Generali va mettre en place une forte restriction des flux sur ses fonds en euros. Plusieurs assureurs sont contraints de faire de même, afin de limiter la collecte sur le support à capital garanti de l'assurance vie. Dont Suravenir, qui gère notamment les contrats Fortuneo Vie, Yomoni Vie ou Linxea Avenir. Les explications du président du directoire, Bernard Le Bras.

Comment réagissez-vous aux déclarations récentes des assureurs et régulateurs sur le fonds en euros ?

Bernard Le Bras : « Nous devons faire face à un constat : les taux longs sont entrés en territoire négatif. Le TEC10 [taux des emprunts d'Etat à 10 ans, NDLR] est passé cet été en-dessous de 0% pour la première fois de son histoire ! Il est à -0,25% fin septembre, et c’est ce chiffre qui servira de photographie pour nos ratios de fonds propres Solvabilité 2. Ces données peuvent sembler abstraites mais cela signifie que la richesse future est négative. Si je garantis un capital entrant sur un fonds en euros, je sais que la valeur de ce capital va diminuer dans les années à venir, alors que je dois garantir le montant versé à l’épargnant… Dans ces conditions, il n’est pas possible de commercialiser éternellement du fonds en euros, du moins pas comme aujourd’hui. »

Doit-on paniquer, anticiper la fin totale du fonds en euros, ou uniquement voir les restrictions d’accès en cours se renforcer ?

B.LB. : « Ce sera un ensemble de mesures graduelles, pour l’ensemble des assureurs. Ce passage en territoire négatif est récent : nous, les assureurs, ne l’avions pas anticipé début 2019. Les adaptations sont donc en cours d’arbitrage… »

Quelles mesures comptez-vous prendre chez Suravenir ?

« Une quote-part d’unités de compte sur chaque versement », « progressivement »

B.LB. : « Ces décisions sont encore en cours de délibération… mais nous allons probablement progressivement imposer une quote-part d’unités de compte sur chaque versement. Peut-être dès le premier euro. Mais rien n’est pour le moment acté, des décisions seront prises après le 15 octobre. Cela dépendra aussi de ce que décident les autres assureurs. »

Quid des épargnants dont ce type de restriction n’est pas prévue dans le contrat ?

B.LB. : « C’est un point important, effectivement. Parfois cela est prévu de façon explicite dans les conditions générales, parfois non. Dans ce cas il s’agira de mesures commerciales. »

Vous menez déjà, de longue date, une politique incitative vers les unités de compte, avec de la gestion pilotée, des unités de compte immobilières, des produits structurés…

« Nous pourrions favoriser un fonds en euros intégré à un mandat d’arbitrage »

B.LB. : « Nous avons effectivement cherché de longue date des alternatives attrayantes au fonds en euros. Cette stratégie était alors une réponse à l’érosion des rendements des fonds à capital garanti. Nous n’avons en revanche jamais opté pour une bonification de rémunération, sur le fonds en euros, selon la part investie en UC. Parmi les pistes de réflexion, pour guider les épargnants vers les UC, nous pourrions favoriser le rendement du fonds en euros intégré à un mandat d’arbitrage. »

Jusqu’à présent, cette stratégie incitative a-t-elle porté ses fruits ?

B.LB. : « Oui, nous sommes proche d’un taux de diversification de 30% : près d’un tiers des avoirs en stock sont investis en UC. Au niveau de la collecte, les UC immobilières sont les fonds d’investissement qui séduisent le plus nos clients. »

Vos rendements vont-ils baisser fortement sur les fonds en euros en 2019 ?

B.LB. : « Début 2019, nous étions dans l’idée de nous inscrire dans la continuité de 2018, avec des rendements quasi stables. A l’époque, le TEC 10 était à +0,69%... Nous devons faire comprendre aux épargnants que le monde financier a changé. Je ne sais pas encore quel sera le niveau de la baisse pour les rémunérations 2019 des fonds en euros, mais une diminution est évidemment nécessaire. »

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Le fonds eurocroissance est-il une bonne alternative ?

B.LB. : « Jusqu’à présent, j’étais sceptique sur ce produit, compte tenu de sa complexité et de la faible demande des clients. Mais à l’avenir le capital ne sera plus garanti… Il faudra bien que les clients acceptent des fonds où le capital n’est garanti qu’à 80%, afin d’espérer justement faire fructifier leur épargne. Il faudra mettre en avant des rémunérations qui peuvent potentiellement être intéressantes. »

Vous avez lancé des fonds « clean shares » avec Scala Patrimoine. Une autre piste de diversification ?

B.LB. : « Oui, nous avions déjà travaillé sur les ETF [fonds répliquant un indice financier, NDLR] avec Yomoni. Toutes les pistes permettant de réduire les frais et de favoriser la transparence sur les UC sont intéressantes. Avec Scala Patrimoine, nous sommes donc sur des fonds sans rétrocommissions : le conseiller en gestion de patrimoine doit alors financer son activité par le conseil, en facturant des honoraires. C’est une piste parmi d’autres. »

La transférabilité de l’assurance vie, au sein d’une même compagnie d’assurance, vous offre-t-elle des possibilités de diversification de vos encours ?

B.LB. : « Cela fait effectivement partie des pistes intéressantes : cela peut nous permettre de transformer des contrats monosupport mais aussi de vieux multisupports peu équipés en options de gestion vers des contrats incluant une offre de mandat d’arbitrage par exemple. Dans ce cas, cette transférabilité s’inscrit dans l’intérêt de l’assuré, sur les perspectives de rendement, et dans l’intérêt de l’assureur, en matière de fonds propres. Plus généralement, le fonds en euros a été un produit miracle. Mais si les taux restent si bas, il faudra trouver de nouvelles règles du jeu. »

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