Transférer son contrat d'assurance vie sera bientôt possible. La loi Pacte permettra en effet de transférer son contrat sans perdre son antériorité fiscale, même si les conditions sont très restrictives. Comment faudra-t-il procéder ? Le point, en 6 questions.

1 – Qui pourra demander un transfert ?

Dans les textes, qui doivent être validés par un ultime vote du Parlement : tout le monde ! L'amendement au projet de loi Pacte adopté par les députés doit permettre à tout assuré, non satisfait de son actuel contrat d'assurance vie, de réclamer sa « transformation » en un contrat plus récent. Et ce en conservant les avantages fiscaux liées à la durée de détention du contrat. Seule contrainte : rester au sein de la même compagnie d'assurance. Au-delà de cette contrainte, notable, l'amendement ne fixe pas de limite : ni de durée de détention minimale avant de réclamer cette « transformation », ni de versement minimal en unités de compte, les supports risqués de l'assurance vie.

« Ce ne sera pas le grand soir ! »

« C'est un Fourgous élargi », juge le délégué général de la Fédération française de l'assurance (FFA), Arnaud Chneiweiss, en faisant référence au dispositif qui permet déjà de transformer un contrat monosupport en multisupports. La mesure portée par la loi Pacte est plus large « dans le sens où vous pourrez passer d'un contrat multisupports à un autre, sans contrainte de versement en unités de compte », ajoute-t-il. « Il est plus à propos de parler de regroupement de contrats », nuance pour sa part Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du site prescripteur Goodvalueformoney.eu, puisque l'épargnant reste lié au même assureur : « Ce ne sera pas le grand soir ! »

Pour rappel, cette disposition reprend dans les grandes lignes le fonctionnement du Fourgous. Or, ce dispositif nécessitait l'accord de l'assureur pour effectuer une transformation. Le doute demeure donc sur le caractère obligatoire pour l'assureur d'organiser cette nouvelle transférabilité.

2 – Qui aura intérêt à demander un transfert ?

« Cette possibilité de regroupement ne sera intéressante que pour les clients de compagnies qui segmentent leurs contrats et la rémunération de leurs fonds en euros », juge Cyrille Chartier-Kastler. « Chez les assureurs mutualistes qui rémunèrent de façon équitable l'ensemble de leurs assurés, cette nouvelle faculté de regroupement ne présente aucun intérêt pour l'épargnant. » Concrètement, cette mesure va surtout permettre à des assurés disposant d'un vieux contrat bancaire, ou d'un contrat délaissé par son assureur, de le transformer en une assurance vie mieux lotie : bref un contrat avec un fonds en euros mieux rémunéré, éventuellement plus d'options, peut-être des frais de gestion moins élevés...

« Intéressant pour les clients d'assureurs qui segmentent leurs contrats et les taux de leurs fonds en euros »

« Paradoxalement, cette mesure va probablement pénaliser ceux qui ne réclameront pas le regroupement », relève le fondateur de Good value for money. « Les assureurs devront mieux rémunérer les actifs transférés, ce qui va probablement les contraindre à abaisser la rémunération servie sur les vieux contrats. » Bref : si vous possédez un vieux contrat, vous aurez tout intérêt à réclamer un transfert vers un contrat plus récent.

A noter : cette transformation se fera « sans friction fiscale », pour reprendre l'exposé de l'amendement adopté par l'Assemblée. Elle pourra ainsi être potentiellement intéressante, à la marge, pour les détenteurs de vieux contrats qui ont enregistré des moins-values. Fiscalement parlant, la transformation leur permettra d'optimiser leurs futures plus-values, en déduisant les moins-values du vieux contrat.

3 – Pourrez-vous choisir le meilleur contrat de votre assureur ?

Open bar dans la galerie des contrats gérés par votre assureur ? Pourrez-vous par exemple réclamer un transfert vers le contrat catégorisé banque privée ? A priori, non, selon Cyrille Chartier-Kastler, de Good value for money : « Le souscripteur ne pourra pas choisir n'importe quel contrat dans la gamme de l'assureur ! Ce dernier va pouvoir se baser sur le montant minimum exigé pour le versement initial. Si l'assuré ne dispose pas de cette somme sur son vieux contrat, il ne pourra pas ouvrir le nouveau contrat haut de gamme de l'assureur, et sera donc orienté vers la gamme correspondante. »

« Une occasion de dialogue entre un assuré et son assureur »

A la FFA, clairement opposée à toute « transférabilité totale », Arnaud Chneiweiss rappelle que les assureurs accueillent favorablement le « bon compromis » du « transfert interne ». Dans ces conditions, il estime que cela « offre une occasion de dialogue entre un assuré et son assureur ». Bref : l'occasion pour l'assureur de présenter à son client le contrat qu'il juge adapté à sa situation.

4 – Payerez-vous à nouveau des frais d'entrée ?

Voilà un point à éclaircir. Le projet de loi n'entre pas dans le détail des modalités de transfert. L'amendement voté par les députés précise juste que cette transformation pourra se faire via un « avenant » au vieux contrat d'assurance vie, ou via la « souscription » d'un nouveau contrat. Dans les faits, « l'assuré pourra effectuer un regroupement à sa demande, quand il souhaite », estime le fondateur de Good value for money. « Concrètement, l'assureur va lui demander d'ouvrir un nouveau contrat, et il y transférera les avoirs de l'ancien. »

« Cela n'aurait aucun sens ! »

Arnaud Chneiweiss, de la FFA, reconnaît que, sur la question des frais d'entrée, « le projet de loi ne dit rien » : « En tant que fédération, nous ne pouvons pas dire comment les assureurs vont réagir. Mais si la demande vient d'un client fidèle, qui souhaite valoriser son contrat, l'assureur essaiera avant tout de le satisfaire. » Observateur indépendant du marché, Cyrille Chartier-Kastler estime que l'assureur « va conserver les frais prévus dans ses conditions générales », mais sans appliquer des frais d'entrée une seconde fois : « La somme à transférer a elle déjà été soumise à des frais d'entrée. Les assureurs ne soumettront pas ces sommes à nouveau à des frais de versement : cela n'aurait aucun sens ! » Selon lui, si vous réclamez un transfert interne, il ne faut ni espérer de rabais sur les frais, ni craindre une surfacturation.

5 – Pourrez-vous changer de distributeur ?

Cas concret : un client d'Aviva pourra-t-il demander à migrer vers le contrat Afer, géré par Aviva ? Et un client du Crédit Mutuel de Bretagne, dont les assurances vie sont gérées par Suravenir, pourra-t-il demander à migrer vers Fortuneo Vie, autre contrat géré par Suravenir ? « Ce sera tout le problème ! » reconnaît Cyrille Chartier-Kastler. « Le projet de loi Pacte va permettre à un assuré de changer de distributeur, à condition qu'il reste chez le même assureur. Les compagnies qui gèrent des contrats d'assurance vie internet ou d'associations d'épargnants pourraient être confrontés à ce problème. »

« Les assureurs qui gèrent des contrats internet ou associatifs pourraient être confrontés à ce problème »

Du côté de la fédération des assureurs, Arnaud Chneiweiss rappelle qu'il existe déjà une passerelle : « Un assuré peut déjà demander à passer d'un distributeur à un autre », en pointant une contrainte d'importance : « selon des modalités définies par l'assureur ». « Cette disposition va peut-être remettre cette possibilité en lumière », poursuit le délégué général de la FFA. « Elle va surtout offrir de nouvelles possibilités aux distributeurs pour accéder aux demandes de leurs clients qui ne seraient plus satisfaits de leur contrat et souhaiteraient en changer tout en maintenant l'antériorité fiscale. »

6 – Quand pourrez-vous réclamer ce transfert interne ?

Un transfert soumis à de nouveaux frais de souscription ? Et envisageable d'un distributeur à un autre ? Le flou demeure sur certains points. Pour régler « certaines questions d'ordre pratico-pratique », Cyrille Chartier-Kastler estime que « des décrets d'application seront nécessaires ». Ce qui retarderait le coup d'envoi de cette mesure.

Le projet de loi Pacte repasse au Sénat à compter du 9 avril. Le processus parlementaire devrait ensuite s'accélérer avec un probable retour immédiat à l'Assemblée et une adoption définitive dès la mi-avril. Une fois le texte adopté, Arnaud Chneiweiss pense que la mise en application se fera rapidement : « Les assureurs vie sont satisfaits de ce compromis équilibré, et cela ne nécessitera pas une révolution de la chaîne de traitement. Donc, une fois les textes entrés en vigueur, les assureurs devraient être prêts au bout de quelques semaines. »

Transfert d'assurance vie : Comment ? Quelles conditions ? Tout savoir