Quels sont les principaux distributeurs de contrats d’assurance-vie ? Les banques, et de loin, selon les statistiques publiées par les deux grandes organisations d’assureurs français. Les assureurs, courtiers ou autres distributeurs en ligne ont-ils une chance de grignoter des parts de marché ?

En 2013, 64% de la collecte d’assurance-vie a été réalisée via les réseaux bancaires selon les données clés publiées courant septembre par la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) et le Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (Gema). Le haut de classement des assureurs-vie (1) est ainsi clairement dominé par le secteur bancaire. CNP Assurances, qui gère les contrats distribués par la Caisse d’Epargne et La Banque Postale, est le n°1 du secteur avec 18,3% de parts de marché devant le Crédit Agricole (15,2%), Axa (8,1%), BNP Paribas Cardif (7,5%), le Crédit Mutuel (7,3%), la Société Générale (5,6%) et Generali (5,3%). Les réseaux d’assurances ne représentent ainsi que 36% du marché selon ce document, en distribuant pour leur part leurs contrats via leurs réseaux mais aussi via des courtiers.

Le constat ainsi posé par la FFSA et le Gema est contesté par le cabinet de conseil Facts & Figures, qui édite chaque année au printemps un baromètre de « l’épargne vie ». Dans son édition 2014, le cabinet estime en effet à 51% la part de marché des « bancassureurs », nom donné aux groupes bancaires distribuant des produits d’assurance, en proportion de la collecte brute de l’année 2012 (2).

Une « relation privilégiée » avec le banquier

Pourquoi un tel écart ? Le président de Facts & Figures, Cyrille Chartier-Kastler, explique que dans ses statistiques la FFSA compte toutes les filiales des groupes bancaires dans la bancassurance. Or son cabinet se restreint à comptabiliser les opérations réalisées au guichet des banques et auprès des conseillers en gestion de patrimoine et banques privées intégrées aux groupes. Exemple : « quand Fortuneo (banque en ligne du groupe Crédit Mutuel Arkéa, NDLR) distribue des contrats d’assurance-vie gérés par Suravenir (assureur du même groupe, NDLR), pour nous, ce n’est pas de la bancassurance, mais ça l’est pour la FFSA », explique Cyrille Chartier-Kastler.

Quelle que soit la méthodologie, les banques restent tout de même les principaux distributeurs d’assurance-vie. Une domination qui ne s'appuie pas sur des rendements plus élevés. Le baromètre Facts & Figures évoque ainsi un rendement moyen de 2,60% pour les fonds en euros de la bancassurance en 2013, contre 2,81% pour les fonds des contrats distribués par les agents généraux ou salariés de compagnies d’assurance ou 3,22% pour les courtiers et conseillers en gestion de patrimoine indépendants.

Cyrille Chartier-Kastler explique ce paradoxe par la faible culture financière des Français et par la « relation privilégiée » que les banquiers entretiennent avec leurs clients. « Le conseiller bancaire est à la source. Il est au courant d’une augmentation de salaire, d’un héritage, d’une vente de maison ou d’appartement, etc. Il est beaucoup mieux informé que tous les autres acteurs sur les rentrées d’argent », souvent propices à l’ouverture d’un contrat d’assurance-vie, ou à d’importants versements.

Un marché « figé » depuis 6 ans

Selon le président de Facts & Figures, les parts de marché sont restées « relativement figées » depuis 6 ans. Il n'entrevoit d'ailleurs pas de redistribution des cartes à court terme, même s’il ajoute que les flux restent « imprévisibles ».

Une analyse qui n'est évidemment pas partagée par Edouard Michot, responsable d’Assurancevie.com, site revendiquant 3.000 nouveaux clients au cours des douze derniers mois : « La collecte de l’assurance-vie en ligne, c’est +50% en un an, de septembre 2013 à septembre 2014 ! », avance-t-il en refusant de livrer sa source, a priori du milieu de l’assurance. Il précise toutefois qu’il inclut dans son estimation les banques en ligne, dont plusieurs diffusent actuellement à la télévision des publicités faisant la promotion de leur assurance-vie.

Assurance-vie en ligne : « niche » ou engouement ?

Cyrille Chartier-Kastler juge pour sa part que le secteur spécifique de l’assurance-vie en ligne va rester une « niche » limitée aux épargnants les mieux informés. Selon lui, les courtiers 100% web auront du mal à combler leur déficit de notoriété. Son cabinet chiffre à « 2 à 3 milliards d’euros » la collecte annuelle de l’ensemble des acteurs de l’assurance-vie en ligne, banques en ligne comprises, à comparer avec les 118,7 milliards d’euros de collecte brute 2013 annoncée par la FFSA et le Gema.

Edouard Michot, dont le site Assurancevie.com est arrivé il y a moins de 3 ans sur le marché, estime lui qu’en termes de signatures de nouveaux clients, le web est « bien supérieur aux 2% de parts de marché généralement cités », insistant sur l’importance de la « dynamique commerciale ». Mais il n’existe aucune statistique globale sur les souscriptions.

Reste que même dans le secteur spécifique de l’assurance-vie en ligne, les banquiers web seraient dominants selon Cyrille Chartier-Kastler : « En croisant différentes sources, j’évaluerais l’activité réalisée par les banques en ligne à environ 1,5 milliards d’euros. Le reste (des 2 à 3 milliards d’euros précédemment évoqués, NDLR) est fait par des courtiers en ligne de type Altaprofits, Hedios Vie, etc. »

Lire aussi sur le sujet : Assurance-vie : ce qu'il faut savoir avant de souscrire dans sa banque

(1) En parts des provisions mathématiques vie et capitalisation en 2013.

(2) La mesure en termes d’encours offre un résultat similaire, avec 52% de parts de marché pour les banquiers.