Racheté par BNP Paribas, confronté à une concurrence de plus en plus vive, le Compte Nickel, qui vient de passer le cap des 750 000 clients, continue à défendre la singularité et la vertu de son modèle.

Au moment de son lancement, en février 2014, le Compte Nickel avait brandi un étendard : le service inventé par Ryad Boulanouar et distribué en bureau de tabac était le « compte sans banque ». Un slogan qui s’accompagnait d’un discours offensif sur les abus que font subir les banques traditionnelles aux clientèles précaires et fragiles financièrement.

Trois ans et demi et 750 000 clients plus tard, ce leitmotiv n’a pas complètement disparu : il apparait encore sur les coffrets de la marque et sur quelques pages de son site web. Mais il s’est fait plus discret. Deux événements, il faut dire, sont intervenus depuis. Le Compte Nickel, d’abord, n’est plus qu’une néobanque parmi d'autres, rejointe par C-zam, Revolut ou N26. Il a été racheté, ensuite, par une « vraie » banque, et pas n’importe laquelle, la plus grosse en France : BNP Paribas.

Un « modèle sociétal » qui perdure

« On ne juge pas. On ne jauge pas. On ne vire pas »

Pour autant, Compte Nickel ne renonce pas à faire valoir la singularité de son modèle. « On ne juge pas. On ne jauge pas. On ne vire pas. Notre clientèle, c’est tout le monde ». La formule est de Hugues Le Bret, co-créateur et président du conseil de surveillance, à l’occasion d’un récent point presse organisé récemment dans ses locaux nantais.

Ce « modèle sociétal », fait « d’universalité » et de « bienveillance », différencie toujours, selon son patron, le Compte Nickel des banques traditionnelles, mais aussi des néobanques. « Contrairement à Orange Bank, pas besoin de posséder un compte dans une autre banque pour ouvrir un Compte Nickel », tacle ainsi Le Bret à propos du nouvel entrant, qui impose en effet un premier versement par carte bancaire pour valider l’ouverture.

Autre différence : grâce à sa présence dans les bureaux de tabac, le Compte Nickel revendique un « modèle d’accompagnement » qui n’existe pas chez ses concurrents. « 80% de nos clients font appel à l’aide des buralistes pour ouvrir ou gérer leur compte », explique Hugues Le Bret. « Aucune autre néobanque ne peut proposer un tel réseau de proximité (1) ».

« Le Compte Nickel n’est pas fait pour les millenials [la génération ultra connectée née dans les années 1980 et après, NDLR] », poursuit Arnaud Giraudon, l’actuel président de l’établissement de paiement. « Il n’y a même pas besoin d’un smartphone pour l’utiliser. Nous utilisons les nouvelles technologies, mais pour mieux les cacher ».

Une « plante sauvage » dans l’écosystème BNP Paribas

Qu’a changé le rachat de Compte Nickel par BNP Paribas, annoncé en avril dernier et effectif depuis juillet ? « Pas grand chose au quotidien », estime Arnaud Giraudon. « BNP a bien compris que Compte Nickel était une plante sauvage qu’il faut laisser grandir », poursuit Hugues Le Bret. Ce dernier, toutefois, explique qu’« avant BNP Paribas, le Compte Nickel risquait la surchauffe. Ce n’est plus le cas maintenant ».

Le bouche à oreille avant tout

« Construire, en 3 ans et avec 32 millions d’euros d’investissement, un modèle de banque rentable, c’est sans équivalent dans l’histoire bancaire française ». Selon Hugues Le Bret, le Compte Nickel est en effet à l’équilibre depuis un trimestre. Une réussite industrielle qui tient à deux caractéristiques : un coût d’acquisition du client très faible, et un modèle de tarification low cost, mais pas gratuit.

« Aujourd’hui, nous avons un coût d’acquisition extrêmement faible, qui n’a rien à voir avec ce qu’on trouve ailleurs », explique Jérôme Calot, directeur marketing. « Ce coût peut facilement atteindre entre 200 et 300 euros dans les banques qui font de grosses campagnes et proposent des primes à l’ouverture. Nous sommes à des années-lumière de ça. » Pas de télévision, pas de radio, pas d’affichage et peu de web : pour sa promotion, le Compte Nickel s’en remet essentiellement au bouche à oreille - qui attirerait 2 nouveaux clients sur 3 -, sur sa présence dans les bureaux de tabac et sur les articles dans la presse, locale notamment à l’occasion d’ouvertures de nouveaux points de vente.

41 euros en moyenne par an et par client

« La gratuité n’existe pas »

Autre pilier du modèle : la tarification. Contrairement à N26, Revolut ou Orange Bank, qui ne facturent pas l’accès au service, le Compte Nickel fait payer la tenue de compte 20 euros par an, auxquels peuvent s’ajouter des frais de retraits ou d’incidents. En moyenne, un client débourse ainsi 41 euros par an.

« La gratuité n’existe pas » assène d’ailleurs Hugues Le Bret. « Nos concurrents ont fait le choix de fonder leur modèle sur le cross selling : ils attirent les clients avec le compte bancaire gratuit, en espérant lui vendre ensuite du crédit ou des assurances », détaille l’ancien patron de Boursorama Banque. « Mais pour y parvenir, ils doivent sélectionner leur clientèle, par les revenus notamment. Ce n’est pas notre philosophie ».

« Payer, être payer : c’est notre raison d’être. Nous nous adressons aux personnes pour qui cela suffit », prolonge Arnaud Giraudon. Contrairement à N26 ou Orange Bank, Compte Nickel n’a donc pas l’intention de demander un agrément bancaire qui lui permettrait de gérer en direct des dépôts, de proposer du crédit ou des produits d’épargne. Ce qui ne veut pas dire que ces produits resteront inaccessibles aux clients Nickel : « Demain, grâce aux API [interfaces qui permettent de connecter entre eux des services numériques, NDLR], nous pourrons par exemple mettre en relation les clients qui le souhaitent avec un acteur du crédit conso », annonce Arnaud Giraudon. Le Compte Nickel, future plateforme de services bancaires ?

Priorité au temps réel

Le Compte Nickel a l’avantage de proposer une disponibilité immédiate de la carte bancaire - non nominative - chez le buraliste, lorsque les autres néobanques ont besoin d’au moins une semaine pour l’expédier. Ce goût de l’instantanéité se retrouve également à l’usage, grâce au report des opérations sur le solde en temps réel, très apprécié notamment des personnes à budgets serrés : 60% des clients Nickel ont moins de 1 000 euros de revenus mensuels. « Lorsqu’on leur demande pourquoi ils ouvrent un compte chez nous, le temps réel n’est jamais cité. Lorsqu’on leur demande pourquoi ils restent, il est cité en premier », constate ainsi Arnaud Giraudon.

Plus d'infos sur le Compte Nickel

(1) Le Compte Nickel est présent aujourd’hui dans près de 2 900 points de vente, couvrant toutes les villes de plus de 20 000 habitants, et vise les 7 000 dans un an.