En 2016, les taux servis sont tombés très bas, 1,80% en moyenne. Et l’ampleur de la baisse a été impressionnante : un demi-point de perdu pour la plupart des fonds ! Faut-il s'attendre à pire pour le cru 2017 ?

1 - Quel rendement pour l’année 2017 ?

Autant le dire d’emblée : tous les observateurs et acteurs du marché prédisent une nouvelle érosion des taux servis pour 2017. Cependant, cette baisse pourrait être de moindre ampleur. L’an passé, selon les statistiques de la Fédération française de l’assurance (1), le taux moyen est tombé de 2,30% en 2015 à 1,80% en 2016. « Nous prévoyons une baisse de 20 à 30 points de base », avance Gildas Robert, directeur métier actuariat conseil chez Optimind Winter. Soit 1,5% environ pour le taux moyen. « Le CAC40 s’est mieux comporté qu’en 2016. Grâce à la poche actions des fonds en euros, la baisse devrait donc être moins prononcée que l’an passé. »

« Une prévision de 1,48% » pour 2017

Une prévision qui colle avec les perspectives de Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de Goodvalueformoney.eu (GVFM) : « Pour 2017, je maintiens notre prévision de 1,48% », déclare-t-il en faisant allusion à son baromètre annuel publié au printemps. « Dans cette prévision, j’intègre une nouvelle provision de 30 points de base à la PPB [provision pour participation aux bénéfices, qui permet de lisser les rendements d’une année sur l’autre, NDLR]. Nous resterions donc dans un schéma où les assureurs livrent des rémunérations nettement inférieures au rendement de leur actif général. Ils resteraient ainsi dans une politique de frein de la collecte sur les fonds en euros. »

2 – La baisse sera-t-elle homogène en 2017 ?

L’hiver dernier, la saison d’annonce des rendements des fonds euros, qui s’étale de décembre à février, a livré très peu de surprises : la grande majorité des assureurs ont abaissé leur revalorisation annuelle d’un demi-point environ. Les baisses les plus faibles étaient de 20 points de base, les plus importantes de 70 ou 80 points de base, sur les fonds en euros classiques.

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Faut-il s’attendre à un schéma similaire pour la « saison 2017 » ? Gildas Robert et Cyrille Chartier-Kastler misent tous deux sur une baisse généralisée plutôt homogène. Soit 30 points de base en moins environ pour la plupart des assureurs.

Une baisse « plus prononcée » pour les assureurs « tout en haut des palmarès »

Le fondateur de Goodvalueformoney souligne toutefois que les meilleurs élèves, ceux qui tutoyaient les 3% en 2016, pourraient rentrer dans le rang : « L’érosion sera peut-être plus prononcée chez les acteurs figurant tout en haut des palmarès, notamment les mutuelles. Elles vont devoir réduire la voilure pour éviter des collectes trop abondantes qui les pénaliseraient à l’avenir. » A l’autre extrémité, les assureurs filiales de groupe bancaires devraient « se retrouver en nombre autour de 1,10%-1,20% ».

3 – Faut-il déjà prévoir de nouvelles baisses en 2018 et 2019 ?

Le cru 2017 de l’assurance-vie sera-t-il le pire des millésimes ? En matière de performance chiffrée, probablement pas. Les analystes s’accordent sur une poursuite de la perte de rendement en 2018. Les scénarii divergent toutefois sur l’évolution à plus long terme. L’an passé, à même époque, AG2R La Mondiale avait pronostiqué une baisse en pente douce dans une étude de prospective économique : 1,90% en moyenne en 2016, 1,70% en 2017, 1,60% en 2018 et 1,50% en 2019, avant un rebond porté par le retour de l’inflation.

« Les rendements des fonds euros pourraient baisser chaque année jusqu’en 2020-2021 »

L’assureur ne souhaite pas encore s’exprimer sur le sujet cette année. En effet, au jeu des prévisions à plus long terme, chacun s’arme de pincettes : « L’environnement de taux étant très incertain, il est très délicat de se projeter à long terme… », souligne Gildas Robert, qui ajoute : « Cela dépend beaucoup de la BCE : si le QE [Quantitative easing, programme de rachats massifs de la BCE pour soutenir la croissance, NDLR] est prolongé, alors les taux resteront encore durablement bas. » Le directeur métier actuariat conseil d’Optimind Winter appuie ainsi son analyse sur le « scénario souvent privilégié » de « taux restant atones sur les marchés obligataires » : « Dans ce cas, les rendements des fonds euros pourraient baisser chaque année jusqu’en 2020-2021, mais de façon de plus en plus ténue. » Une analyse proche de celle d’AG2R La Mondiale, donc. Gildas Robert estime en effet que les réserves constituées ces dernières années par les assureurs, en dotant la PPB, sont « significatives » mais « pas suffisantes en cas de remontée nette des taux obligataires » : « Les assureurs doivent donc continuer à doter leurs réserves. Ainsi, dans un contexte de taux bas, s’ils maintiennent leur politique prudente de ces dernières années, les taux servis ne pourront que poursuivre leur baisse. »

« Piocher dans les réserves » en cas de remontée des taux obligataires

S’il concède que « tout dépendra du calendrier de la BCE », Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de GVFM, maintient sa prévision du printemps dernier, avec les précautions d’usage : « Les taux obligataires pourraient remonter à partir de la mi-2018, mais je ne suis ni devin ni prophète : pour l’heure, je pense que la moyenne des fonds en euros se situera entre 1,30% et 1,40% en 2018, avant une remontée progressive. » A l’horizon 2019, les assureurs entameraient alors la remontée pour « servir des rémunérations qui ne seraient pas trop pénalisantes au regard des autres placements ». Pour ce faire, ils iraient « piocher dans leur PPB, largement renforcée ces dernières années ». Gildas Robert envisage lui aussi un scénario où les assureurs mobiliseraient ainsi leur réserve, mais cette évolution interviendrait selon lui en cas de « remontée nette des taux obligataires ».

Difficile, donc, d’établir des prévisions infaillibles. Restent plusieurs points de consensus : une poursuite de la baisse de la rémunération des fonds euros en 2018, et un point bas proche de 1,30%, pour le taux moyen, à court ou moyen terme. Quant à savoir quand les rendements remonteront, il faut suivre les annonces de la BCE...

(1) Habituellement, la FFA et le régulateur banque-assurance, l’ACPR, livrent des estimations proches. Etonnamment, pour l’année 2016, la FFA a annoncé un rendement moyen de 1,8% et l’ACPR un taux moyen de 1,93%. Cela signifierait-il que les assureurs ont exagéré la baisse communiquée pour 2016 ? Interrogés sur ce point, les observateurs contactés et la FFA n’ont pas trouvé d’explication.