La fin d'année approchant, vous allez bientôt vous confronter à l'exercice tant redouté de l'entretien annuel. L'occasion probablement de parler salaire et augmentation. Voici les conseils d'une professionnelle du recrutement pour mener à bien les négociations.

Virginie Foyard

Virginie Foyard est directrice associée chez Robert Half, un cabinet de recrutement spécialisé, qui publie chaque année une étude sur les rémunérations moyennes par type d'emploi.

Est-il vraiment possible pour un salarié de négocier son salaire ?

Virginie Foyard : « Oui, évidemment. Pour une entreprise, la rémunération est un levier pour attirer et conserver les bons éléments. Cadre comme personnel non encadrant, à partir du moment où un salarié est investi dans son travail et donne le meilleur de lui-même, son employeur va essayer de le garder le plus longtemps possible dans ses équipes. Et cela passe par le salaire. Évidemment, certains profils recherchés disposent de davantage de marge de manœuvre. Actuellement, il est indéniablement plus facile de négocier sa rémunération quand on est informaticien, comptable ou que l’on travaille dans la finance. »

Quel est le bon moment pour demander une augmentation ?

Identifiez la fenêtre de tire. Elle dépend des habitudes de votre employeur

V.F. : « Cela dépend des entreprises. Chez Robert Half, par exemple, il est possible de demander une revalorisation salariale tous les trois mois, lors du bilan trimestriel où salariés et managers passent en revue les temps forts. Mais, globalement, l’entretien annuel est souvent le moment adéquat pour parler rémunération. Le salarié doit identifier la pratique au sein de son entreprise et éviter de solliciter son manager en-dehors de ce temps dédié. »

Le mieux est donc d’attendre l’entretien annuel et de ne pas profiter d’un récent succès pour renégocier sa rémunération ?

Préparez des arguments précis et factuels

V.F. : « Le problème de l’entretien annuel est qu’il ne se déroule qu’une fois par an… Résultat, il se peut qu’arriver l’entretien annuel, les réussites soient un peu loin dans la tête du manager, voire amoindries par un coup de mou ultérieur. D’où l’intérêt de bien préparer en amont cette entrevue. Objectif : être capable d’argumenter et de rapporter précisément ses points forts et en quoi sa contribution a été capitale pour son équipe et la société. Et si l’on ne souhaite pas attendre, il faut demander une augmentation après un événement notable. Cela peut être le recrutement d’une nouvelle équipe, la formation de nouveaux salariés ou encore l’obtention d’un nouveau diplôme. »

Sans réussite majeure durant l’année, doit-on donc renoncer à demander une revalorisation de sa rémunération ?

Le savoir-être est un atout à ne pas oublier

V.F. : « Vous n’avez pas forcément besoin d’avoir accompli de grandes choses, d’avoir fait progresser le chiffre d’affaires de 50% pour prétendre à une augmentation. Mais si vous voulez être à l’aise dans la négociation, il faut toujours avancer des éléments factuels qui attestent qu’au quotidien vous apportez votre pierre à l’édifice. Dans un contexte morose pour l’entreprise ou pour votre équipe, cela peut être de rappeler que vous avez contribué à maintenir une bonne ambiance en organisant des sorties et des moments de convivialité entre collègues. Le savoir-être est aussi important que le savoir-faire ! »

3%, 5%, 10%... Quelle augmentation est-il convenable de demander ?

Votre demande doit rester cohérente avec le salaire de marché

V.F. : « La règle courante dit qu’il faut toujours proposer plus pour avoir moins. Maintenant, il faut rester réaliste, parce que si la demande est excessive, par rapport à votre propre valeur ou par rapport à la situation financière de l’entreprise, vous risquez de vous décrédibiliser. C’est pourquoi avant de faire une proposition, il faut se renseigner sur le niveau de rémunération pratiqué par la concurrence. Ce salaire de marché est ensuite à appréhender au regard de votre propre situation. Si vous avez des compétences techniques précieuses comme la maîtrise de logiciels ou de langues étrangères, ou si vous avez plusieurs années d’expérience, ce sont autant d’éléments qui peuvent justifier que votre salaire soit supérieur à la moyenne. »

Est-il également possible de se référer à la rémunération de ses collègues ?

Demandez à vos collègues combien ils sont payés...

V.F. : « C’est la base. Connaître le niveau de salaire de ses collègues et se baser dessus est le meilleur moyen de formuler une proposition crédible. Mais cette connaissance n’est pas toujours évidente à obtenir. Tout le monde n’est pas forcément à l’aise pour livrer le montant indiqué en bas de sa fiche de paie, notamment en France où le sujet de la rémunération reste le plus souvent tabou. »

Peut-on clairement mentionner à son responsable les inégalités de rémunération pour justifier sa demande d’augmentation ?

... Mais ne le dites pas à votre manager

V.F. : « Il faut absolument éviter la comparaison avec ses collègues. Pour moi, c’est l’argument de la dernière chance à sortir en ultime recours. Il faut d’abord mettre en avant sa propre valeur et les tâches accomplies. Car la différence de rémunération peut tout à fait être justifiée et justifiable par le manager : un diplôme supérieur, une ancienneté plus importante dans l’entreprise ou sur un poste similaire etc. »

Mettre dans la balance sa démission, est-ce une bonne idée pour maximiser ses chances ?

Passer des entretiens ailleurs : une technique efficace mais dangereuse

V.F. : « Souvent, cela n’est pas abordé aussi directement. Le salarié a passé des entretiens et obtenu une proposition d’emploi avec une meilleure rémunération. Et il rapporte la situation à son supérieur. Si l’entreprise souhaite le conserver, elle fait alors une contre-proposition. C’est un grand classique ! Mais une technique dangereuse. Car si l’employeur ne réagit pas, il faut être effectivement prêt à quitter son poste. »

Pour justifier sa progression salariale, faut-il obligatoirement assumer de nouvelles responsabilités ?

Il n'est pas nécessaire de proposer de nouvelles responsabilités

V.F. : « Pas nécessairement, une augmentation ne s’accompagne pas forcément d’une promotion. Déjà parce que pour avoir de nouvelles tâches à assumer, il faut avoir les compétences nécessaires. On peut être bien et bon dans son poste actuel, sans avoir envie de monter dans la hiérarchie, et tout en connaissant une progression salariale. »

Lors de la renégociation, est-ce qu’il y a des choses à ne surtout pas dire ou faire ?

Restez diplomate ! Conservez votre calme et votre sang-froid

V.F. : « Le salaire peut être source de tension et de crispation pour le salarié comme pour l’employeur. Mais vous ne devez jamais vous montrer agressif. Il faut coûte que coûte garder calme et sang-froid. Il faut éviter également de tourner autour du pot. Enfin, ne dévalorisez jamais le travail de vos collègues. »

En cas de refus du manager, comment réagir ? Faut-il proposer une augmentation sous forme de variable, tenter d’obtenir une contrepartie en nature ?

En cas de refus, proposez des compensations alternatives

V.F. : « Complètement. Le manager peut refuser votre augmentation pas parce que vos performances le déçoivent mais parce que sa hiérarchie ne lui débloque pas le budget nécessaire. C’est pourquoi proposer une prime sur objectifs ou une compensation en nature, comme le remboursement de vos frais d’essence ou l’obtention d’une voiture de fonction, peut être une alternative pour améliorer vos conditions salariales. Le refus peut aussi être l’occasion d’avancer sur d’autres aménagements importants pour vous, comme du télétravail. Vous êtes également en droit de manifester votre mécontentement, faire part de votre déception. Mais n’oubliez pas de proposer à votre responsable de rediscuter de votre rémunération dans quelques mois. L’important est d'ouvrir la discussion. »

En résumé,
  • Si vous vous sentez bien dans votre poste et que vous semblez donner satisfaction, osez demander une augmentation.
  • L'entretien annuel est souvent le moment propice, mais cela dépend de la politique de votre entreprise.
  • Côté arguments, soyez factuel mais n'oubliez pas de mettre en avant votre implication au quotidien.
  • Salaires pratiqués chez les concurrents, rémunération de vos collègues... renseignez-vous pour demander une augmentation crédible.
  • Vous pouvez parler des disparités salariales avec votre chef mais uniquement en ultime recours et si vous avez déjà un pied dehors.
  • Si votre manager refuse une revalorisation fixe de votre salaire, proposez-lui une augmentation sous forme de variable voire une compensation en nature.