2,2 millions de salariés au chômage technique, partiel ou total, 8 millions en télétravail, sans oublier les milliers d’arrêts pour garde d’enfants et pour les personnes à risque face au coronavirus. La pandémie chamboule le monde du travail et transforme, de fait, votre bulletin de salaire…

Si vous êtes au chômage partiel…

Face à l’épidémie de Covid-19 et face au confinement, 220 000 entreprises ont fait une demande de chômage partiel, ou plutôt d'« activité partielle » pour reprendre la dénomination officielle. Des demandes qui touchent à la fois le restaurant du coin de votre rue, que les clubs de foot les plus huppés (PSG y compris) ! Pour rappel, dans ces circonstances exceptionnelles, toutes les entreprises sont éligibles, et l’Etat indemnise l’activité partielle à hauteur de 70% du salaire brut dans la limite de 4,5 Smic, soit près de 5 5000 euros bruts. Par ailleurs, il est prévu une indemnisation à 100% pour un salarié au Smic à temps plein.

Où le chômage partiel apparaît-il sur votre bulletin ?

« Que l’activité partielle soit totale ou réduite, elle prend la même forme sur le bulletin : une allocation d’activité partielle pour les heures non travaillées », explique Nicolas Jomotte, chef de mission expertise sociale et juridique au sein de BDO, groupe spécialisé dans l’expertise-comptable et les ressources humaines, notamment. Cette ligne s’intègre en bas de bulletin, au-dessus du « net à payer avant impôt sur le revenu ». Une « absence activité partielle » apparaît aussi en haut de votre bulletin, pour retrancher les jours/heures non travaillées du salaire de base.

Les heures travaillées et non travaillées ne sont en effet pas soumises aux mêmes cotisations, comme le détaille Nicolas Jomotte : « L’Etat indemnise – sauf exception - 70% de la rémunération brute, ce qui correspond environ à 84% de la rémunération nette puisque cette allocation n’est pas soumise aux charges, uniquement à la CSG et à la CRDS. » Le montant de l’indemnité activité partielle figurant en bas de votre bulletin est versé par l’employeur et intégré à votre salaire net : l’Etat lui remboursera ensuite ce montant.

Avez-vous le droit à plus de « 70% du brut » ?

Si vous êtes au Smic (ou de façon plus minoritaire si le temps chômé est consacré à la formation), l’indemnisation de l’Etat va dans tous les cas vous permettre de consacrer une rémunération identique à celle d’un mois habituel. Sinon tout dépend de votre entreprise : « Certaines conventions collectives ou accords de branche prévoient un maintien de salaire plus favorable en cas d’activité partielle », souligne Nicolas Jomotte.

Que deviennent vos primes ou autres variables ?

« Si les primes constituent une part importante et régulière de votre salaire (prime d’ancienneté, prime d’astreinte), elles doivent être prises en compte pour établir l’indemnisation des 70% bruts », détaille le chef de mission de BDO. « En revanche, s’il s’agit d’une prime ponctuelle ou exceptionnelle (prime de bilan, 13e mois), elle ne pourra pas être prise en compte dans ce calcul. »

L’impôt à la source est-il prélevé sur cette indemnisation ?

« Vous payerez des impôts sur ces revenus d’activité partielle », confirme Nicolas Jomotte. « Sur le bulletin, la ligne impôt à la source prend donc bien en compte l’ensemble de la rémunération mensuelle. »

Faut-il surveiller le décompte des congés payés acquis ?

Non, rien ne change sur ce point : « Depuis 2013, le chômage partiel est assimilé à une activité effective pour l’acquisition des droit à congés payés », rappelle Nicolas Jomotte, de BDO. En mars, et éventuellement en avril, vous accumulez donc des congés payés de la même manière que d’habitude. Ce principe ne s’applique en revanche pas aux RTT puisque, dans les faits, le contrat de travail est suspendu le temps des heures chômées.

Les ordonnances de mars 2020 ont-elles modifié le bulletin de paie ?

Non, la loi d’urgence, les ordonnances et les textes réglementaires associés ont modifié le cadre de l’activité partielle. Mais ce dispositif existait déjà, de longue date : « Pour de très nombreux salariés, il y aura effectivement une nouvelle ligne sur ce bulletin », confirme Nicolas Jomotte, mais celle-ci n’a « rien d’une nouveauté » : « La seule nouveauté du mois de mars est l’ampleur des salariés concernés. Pour l’activité partielle, ce qui change avec les ordonnances et le décret de mars 2020, c’est les précisions quant au mode de calcul. Il manquait des précisions sur le taux horaire en cas de rémunération variable, pour les heures d’équivalence, ou pour les salariés en alternance par exemple. »

Si vous êtes en arrêt…

Qui vous verse l’indemnisation : Ameli ou votre employeur ?

« Pour les arrêts garde d’enfants et personne à risque, tout dépend de l’employeur », répond Nicolas Jomotte, de BDO. « Une majorité d’entreprise choisit la subrogation : l’entreprise perçoit elle-même les indemnités de la Sécurité sociale et elle maintient la rémunération de son salarié. Mais l’employeur peut faire un autre choix : les indemnités journalières sont directement versées au salarié par la Sécurité sociale, puis le salarié communique le montant à l’employeur, qui verse le complément de salaire sur cette base. Les employeurs choisissent souvent la subrogation car la procédure est finalement plus simple. »

Perdez-vous une partie de votre salaire avec cet arrêt ?

« Pour ces arrêts, il n’y a pas de jour de carence », insiste Nicolas Jomotte. « Votre salaire est maintenu dès le premier jour ! Et la condition d’un an d’ancienneté n’existe plus. » En revanche, ce dispositif ne garantit que 90% de votre salaire net : « Le maintien de salaire au-delà de la Sécurité sociale [90% du salaire net, NDLR], jusqu’à 100% dans certains cas, dépend des entreprises et des accords collectifs. »

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Si vous êtes en télétravail…

Les titres resto et indemnités transport disparaissent-ils ?

« Le télétravail à temps plein permet de conserver un salaire à l’identique », pointe Nicolas Jomotte. « Juridiquement, vous devez toujours bénéficier des mêmes avantages, parmi lesquels les tickets restaurant. Les seuls changements peuvent concerner les indemnités repas et indemnités de transport, qui peuvent être suspendues. »

Quelle que soit votre situation…

Devez-vous guetter d’éventuelles erreurs dans le bulletin ?

Les arrêts « garde d’enfants » et « personne à risque élevé » tout comme l’élargissement du chômage technique sont nouveaux pour vous… comme pour votre employeur ! Faut-il donc rechercher d’éventuelles approximations ? « Oui il faut prêter une attention particulière au bulletin de mars », répond Nicolas Jomotte, de BDO, mais il appelle avant tout au dialogue au sein de l’entreprise : « Mon premier conseil est d’éviter de fouiller sur Internet si vous avez des interrogations ! Tout simplement car la réglementation a fortement évolué et les informations trouvées risquent d’être caduques. Le premier réflexe en cas de souci est d’en parler avec votre employeur. »

Votre fiche de paie sera-t-elle prête plus tard que d’habitude ?

Peut-être, comme le confirme le chef de mission, en témoignant de la situation des entreprises clientes de BDO : « Oui il peut y avoir du retard dans l’édition des bulletins, car la législation est complexe, et les employeurs sont aussi dépendants de l’administration pour le chômage partiel. Nos clients ont fait beaucoup d’acomptes, pour finaliser le bulletin de mars quelques jours plus tard, ceci dans un objectif de fiabilité et de sécurité du traitement de la paie. » Comment allez-vous recevoir ce bulletin, à distance ? De nombreuses entreprises communiquent les bulletins de façon dématérialisée. Les clients de BDO disposent par exemple d’un « coffre-fort numérique ». Si un tel dispositif n’existe pas dans votre entreprise, il reste deux options : l’email ou le courrier. « Pour l’envoi par email, attention au RGPD » (règlement général sur la protection des données), alerte toutefois Nicolas Jomotte. « Le bulletin doit être crypté. Sinon il reste l’envoi postal mais les délais sont rallongés… »