des campus français, on peut tout payer avec Lydia. Et ce sont des environnements qui favorisent la viralité, où l’on trouve une clientèle jeune, mobile native, dont les modes de vie sont en ligne avec les services que nous offrons. »

Quelle est la part des étudiants dans vos utilisateurs ?

« Plus de 70% de nos usagers ont entre 18 et 30 ans »

C.C. : « C’est difficile à dire précisément mais une chose est sûre, plus de 70% de nos usagers ont entre 18 et 30 ans. Et je pense que cette proportion va rester stable pendant longtemps, même si nos premiers clients vieillissent. 800 000 nouveaux étudiants arrivent en effet chaque année sur les campus et ils adoptent immédiatement les habitudes de leurs pairs. »

En 2017, vous avez diversifié votre activité en lançant une carte bancaire…

C.C. : « La carte bancaire n’est pas une autre activité pour nous, mais une continuation de ce qui est notre credo : être une interface simple, au-dessus des comptes bancaires, pour payer au quotidien. L’application Lydia fonctionne dans un réseau d’acceptation fermé, l’étape suivante était d’accéder à un réseau d’acceptation plus ouvert et plus large, ce que nous avons fait grâce à la carte Lydia. »

Autre nouveauté récente, Apple Pay. Certaines banques ont des réticences vis-à-vis du service de paiement d’Apple. Pas vous ?

C.C. : « Pour nous, Apple Pay était une évidence ! Pouvoir sortir sans son portefeuille et payer très simplement avec son mobile, c’est le sens de notre histoire, et le sens de l’histoire tout court je pense. Apple Pay propose cette expérience. Mais nous sommes agnostiques en matière d’OS mobile, et nous proposerons la même chose sous Android dès que les services seront disponibles. »

Contrairement à d’autres services de paiement émergents, vous refusez l’étiquette de néobanque.

« L’enjeu n’est pas de créer une banque supplémentaire »

C.C. : « Ce n’est pas une question d’étiquette, simplement nous n’en sommes pas une, et nous ne souhaitons pas en devenir une. L’enjeu aujourd’hui pour Lydia n’est pas, selon moi, de créer une banque supplémentaire, mais d’offrir de la simplicité à des usagers qui sont déjà de plus en plus multibancarisés. C’est un sujet que nous sommes peu à traiter. »

Quels sont aujourd’hui vos principaux concurrents ?

C.C. : « Je serais tenté de dire PayPal, la société dont nous nous rapprochons le plus dans la philosophie. Mais nos principales concurrentes sont surtout les vieilles habitudes qui perdurent en matière de paiement : les chèques, les virements bancaires en 48 heures… »

Que vous inspire l’effervescence actuelle dans le secteur des néobanques ?

C.C. : « Une telle effervescence est extrêmement bénéfique et je suis admiratif des entreprises qui se lancent dans cette aventure. L’énergie et les innovations qu’elles apportent sur le marché sont nécessaires et salutaires. Sans le stimulus créé par les néobanques, le secteur bougerait infiniment moins vite. Nous avons la chance de vivre une période historique de transformation de l’industrie bancaire, mais surtout de transformation des usages. Après 27 siècles d’existence, les espèces comme moyen de transaction sont en passe d’être supplantées. »

Vous croyez vraiment à la disparition des espèces ?

« Le monde bascule définitivement dans l’ère des paiements digitaux. »

C.C. : « Pas à leur disparition mais à leur marginalisation. Le processus est déjà enclenché. Regarder ce qui se passe en Afrique, en Chine, en Inde : dans ces régions en développement, les transactions du quotidien sont déjà majoritairement électroniques. C’est le cas aussi en Europe du Nord, en Suède par exemple où le cash ne pèse plus que 3% des échanges et où de nombreux commerces le refusent déjà. Il y a certes des contre-exemples comme l’Allemagne, mais tout est place pour que le monde bascule définitivement dans l’ère des paiements digitaux. »

Outre la France, vous êtes présents depuis peu en Grande-Bretagne, en Irlande, en Espagne et au Portugal. Pensez-vous que l’échelle européenne est la bonne échelle pour votre activité ?

C.C. : « Un Lydia 100% français pourrait fonctionner, comme l’a prouvé le Compte Nickel. Mais notre ADN en tant qu’entreprise, et en tant que personnes, est européen. Nous sommes de la génération Erasmus ! Et nous avons la chance d’avoir une réglementation unique à l’échelle européenne, avec un passeport qui facilite l’internationalisation. »

La réglementation européenne s’apprête justement à évoluer, avec l’entrée en vigueur de la directive révisée sur les services de paiement (DSP2). Qu’est-ce que cela va changer pour Lydia ?

« La DSP2, une magnifique opportunité »

C.C. : « Ça change tout, et c’est une magnifique opportunité pour nous. Notre ADN de ''méta-compte'' va être renforcé par les possibilités offertes par cette directive d’exercer des fonctions d’agrégation de comptes ou d’initiation de paiement. La DSP2 renforce également les exigences de sécurité en matière d’authentification lors des transactions, et c’est évidemment un secteur où nous avons beaucoup à offrir aux marchands comme aux clients. »

Quel est votre feuille de route pour l’année 2018 ?

C.C. : « De nouvelles fonctionnalités, notamment liées à la DSP2, mais pas que. La poursuite et l’accélération de notre expansion internationale. Et puis comme toujours quelques petites surprises. »