Cinq mois après l’avoir rachetée, Banque Edel, la filiale bancaire des hypermarchés E. Leclerc, a relancé hier la fintech Morning en dévoilant 4 déclinaisons de son compte de paiement à destination du grand public. Quels sont les projets de la Banque Edel pour cette marque ? Les explications de Frédéric Senan, nouveau CEO de Morning.

Frédéric Senan, pourquoi la Banque Edel s’est-elle intéressée à Morning, malgré les turbulences subies par la société depuis la fin 2016 [lire en bas] ?

Frédéric Senan : « C’est d’abord sa technologie qui nous a intéressés. Morning est capable de gérer des comptes en temps réel, un savoir-faire complémentaire de nos activités de paiement. Nous cherchions ensuite une société disposant d’un agrément d’établissement de paiement. Enfin, Morning est, comme Banque Edel, une entreprise située à Toulouse. Cette proximité permettait de faciliter la prise de contrôle. »

N’avez-vous pas hésité avant d’investir dans une société à l’image abîmée ?
« Nous ne cherchons pas à faire un coup »

F.S. : « C’est évidemment plus compliqué de reprendre une société dans la tourmente, qui plus est quand elle est très médiatisée. Mais ce contexte nous a aussi permis de payer moins cher l’accès à la technologie de Morning. Nous ne cherchons pas à faire un coup, cette acquisition a du sens pour nous. Elle nous permet de créer un écosystème autour du compte de paiement et du paiement. »

On a pensé un moment que Banque Edel allait faire disparaître la marque. Finalement, ce n’est pas le cas…

F.S. : « Nous avions annoncé que nous garderions la marque. Nous n’allons pas réécrire son histoire, nous l’assumons et cela nous a même rendus plus forts. Elle a permis à Morning d’atteindre un degré supérieur d’excellence et, entre parenthèses, à l’ensemble du secteur de la fintech de gagner en maturité. »

Vous avez également choisi de garder l’option BtoC, en relançant le projet du compte de paiement avec carte bancaire…

F.S. : « Ce qui nous a motivés à conserver cette option - ce qui n’était pas prévu initialement - ce sont d’abord les témoignages de solidarité reçus de nos clients autour du co-banking, d’une approche collaborative de la banque. Toutefois, contrairement au projet originel, nous sommes dans une approche affinitaire, et ça change tout. »

Comment vous est venu cette idée de découper l’offre en 4 segments ?
« Les néobanques vont avoir du mal à concurrencer frontalement les banques »

F.S. : « Nous pensons d’abord que les néobanques vont avoir beaucoup de mal à concurrencer frontalement les banques, car cela implique des coûts d’acquisition très élevés. En revanche, il existe des clientèles de niche, qui sont aujourd’hui mal traitées par les acteurs traditionnels ou même par les autres néobanques. Notre objectif est donc de rendre des vrais services à ces clients, et de pouvoir les tarifer. »

Lire aussi : Compte de paiement : E. Leclerc réactive la carte Morning

Quels seront, justement, ces tarifs ?

F.S.: « Nous avons fait le choix d’une tarification positive, liée à l’activité, et pas d’une tarification sanction. Nous ne faisons pas payer, par exemple, l’inactivité du compte. Le compte Pay coûte 2 euros par mois ; le compte Welcome, à destination des résidents étrangers, est facturé 3 euros par mois ; l’offre Jump, destinée aux enfants, coûte 1,5 euro par mois pour la première carte et 1 euro pour les suivantes ; enfin le compte Protect, pour les majeurs protégés, ce sera 3 euros par mois. Nous sommes sur un approche très simple : pas de coût à l’entrée, pas de condition de revenus et une ouverture simple et rapide. »

Morning va également développer une activité BtoB, en vendant sa technologie en marque blanche à des tiers souhaitant lancer des comptes de paiement. Est-ce que cela sera le cas des hypermarchés E. Leclerc, votre maison-mère ?

F.S. : « C’est l’enseigne elle-même qui communiquera sur ce sujet, le cas échéant. Pour l’instant, nous sommes focalisés sur le lancement des offres Morning, afin de stabiliser la technologie et vérifier notre capacité à ouvrir des comptes en ligne. »

Morning, une année mouvementée

C’était il y a un peu plus d’un an, le 3 juin 2016 : Payname, une fintech spécialisée dans les paiements entre particuliers, inaugurait le Toaster, un siège social flambant neuf, et dévoilait son nouveau nom : Morning. Objectif de cette métamorphose : lancer en octobre de la même année un compte de paiement avec carte bancaire. Le projet, toutefois, n’aboutira pas.

Le 7 décembre 2016, l’ACPR annonçait la levée de l’agrément de Morning, et donc la suspension de son activité. Le régulateur du secteur financier lui reprochait d’avoir puisé indûment dans les fonds cantonnés de ses clients. L’événement ouvre une période de turbulences, marquée par des règlements de compte entre Eric Charpentier, le CEO, et son principal actionnaire, l’assureur MAIF. Jusqu’à la reprise, début février, de 79% du capital de la société par Banque Edel, les 21% restants étant aujourd’hui répartis entre la Maif (13%), Wicap Payname (4,5%) et La Dépêche du Midi (3,5%).