Pour l’assurance-vie comme pour les produits bancaires, un fonds de garantie peut être saisi en cas de faillite de l’établissement financier. Mais le montant n’est pas le même : 70.000 euros pour l’assurance-vie et 100.000 euros pour les comptes bancaires de dépôt ou d'épargne. L’Afer réclame la réévaluation de l’indemnisation pour l’assurance-vie. Un filet de sécurité qui n’intervient cependant qu’en tout dernier recours. Zoom sur la procédure quand un assureur met la clé sous la porte.

20 juillet 1999. Un arrêté met fin aux effets des contrats d’assurance-vie d’Europavie. Cet assureur, qui disposait d’une gamme de contrats basés sur les investissements immobiliers (SCPI), a été placé en liquidation un an plus tôt après plusieurs années de déboires financiers. Cette faillite reste encore aujourd’hui un cas unique dans la France d’après-guerre. Et elle a fait date : le fonds de garantie des assurances de personnes (FGAP) a été créé en 1999 suite à cette défaillance.

Depuis, le FGAP est censé intervenir en dernier recours si un assureur ne parvient pas à « redresser sa situation et à honorer ses engagements à 100% ». Ce fonds de garantie indemnise alors chaque assuré jusqu’à 70.000 euros (1), quel que soit la valeur et le nombre de contrats qu’il détient chez l’assureur en faillite.

Des assurés limitant leurs contrats à 70.000 euros

Le fonds de garantie n’a ainsi vocation à intervenir que dans des cas exceptionnels, « extrêmement rares » comme le confirme Gildas Robert, directeur métier chez Optimind Winter, société d’actuariat conseil en gestion des risques. Il n’empêche. Le thème de la faillite potentielle des établissements financiers revient de façon épisodique mais répétée : au cœur de la crise financière, en 2008, au plus fort de la crise des dettes souveraines, en 2011, ou plus récemment face au taux bas record sur les marchés, certains économistes évoquant de façon très hypothétique un possible scénario « à la japonaise » pour les assureurs français.

Certains épargnants ne restent pas insensibles face à ces messages pessimistes : « En 2008-2009, dans un mouvement de panique lié à la crise financière, certains assurés disposant de contrats présentant une valeur de rachat élevée ont pu en racheter une partie pour placer leur argent chez plusieurs assureurs, en conservant 70.000 euros dans chaque société, de façon à être mieux protégés par le fonds de garantie », témoigne Gildas Robert.

Si bien que l’association d’épargnants Afer, qui propose le contrat éponyme, réclame « entre autres mesures, la réévaluation du montant de l’indemnisation prévue par le fonds de garantie des assurés, pour l’assurance-vie, à hauteur du seuil prévu par le fonds de garantie des dépôts », comme le confirme son président Gérard Bekerman. L’indemnisation prévue pour les produits bancaires a en effet été relevé à 100.000 euros en 2010. L’Afer veut donc que l’assurance-vie soit protégée à un niveau équivalent. La secrétaire générale de l’association Pascale Tradori précise que cette mesure est avant tout « symbolique », tout en reconnaissant une incidence sur le comportement des épargnants : si « ce dispositif reste surtout théorique, certains adhérents peuvent être tentés de limiter leurs dépôts en fonction du montant de la garantie ».

De nombreux leviers avant le fonds de garantie

L’existence de ce fonds vise avant tout à « rassurer les assurés » selon Gildas Robert, d’Optimind Winter. Car avant que le FGAP n’intervienne, Gildas Robert rappelle les multiples leviers existants : « Un régime prudentiel spécifique aux assureurs (Solvabilité 1, et, à partir du 1er janvier 2016, Solvabilité 2), met en place des règles permettant de préserver leur solvabilité. L’ACPR [régulateur banque-assurance, NDLR] assure un suivi du respect des règles prudentielles par les assureurs, dans l’objectif d’éviter cette situation extrême, le cas échéant en mettant en place des plans d’actions de manière anticipée. »

Si le régulateur échoue, et que la défaillance se confirme, l’autorité « nomme un administrateur provisoire qui émet un appel d’offre destiné à d’éventuels repreneurs du portefeuille ». Ainsi, depuis sa création, postérieure à la faillite d’Europavie, le fonds de garantie des assurés n’a été saisi qu’une seule fois selon la documentation présente sur le site du FGAP, en 2000, pour « la mise en liquidation de la société ICD Vie ». Mais le fonds « n’a pas eu à intervenir car tous les contrats d’assurances ont été transférés à d’autres sociétés d’assurances ».

Les épargnants derniers servis en cas de liquidation

L’actuaire Gildas Robert estime ainsi qu’il y a « toujours un repreneur », car « un assureur peut avoir intérêt à reprendre le portefeuille d’assurés, le réseau de commercialisation, etc. » Ce n’est donc qu’en l’absence de repreneurs que « la liquidation judiciaire est prononcée » et que l’ACPR fait intervenir le fonds de garantie.

Dans ce cas, qui ne s’est jamais présenté, le fonds de garantie prend toute son importance pour les titulaires d’assurance-vie car ils figurent en queue de peloton dans la liste des créanciers à rembourser lors de la liquidation : « D’abord les salariés, puis les hypothèques, etc. Les assurés figurent parmi les créanciers de dernière catégorie », confirme Gildas Robert. « Les actifs seront donc liquidés de façon à payer les créanciers selon leur rang, puis au prorata pour la dernière catégorie. Ainsi, en cas de faillite d’un assureur-vie, il est fortement probable que les épargnants ne reçoivent qu’une partie des valeurs de rachat qui leur reviennent. »

Le fonds de garantie agit alors en complément des sommes reversées aux assurés dans le cadre de la liquidation. Exemple : « Un épargnant possède un contrat d’assurance-vie avec 100.000 euros de valeurs de rachat. Il perçoit seulement 50.000 euros de la part de l’assureur en faillite. En théorie, le fonds de garantie lui reverse donc 50.000 euros », explique le directeur métier actuariat conseil d’Optimind Winter.

Peu de contrats de plus de 70.000 euros

Chaque titulaire d’assurance-vie étant couvert, pour chaque assureur, à hauteur d’un minimum de 70.000 euros, une large part d'entre eux n’ont rien à craindre. Les sommes présentes sur les contrats d’assurance-vie « standards », c’est-à-dire principalement les contrats bancaires, ne dépassent pas 17.130 euros en 2014 selon les statistiques du cabinet Facts & Figures. Même à l’Afer, où les adhérents ont un profil plus « patrimonial », « l’encours moyen est d’environ 61.000 euros » selon le président de l’association Gérard Bekerman. Selon Facts & Figures, seuls les contrats gestion privée ont un encours moyen dépassant largement le montant prévu par le fonds de garantie, avec une moyenne tutoyant les 200.000 euros.

Les épargnants disposant de montants conséquents sur leur contrat doivent-ils espérer que la demande de réévaluation de l’Afer aboutisse ? L’association a remis une vingtaine de propositions au gouvernement dans son « pacte de l’épargne et de l’assurance-vie ». Et cette mesure n’apparaît pas comme prioritaire. « Cette demande de réévaluation de principe s'inscrit dans l’une des 5 mesures principales que nous proposons, celle qui concerne la revalorisation des seuils, en particulier sur les capitaux décès, tant pour l’abattement à 152.500 euros que pour la franchise de droits de succession de 30.500 euros », précise tout de même Gérard Bekerman, tout en insistant sur la revalorisation des seuils fiscaux.

Rassurant en cas d’« Europavie bis », ce fonds de garantie ne pourrait pas absorber une crise d’ampleur emportant l’un des dix plus gros assureurs-vie en France : les ressources du FGAP représentent 750 millions d’euros fin 2014, auxquels s’ajoute « la faculté d’emprunt auprès des sociétés adhérentes », d’un « montant identique » selon le FGAP. Ce qui porte sa capacité d’intervention à 1,5 milliard, alors que les dix plus gros assureurs ont chacun plus de 50 milliards d’euros d’encours. La défaillance d’un acteur majeur reste toutefois hautement improbable, tant il existe de mesures de contrôle, pare-feu et autres de leviers d’action avant toute catastrophe.

(1) Le plafond est « relevé à 90 000 euros pour les rentes d’incapacité ou d’invalidité et celles résultant de contrat d’assurance décès ». Et les provisions sont restituées intégralement dans deux cas : « prestations dues et échues à la date de notification du recours au Fonds de garantie » ; « prestations des contrats couvrant les risques accident et maladie, dues et échues entre la date de notification du recours au fonds de garantie et la date de publication du transfert des contrats ou de cessation des effets des contrats ».