« L’assurance-vie, placement préféré des Français ! » Ou plutôt l’immobilier, voire le Livret A… Au gré des sondages ou autres statistiques, les Français font les girouettes. Chiffres à l’appui, le fameux « placement préféré des Français » existe-t-il ?

Tapez « placement préféré des Français » dans votre moteur de recherche favori. Résultat : beaucoup d’assurance-vie, du Livret A, un peu d’immobilier voire même du compte courant – eh oui ! – ou, en remontant dans les archives, du Plan épargne logement. De quoi s’y perdre ! Même en se limitant aux articles parus en 2018, les nombreux médias titrant sur ce sujet ne parviennent pas à se mettre d’accord.

Peut-on « aimer » son assurance-vie ?

Ce lieu commun présente d’abord un problème de vocabulaire. Au sens strict du terme, les Français « aiment-ils » plus l’assurance-vie que les autres produits d’épargne ? Même dans les sondages la question n’est pas posée de façon si candide, mais plutôt : « Si vous disposez de 1 000 euros, où les placeriez-vous ? » A la différence de la musique ou la littérature, par exemple, où la préférence relève des goûts et sentiments, avec l’épargne, la problématique est concrète, pragmatique.

Le terme « préféré » est évidemment utilisé par facilitée pour qualifier une simple comparaison : tel produit est le « placement préféré » parce que c’est celui draine le plus d’argent, parce qu’ils concerne plus de monde, parce qu’il est plus connu du grand public, etc.

Champion en montants : l’assurance-vie

Problème : selon le critère choisi, le placement privilégié par les Français n’est pas le même. Si l’on se base sur les montants accumulés sur les différents produits financiers, le débat n’a pas lieu d’être : « l’assurance-vie reste le placement principal des Français », conclut d’ailleurs l’Observatoire de l’épargne réglementée dans son dernier rapport : elle pèse près de 40% du patrimoine financier des ménages. La Fédération française de l’assurance (FFA) a elle annoncé que le cap des 1 700 milliards d’euros d’encours de l’assurance-vie été dépassé courant juin.

Derrière ? Le Livret A ne pèse « que » 282 milliards d’euros à la fin juillet, et son jumeau le LDDS 106 milliards selon la Caisse des dépôts. Le Plan épargne logement émarge lui à 270 milliards d’euros d’encours. Mais ces produits d'épargne sont plafonnés, contrairement à l'assurance-vie. Bien entendu, le patrimoine immobilier des Français atteint lui aussi des montants astronomiques (plus de 6 600 milliards d’euros selon l’Insee) mais la comparaison est inappropriée : ce montant englobe à la fois résidences principales et investissements immobiliers locatifs.

Champions des dépôts en 2018 : assurance-vie et compte courant

Deuxième critère : où les Français placent-ils leur argent en 2018 ? Là encore, les sommes brassées par l’assurance-vie (12,3 milliards d’euros) dépassent la collecte des livrets bancaires (9,3 milliards) et du Livret A (9,1 milliards) selon les statistiques arrêtées au 30 juin 2018. Mais, surprise, le produit financier drainant les plus gros montants n’est autre que le compte courant, avec 21,8 milliards de flux positifs au premier semestre. Difficile, toutefois, de présenter le compte bancaire comme un « placement » au même titre que l’assurance-vie.

Lire aussi : Les placements gagnants de 2018

Champions en nombre : Livret A et assurance-vie

Troisième critère : le nombre de comptes. Livret A ? 55 millions. Assurance-vie ? 54 millions de contrats (1). Match nul ? Là encore, la comparaison est faussée : une même personne peut posséder plusieurs assurances-vie mais uniquement un Livret A. D'ailleurs, en l’absence de plafond sur une assurance-vie, toutes les études pointent une accumulation des richesses sur une poignée de « gros » contrats. Alors que le montant moyen du contrat « standard », celui que les Français souscrivent dans leur banque, n’est « que » de 18 900 euros selon le cabinet spécialisé Facts & Figures (2).

Champion en taux de détention : Livret A

Quatrième critère : le pourcentage de la population détenant un placement donné. Sur ce point, le Livret A écrase la concurrence : selon l’Insee, plus des trois quarts des Français détiennent un Livret A (3), contre 37% seulement pour l’assurance-vie. Le Livret A est ainsi le plus populaire des produits d’épargne, au sens où une très large majorité des Français le détiennent.

Lire aussi : Livret A, LDD et assurance-vie, les placements les plus répandus en France

Produit privilégié pour 10 000 euros : livrets puis assurance-vie

Est-ce suffisant pour délivrer au Livret A le titre de « placement préféré » ? Pas réellement car les sondages récents pointent paradoxalement son impopularité, à cause d’un taux de rémunération jugé trop faible. Un exemple parmi tant d’autres, le dernier sondage Ifop-Cecop pour le Cercle de l’épargne à l’hiver 2018 : « Estimez-vous qu’il est actuellement intéressant de placer son épargne dans le Livret A ? » Oui à seulement 24%, contre 51% pour l’assurance-vie et 61% pour l’immobilier locatif.

Autre sondage, tout aussi récent : celui commandé par l’Autorité des marchés financiers (AMF) à l’institut Audirep. Question : « Si aujourd’hui vous aviez une somme importante à placer, de l’ordre par exemple de 10 000 euros, quel placement choisiriez-vous de préférence ? » Premier choix : les livrets d’épargne. Deuxième choix : l’assurance-vie.

Lire aussi : Où placeriez-vous 10 000 euros ?

Un « placement préféré » différent selon l’objectif

Ces deux études prouvent à quel point il est difficile de décerner le titre de « placement préféré » à un seul produit. Tout va dépendre de l’objectif de l’épargnant, de son patrimoine, de son horizon de placement, etc. Epargner 100 euros restants en fin de mois, placer 1 000 euros ou gérer 50 000 euros reçus en héritage, cela n’a rien de comparable !

(1) Dernier chiffre disponible : 54 millions de contrats fin 2015 selon l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

(2) Baromètre 2018 de l’épargne vie. Montant moyen pour les contrats d’assurance-vie « standard », ceux détenus par la « classes moyenne » française.

(3) Avec une méthodologie différente de l’Insee, l’Observatoire de l’épargne réglementée estime à 82,1% le taux de détention du Livret A fin 2017.