La « flat tax » va doublement modifier la donne pour l'assurance-vie : un alourdissement de la fiscalité pour les plus gros contrats, passés 8 ans de détention, et un allègement pour tous avant ce fameux cap des 8 ans ! Le délégué général de la Fédération française de l’assurance (FFA) reste défavorable à cette mesure. Et réclame de nouvelles incitations à la détention longue de l’assurance-vie.

Arnaud Chneiweiss, à ce stade des débats parlementaires, pour une assurance-vie de moins de 8 ans, la flat tax devient la règle pour tous les gains réalisés grâce à des versements effectués après le 26 septembre 2017. La fin de l’incitation à la détention longue ?

« On perd une incitation à la détention longue. Fort heureusement, il y en a d'autres. »

Arnaud Chneiweiss : « Non, car il faut garder une vue globale. Le prélèvement forfaitaire unique (PFU) répond à une logique de simplification que nous comprenons bien. Cependant, appliqué à l'assurance-vie, nous avons exprimé des réserves pendant l'été car jusqu'à présent la fiscalité de l’assurance-vie était dégressive, s’amenuisant au fil des années de détention. La détention longue était fiscalement récompensée. Avec la flat tax, qui s’applique à tous les contrats jusqu’à 8 ans de détention, ainsi qu’aux encours dépassant 150 000 euros passé ce cap, on perd une incitation à la détention longue. Fort heureusement, il y en a d'autres : les abattements valables après 8 ans de détention demeurent, tout comme le régime favorable en cas de succession. Et puis à nous assureurs de convaincre l'assuré que la détention longue est bien dans son intérêt. »

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L’argument du « prendre date » sera-t-il toujours aussi fort ?

« Les abattements demeurent »

A.C. : « Oui, l’assurance-vie est un couteau suisse : elle peut être un support pour un projet immobilier, la préparation à la retraite ou un instrument de transmission du patrimoine. On ne sait pas à l'avance à quoi elle servira, raison de plus pour prendre date car rien n'a changé, c’est bien la date d’ouverture du contrat qui compte pour bénéficier des abattements après 8 ans. »

La réforme de la fiscalité devra être expliquée aux clients…

« Un important travail de pédagogie devra être mis en œuvre »

A.C. : « Un important travail de pédagogie devra effectivement être mis en œuvre. Jusqu’à présent, la fiscalité dégressive nous permettait aisément d’expliquer l’intérêt de l’épargne à long terme. Il faudra l’expliquer différemment. A nous de convaincre les assurés que pour concilier rendement et sécurité dans le contexte historique de taux bas dans lequel nous sommes, il faut s'engager sur le long terme. »

L’un des objectifs de cette réforme est de favoriser l’investissement dans l’économie réelle et les PME. Etes-vous d’accord avec cette vision ?

A.C. : « Oui, et c'est pourquoi nous disons que ce qui favorisera l’investissement dans l’économie productive, c’est la détention longue ! Lorsque les horizons de placement sont lointains, les assureurs peuvent investir dans les actions et les infrastructures, qui apporteront un meilleur rendement. Si l'horizon est trop court, en raison de la volatilité ou du manque de liquidité de certains de ces placements en actions et infrastructures, ce n'est pas raisonnable de les recommander, au nom de notre devoir de conseil. »

Espérez-vous toujours une évolution de la mise en œuvre de la flat tax pour l’assurance-vie, au Parlement (1) ?

« Nous souhaitons développer l’assurance dépendance »

A.C. : « Non. Le gouvernement et la majorité parlementaire ont décidé. Nous souhaitons désormais trouver d’autres leviers pour inciter à la détention longue de l’assurance-vie. Le Premier ministre nous a d’ailleurs encouragé, début octobre, à engager des innovations pour accompagner les Français dans les grandes étapes de leur vie, avec des compléments de revenus adaptés à leurs besoins. Nous souhaitons donc reprendre des discussions pour favoriser l’épargne longue dans le cadre de l’assurance-vie. Nous avons également des propositions pour développer l’assurance dépendance, grand sujet dans le contexte du vieillissement de la population, et les divers produits de retraites supplémentaires (Perp, PERE, Madelin, etc.). »

Plus de détail dans notre dossier sur la réforme 2018 de la fiscalité de l'épargne

Quelles évolutions espérez-vous concernant la rente ?

« Une révision de la fiscalité des rentes fait partie de nos propositions »

A.C. : « Les assureurs acceptent de porter des risques, c'est leur utilité sociale. Ici, les assureurs sont prêts à prendre le risque de longévité. Développons la sortie en rente viagère de l’assurance-vie, c'est-à-dire la fourniture d'un complément de revenus pour la vie. L'assurance-vie pourrait alors plus qu'aujourd'hui jouer un rôle de complément de retraite. Mais la fiscalité de la ''rente viagère à titre onéreux'', pardon pour le jargon, est décourageante. Une révision de la fiscalité des rentes fait donc partie de nos propositions pour qu'elles deviennent attractives pour nos concitoyens et soient une solution, parmi d'autres, pour faire face au vieillissement de la population et aux besoins financiers des seniors. »

François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a appelé à réinventer l’assurance-vie…

A.C. : « Cela fait écho aux déclarations du Premier ministre Edouard Philippe début octobre que nous avons déjà évoquées. Il y a déjà eu des tentatives ces dernières années, notamment l'euro-croissance. Ce produit a connu un succès mitigé jusqu'à présent, car la conjoncture historique de taux bas n’a pas permis aux assureurs de valoriser la poche de diversification. Mais le concept est bon ! Par l'engagement dans la durée, il concilie rendement et sécurité de l'épargne pour l'assuré, investissement dans l’économie productive et stabilité des placements. D'une façon ou d'une autre, c'est dans cette direction qu'il faut aller. »

Quand cette réflexion pourrait-elle se concrétiser ?

« L'euro-croissance a connu un succès mitigé, mais le concept est bon ! »

A.C. : « Le Premier ministre nous a incités à y travailler rapidement. Il y a ce qui ne dépend que de nous et les cas où il faut faire évoluer le cadre réglementaire et légal. Le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire prépare un Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), avec un projet de loi au printemps 2018. Si nous avons des propositions qui nécessitent des évolutions du cadre légal, peut-être pourront-elles y trouver leur place ? »

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(1) Le 19 octobre dernier, les députés ont adopté le PFU de 30% sur les revenus du capital, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018. La discussion budgétaire reste en cours.