Longtemps, le fonds en euros de l’assurance-vie promettait sécurité et rendement. Désormais, seule la première de ces deux promesses semble réalisable, d’où le succès des supports en unités de compte, plus risqués. L’assurance-vie change-t-elle de nature ?

Les supports en unités de compte (UC) ont drainé 84% de la collecte nette de l’assurance-vie en 2016. Inédit ! Une tendance nullement contredite sur le début 2017. A la fin mars, la collecte nette s’établit à 1 milliard d’euros, une collecte nette « provenant totalement des supports en unités de compte », précisait le mois dernier la Fédération française des assureurs (FFA).

L’assurance-vie a-t-elle changé d’ère ? Est-elle passée du statut de placement de « bon père de famille », essentiellement investi sur les fonds euros, à un statut d’investissement à risque ? Non ! Le paysage de l’assurance-vie n’a pas encore été bouleversé. Par définition, la collecte nette représente le solde des versements (ou cotisations) moins les retraits (ou rachats). En 2016, si l'on regarde uniquement la collecte brute, soit les seuls versements, les UC ne représentent plus que 20% du flux, un score en cohérence avec leur poids dans les encours globaux (19%).

Le fonds euros, toujours le support incontournable

Les épargnants versent donc toujours majoritairement leurs deniers sur les fonds en euros. Mais les statistiques de collecte nette montrent que, s’il faut piocher dans leur assurance-vie, ils retirent plus systématiquement de leur fonds en euros que de leurs supports en UC.

S’il reconnaît la prépondérance du fonds en euros dans la collecte brute, Arnaud Chneiweiss, délégué général de la FFA, pointe tout de même la dynamique positive des UC : « En 5 ans, la collecte brute est passée d’environ 12% en UC à 20%. Nous observons donc une progression, régulière. » Sur le premier trimestre 2017, les UC représentent même 27% des cotisations. Basculement non, mais transition vers les UC peut-être.

Des incitations à investir en UC de plus en plus assumées

Comment expliquer ce mouvement de fond ? Pas uniquement par la baisse de rendement des fonds en euros. « Les normes européennes Solvabilité 2 poussent les assureurs à booster leur collecte en unités de compte, au détriment des fonds en euros, plus contraignants en termes de fonds propres », expliquait Cyrille Chartier-Kastler, du cabinet Facts & Figures à cBanque en décembre dernier. Tout en prenant soin de préciser : « Ce n’est pas totalement nouveau. »

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Mais les incitations à investir en UC se font de plus en plus pressantes pour les détenteurs de contrats. Les bonus de rendement, sur les fonds en euros en cas d’investissement en UC, se généralisent après avoir été l’apanage de quelques rares assureurs voici 5 ou 6 ans. Sur le marché de l’assurance-vie en ligne, les contraintes d’investissement en UC deviennent monnaie courante pour accéder aux fonds en euros. Sur ce même marché de l’assurance-vie à frais réduits, la gestion pilotée se démocratise, avec des tickets d’entrée de 300 ou 1.000 euros.

Des nouveautés en 2017

En 2017, ces tendances vont encore s’accentuer. Premier exemple : Suravenir va « bientôt » lancer une assurance-vie « grand public » faisant « une place assez large au mandat d’arbitrage » dans le réseau Crédit Mutuel Arkéa, donc en Bretagne, dans le Sud-Ouest et le Massif Central. Une offre novatrice dans le sens où la gestion sous mandat se développe pour l'heure principalement sur les marchés de la banque privée et de l’assurance-vie en ligne. Une manière, pour Suravenir, d'inciter une vaste population de clients bancaires à miser sur les UC.

Deuxième exemple : le 1er juin prochain, la MACSF, membre du « top 15 » des assureurs-vie français, va faire grimper les frais de versement de 1% à 3% sur son historique contrat monosupport en euros RES. Or les frais de versement resteront de 1% sur son contrat « jumeau » avec unités de compte RES Multisupport. Dans sa lettre « Epargne retraite » de février 2017, la MACSF encourage d’ailleurs ses assurés à « envisager » un transfert Fourgous du monosupport vers le contrat multisupports.

La mort du monosupport en euros

Plus que le basculement de la collecte nette vers les UC, une autre statistique illustre bien l’évolution lente de l’assurance-vie : l’assurance-vie monosupport en euros ne représente plus que 31% des encours fin 2015 selon la FFA, contre 50% 10 ans plus tôt, car les rares assureurs qui en proposent encore finissent par se convertir aux UC. Dernières illustrations en date, mi-2016 puis début 2017 : les mutualistes Matmut et MIF ont stoppé la commercialisation de leur contrat phare, monosupport, pour mettre en avant une offre multisupports. La nouvelle ère, pour l’assurance-vie, c’est surtout la fin du tout fonds en euros.

Combien faut-il investir en UC ?

« Les conseillers ont incité les particuliers à investir sur les UC pour aller chercher du rendement, en jouant la complémentarité entre UC et fonds en euros bien entendu. » L’analyse est signée Arnaud Chneiweiss, délégué général de la fédération des assureurs. Il insiste ainsi sur cette complémentarité entre les deux principaux supports de l’assurance-vie : « Tout est question de dosage : l’assurance-vie permet de cumuler les avantages de la garantie en capital sur les fonds en euros, et du rendement sur les UC. »

La lecture des rendements moyens fait évidemment pencher la balance en faveur des UC : 3,90% de performance moyenne en 2016 selon la FFA, contre 1,80% pour les fonds en euros. Mais si le taux moyen des fonds euros reflète une certaine homogénéité, celui des UC cache bien entendu une extrême disparité. Comment gérer ce dosage pour optimiser le rapport risque/rendement ? « Notre recommandation [est] d’essayer de s’inscrire sur les taux moyens en fonction de votre horizon de temps », expliquait le site prescripteur Good value for money dans sa newsletter d’octobre 2016 : 10 à 15% d’UC pour « un horizon de 3 à 5 ans », 20 à 30% pour un horizon de « 8 à 10 ans », 50% pour un placement visant un horizon de 20 ans.

Pas de projet d’encadrement de la gestion pilotée

La démocratisation de la gestion pilotée fait apparaître d’importantes disparités, selon les distributeurs : sur les degrés de risque envisageables sur les différents profils, sur l’harmonisation de la communication en matière de performance annuelle, etc. Interrogé sur un engagement déontologique de la profession sur ce point, le délégué général de la FFA Arnaud Chneiweiss a botté en touche : « Je ne pense pas que le développement de la gestion sous mandat se soit vraiment généralisée sur le marché de l’assurance-vie. A la FFA, nous n’avons pas de réflexion en cours sur le sujet. » Le pôle commun des régulateurs bancaire et financier (ACPR et AMF) a toutefois pointé les mandats d’arbitrage parmi ses « enjeux » de 2016-2017.

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