La banque est-elle déjà entrée dans une nouvelle ère ? Annoncé de longue date comme une révolution, l’« open banking » commence à être mis en œuvre par les établissements financiers. Elisabeth Chang, consultante pour le groupe Square, explique en quoi le « chamboulement » a débuté.

Bien que les banques traditionnelles semblent frileuses à l’idée d’ouvrir les données financières de leurs clients à des tiers comme les fintechs, elles ont conscience que l’open banking favorise l’émergence d’offres personnalisées au service des consommateurs. Un chamboulement dans le secteur bancaire, qui jusqu’alors était cloisonné.

L’open banking pour personnaliser les services bancaires

Véritable mine d’or jusqu’à présent peu utilisée dans le secteur bancaire, la donnée permet d’avoir une connaissance enrichie des besoins des utilisateurs afin de personnaliser les services et répondre à leurs attentes.

De surcroit, selon une étude menée par Accenture en 2017, plus de deux tiers des clients ont déclaré être prêts à ouvrir l’accès à leurs données bancaires pour bénéficier de services personnalisés.

« Nous avons besoin de services bancaires. Nous n’avons plus besoin de banques » (1). A l’heure de la transformation digitale impulsée par l’open banking, cette citation de Bill Gates semble plus vraie que jamais : les services bancaires ont d’autant plus de valeur lorsqu’ils s’ouvrent à des services extra-bancaires.

« Mieux cibler les attentes des clients pour leur proposer des services innovants »

En effet, le partage de données avec d’autres acteurs financiers permettra de mieux cibler les attentes des clients pour leur proposer des services innovants et personnalisés. Par exemple, en étudiant le comportement financier des consommateurs, elles pourraient affiner les analyses de risque dans l’octroi de crédit.

« Beyond banking » : des services au-delà du métier bancaire

Avec l’avènement de l’open banking, les consommateurs peuvent gérer plus facilement leurs finances par eux-mêmes, contrôler davantage leurs dépenses et avoir accès à des services bancaires ou extra-financiers mis à disposition par leurs banques. C’est le cas d’ING avec son offre ING+ deals permettant à ses clients de bénéficier de réductions auprès de grandes enseignes partenaires telles que Booking.com ou Expedia.

Dans cette logique dite « beyond banking » (« au-delà de la banque »), qui vise à montrer à leurs clients qu’elles ne sont pas que des établissements financiers, les banques doivent accompagner le client tout le long de son parcours en anticipant ses besoins en amont et en aval.

Certaines banques traditionnelles l’ont d'ailleurs bien compris et optent pour des modèles auxquels se greffent des services extra-bancaires permettant d’étendre leurs offres de services personnalisés afin de garder la main sur la relation avec leurs clients. Alors que certaines ont multiplié les partenariats, d’autres ont créé leur propre fintech pour satisfaire les nouveaux usages des consommateurs en quête de simplicité, rapidité et transparence.

Crédit Agricole, Max, Franfinance : des précurseurs ?

Premier à avoir innové en la matière, le Crédit Agricole a lancé son CA store, plateforme de co-création entre ses clients et des start-up partenaires visant à imaginer les applications digitales de demain. Plus récemment, c’est la filiale de la Société Générale, Franfinance, qui s’est alliée à la fintech Yelloan pour proposer des solutions de crédit en ligne via un agent conversationnel, Yello, qui accompagne l’utilisateur dans sa demande de crédit. Max, fintech du Crédit Mutuel Arkéa et assistant virtuel financier, pousse des suggestions personnalisées en fonction du profil client. Elle leur propose par exemple des renégociations de crédit en fonction des taux d’intérêt ou des placements alternatifs au livret A.

« Pour ne pas disparaître, les banques doivent s’adapter »

A l’instar de l’industrie musicale, qui a connu une profonde mutation ces dernières décennies avec l’arrivée du numérique bouleversant le modèle économique et favorisant la naissance des plateformes musicales, on assiste à une mutation du modèle bancaire. Pour ne pas disparaître, les banques doivent s’adapter. Grâce à l’open banking, elles pourraient proposer, par exemple, des solutions innovantes telles que l’intégration de plateformes de crédit reliées à un site d’agences immobilières permettant d’améliorer la souscription de prêts afin d’asseoir leur positionnement concurrentiel.

Et pourquoi pas imaginer dans un second temps l’échange de services entre les banques elles-mêmes afin d’offrir plus de flexibilité et créer de la valeur pour le client, lui permettant par exemple de se voir proposer une offre de crédit plus intéressante chez une banque concurrente ?

(1) « We need banking. We don’t need banks anymore. » Bill Gates, 1997.

Elisabeth Chang, consultante chez Square
© 2019 Elisabeth Chang

Elisabeth Chang est consultante marketing bancaire chez Square, un groupe international de conseil en stratégie, organisation et conseil opérationnel.