Good Value for Money, site internet spécialisé dans la prescription d’assurances vie, a analysé la manière dont les sociétés d’assurance-vie communiquaient sur les rendements de leurs fonds en euros. Les principaux enseignements de cette étude (1), avec Cyrille Chartier-Kastler, le fondateur du site.

Cyrille Chartier-Kastler, pourquoi avoir entrepris ce travail sur la manière dont les assureurs communiquent sur le rendement de leurs fonds en euros ?

« Chaque année, on entre, dès la mi-décembre, dans une guerre des communiqués entre les différents assureurs. Mais ces communications ne sont pas toujours exhaustives : certaines compagnies, par exemple, mettent en avant certains produits, ceux affichant les meilleurs taux, sans donner la base d’encours correspondante. Notre objectif était donc d’objectiver l’écart éventuel entre ce qui ressortait de ces communiqués de presse et la réalité du marché. »

Selon vos relevés, il y a effectivement un écart, de l’ordre de 0,05%, entre les taux moyens affichés dans les communiqués et la réalité. Les assureurs embellissent-ils sciemment les rendements de leur fonds ?

« Il faut d’abord souligner que les informations fournies par les compagnies dans leur communication sont systématiquement exactes. Le point de débat concerne plutôt la complétude de ces informations. En effet, les compagnies communiquent surtout sur leurs produits récents, qui ont des encours plus faibles et sur lesquels il est donc plus facile de servir des rendements élevés (2). Il y a là une forme de surenchère qui perd les épargnants. »

Cette tendance est-elle présente chez tous les assureurs ?

« Non, il y a des nuances. Certains opérateurs, comme les associations d’épargnants ou les filiales des mutuelles sans intermédiaire, donnent en général des informations complètes et pratiquent les mêmes taux pour tous leurs clients, quels que soient leur niveau d’encours ou leur ancienneté. Par contre, on trouve plus fréquemment des taux différenciés chez les assureurs côtés en bourse (Allianz, CNP, Axa, Generali, etc) et chez les filiales des banques de détail. »

On a vu cette année une multiplication des bonus, qui donnent, sous conditions, un coup de pouce à la rémunération des fonds concernés, environ 10% du marché actuellement. D’où vient cette mode ?

« Ces bonus ont été inventés en 2010 par Axa. La concurrence a d’abord attendu la réaction de l’Autorité de contrôle prudentiel (3) , puis s’est lancée à son tour quand il est devenu clair que la pratique des rendements différenciés était parfaitement légale. C’est très astucieux en terme de marketing : cela permet de communiquer sur le rendement maximum possible, alors même que ce rendement ne sera accessible qu’à une poignée d’épargnants qui remplissent certaines conditions d’encours et de pourcentage d’unités de compte. Du coup, le phénomène prend de l’ampleur et tend à se généraliser chez certains opérateurs. »

Autre nouveauté en voie de généralisation, la mise en place de nouveaux fonds en euros, dits « dynamiques », affichant des taux nettement supérieurs aux fonds classiques…

« Oui, ils sont une réponse à la baisse des rendements depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, l’OAT (4) tourne autour de 2,20%: difficile dans ces conditions pour un assureur de servir plus de 2,50% ou 2,60%. Avec les fonds en euros dynamiques, l’assureur peut prendre un peu plus de risques dans ses choix de placements, car il n’y a pas de taux minimum garanti. Cela s’avère payant actuellement, puisque ces nouveaux fonds affichent des rendements moyens supérieurs à ceux des fonds classiques, de l’ordre de 0,63 point en moyenne sur la période 2009–2012. Toutefois, ces fonds concernent surtout une clientèle patrimoniale, prête à prendre le risque d’un rendement nul. Pour le grand public, les fonds en euros standards conservent l’avantage de l’effet de cliquet garanti. »

(1) « Analyse de la politique de communication des sociétés d’assurance-vie concernant les rendements servis sur les fonds en euros », publiée en février.

(2) Selon l’étude, « les produits récents ont délivré en moyenne annuelle un rendement supérieur de 23 centimes à celui des autres produits. »

(3) ACP, organe de régulation du secteur financier dépendant de la Banque de France.

(4) Obligations assimilables au Trésor, titres de dette publique française, très présents parmi les actifs des fonds en euros.