Les textes réglementaires nécessaires à la commercialisation de l’euro-croissance, présenté à l’origine par le gouvernement comme le futur « 3e pilier de l’assurance-vie », ont paru en septembre. Depuis, seuls deux acteurs ont annoncé le lancement de ce support d’un genre nouveau : le Crédit Agricole et Axa. Quand l’euro-croissance, censé être plus rentable que le fonds en euros mais moins risqué que les unités de compte, sera-t-il disponible dans les autres enseignes ? Tour d’horizon.

Fin octobre 2013, Pierre Moscovici, alors ministre de l’Economie, annonce une réforme de l’assurance-vie et notamment la création d’un « 3e pilier » : l’euro-croissance. Un an plus tard, l’ensemble du dispositif réglementaire est connu et la commercialisation est ouverte. Ce nouveau support se distingue des fonds en euros, qui permettent de bénéficier d’une garantie du capital à tout moment, en ne garantissant tout ou partie du capital qu’à la fin d’une période de 8 ans minimum. L’avantage : les assureurs peuvent pendant ces 8 années prendre plus de risques sur les marchés financiers et donc offrir à terme un rendement plus élevé. Bref, l’euro-croissance est un compromis à la sécurité du fonds euros et à la volatilité des unités de compte.

Ces dernières semaines, Crédit Agricole Assurances et l’association d'épargnants Agipi, en partenariat avec Axa, ont annoncé la commercialisation d’un fonds euro-croissance. Et les autres ? Nous avons posé la question aux grandes banques et aux assureurs. Quelques unes n’ont pas donné suite. Certaines, à l’image de Covéa (MAAF, MMA et GMF) ou de la Macif (1), annoncent d’emblée ne pas prévoir lancer un support euro-croissance. Mutavie, la branche assurance-vie de la Macif, voit ce nouveau produit comme « complexe » et réfléchit ainsi « à la mise en place d’un support plus simple et transparent répondant aux attentes de [ses] sociétaires ». D’autres prennent des pincettes en se faisant le moins précis possible sur leur échéancier. Les acteurs se jaugent et les stratégies divergent. Mais plusieurs acteurs ont tout de même communiqué calendriers et objectifs.

Des fonds dans les contrats multisupports

Parmi ceux qui se positionnent dès à présent sur l’euro-croissance, un premier point commun saute aux yeux : ils parient quasiment tous - CNP Assurances, Crédit Agricole, Crédit Mutuel, Axa, Generali, Allianz - sur un fonds euro-croissance servant d’alternative aux fonds euros et unités de compte. Parmi les principaux gestionnaires d’assurance-vie, seul BNP Paribas Cardif, qui présente la particularité d’avoir parié dès 2010 sur l’euro-diversifié, produit proche et qui va se transformer en euro-croissance, mise sur un contrat monosupport investi à 100% sur l’euro-croissance.

Sur son site, Cardif met ainsi en avant un rendement annuel de 5,89% pour « l’euro-croissance ». Il s’agit du taux de rémunération moyen, net de frais mais avant prélèvements sociaux, sur la période allant du 31 octobre 2010 au 30 septembre 2014, du fonds diversifié présent sur le contrat monosupport BNP Paribas Avenir Retraite. Benoît Gommard, responsable stratégie clients de BNP Paribas Cardif, juge les résultats de l’euro-diversifié « vraiment encourageants » et annonce près de 90.000 clients à ce jour pour plus de 800 millions d’euros d’encours. L'enseigne devant mettre en conformité ses supports avec les normes euro-croissance d’ici mars 2015, ses clients deviendront effectivement souscripteurs de contrats euro-croissance. En 2016, BNP Paribas Cardif proposera en outre des fonds euro-croissance que les assurés pourront intégrer aux contrats multisupports.

Croissance et euro-croissance : quelle différence ?

Au niveau des fonds, l’option choisie par une large majorité d’assureurs, il existera bientôt une distinction entre « croissance » et euro-croissance. Selon nos informations, la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) prépare actuellement une « déontologie » sur l’appellation euro-croissance. Pour qu’un fonds puisse être revendiqué comme tel, la garantie – au terme de 8 ans minimum – devra porter sur 100% du capital. Or les textes réglementaires ouvrent la possibilité de ne garantir qu’une partie du capital, à condition que cela soit stipulé au moment de la souscription.

A terme, banques et assurances risquent de proposer à leurs clients d’abaisser la garantie des fonds croissance jusqu’à 80% du capital. Parmi les deux supports déjà lancés, si l’Agipi évoque une garantie à 100%, le Crédit Agricole prévoit de moduler selon les « besoins du client » : « tant en termes de durée (de 8 à 40 ans) qu’en termes de niveau de garantie (de 80% à 100%) ». Generali part sur une offre similaire avec une échéance allant de 8 à 30 ans. Allianz évoque aussi des produits « croissance ». CNP Assurances, qui gère les contrats d’assurance-vie de La Banque Postale et de la Caisse d’Epargne, cite à la fois des « supports croissance et euro-croissance ». BNP Paribas Cardif est à nouveau à contre-courant : « Nos fonds seront garantis à 100% et pourront donc être labellisés euro-croissance », affirme Benoît Gommard. La documentation des supports en question n’étant pas sortie, il est en revanche trop tôt pour connaître les différences de frais ou de rendement entre croissance et euro-croissance.

Un besoin de « pédagogie »

Quelle place prendront ces fonds et contrats dans la future collecte de l’assurance-vie ? Personne ne chiffre précisément ces objectifs. « Si nous faisons des efforts de développement, c’est que l’on espère au moins plusieurs dizaines de millions de collecte à court terme et que cela représente 10 à 15% de la collecte globale à plus long terme », concède toute de même Ludovic Cohen, directeur épargne individuelle d’Allianz. « Nous le voyons comme un produit de masse. Nous pensons que cela a un intérêt pour tout type de clientèle. »

Si personne ne le dit ouvertement, plusieurs voix émettent des doutes sur un franc succès d’emblée. « L’euro-croissance est un excellent complément au fonds en euros. Mais il va nécessiter un peu de pédagogie », reconnaît Ludovic Cohen.

Les distributeurs en ligne attendent de voir

Tous les acteurs du marché n’affichent pas la même volonté de mettre ce « 3e pilier » en avant. Les distributeurs d’assurance-vie en ligne, dont les clients sont plus qu’ailleurs dans une recherche de rentabilité, montrent assez peu d’enthousiasme vis-à-vis de ce nouveau support. Interrogé, le courtier Altaprofits nous renvoie vers les assureurs gestionnaires de ses contrats. Boursorama « réfléchit ». Monabanq ne s’exprime pas sur le sujet. ING Direct livre légèrement plus de détails : « Nous y réfléchissons actuellement. Nous pourrions éventuellement le lancer avec l’assureur de notre contrat, E-cie vie, filiale de Generali. »

La meilleure des publicités pour l’euro-croissance sera peut-être la publication des taux de rémunération pour 2014, une chute du rendement moyen des fonds euros à 2,2% ayant été évoquée. « Le support euro-croissance arrive à point nommé dans un contexte de taux bas », affirme Crédit Agricole Assurances. Generali renchérit en estimant que l’euro-croissance plaira plutôt aux « clients investis en quasi-totalité sur les fonds en euros ». Reste que pour constituer une alternative, viable, il faudra en contrepartie « une promesse de rendement réellement supérieure à celle des fonds en euros classiques », argumente la communication d’ING Direct. Tout va dépendre des premières annonces de rendement de fonds euro-croissance. Dès la fin 2015 ?

(1) Apicil a aussi déclaré ne pas prévoir de lancer de fonds euro-croissance lors d’une conférence de presse ce jeudi selon l’Argus de l’assurance. Son délégué général a indiqué ne pas croire à « un grand succès ».