Le 17 novembre 2018 avait lieu l’acte 1 du mouvement de contestation des Gilets jaunes. Un an après la fronde, quelles revendications ont abouti concernant le pouvoir d’achat des Français ? Bilan.

Si, au départ, le mouvement des Gilets jaunes n’avait semblé se concentrer qu’autour de la question du carburant trop cher, les revendications des manifestants avaient gonflé de semaine en semaine. Au point d’inquiéter Emmanuel Macron et le gouvernement, qui avaient finalement fait adopter des « mesures d’urgence économiques et sociales » en décembre 2018. Dans les faits, quels ont été les points positifs pour le porte-monnaie des Français durant l’année écoulée ?

La revalorisation de la prime d’activité, concernant 4 millions de Français

La prime d’activité, née en 2016 pour remplacer le RSA et la prime pour l’emploi, est versée comme « complément » aux salariés dont le revenu est modeste. Suite au mouvement des Gilets jaunes, la bonification individuelle de cette prime a été revalorisée de 90 euros (montant maximum, le calcul étant soumis à tout un tas de critères) au 1er janvier 2019 pour un salarié au Smic par exemple. Le plafond de revenus pour toucher la prime a aussi été revu à la hausse, ce qui a permis un élargissement à de nouveaux bénéficiaires : +1,3 million au premier semestre 2019 selon un bilan provisoire dressé début mai par le Premier ministre. Edouard Philippe estimait alors que la revalorisation de la prime d’activité représenterait 3 milliards d'euros de pouvoir d'achat redonnés aux actifs modestes sur l’année.

La prime « Macron », reconduite en 2020

En décembre 2018, face à la grogne, les parlementaires votaient également la création d’une prime exceptionnelle défiscalisée (pour les salariés rémunérés jusqu’à 3 600 euros net), versée de façon volontaire par les entreprises, pouvant aller jusqu’à 1 000 euros. Plus de 400 000 sociétés ont joué le jeu de la « prime Macron », avec une moyenne de 400 euros par salarié. Ce qui a représenté 2,2 milliards d’euros de gain de pouvoir d’achat cumulé. On sait d’ores et déjà que cette prime sera renouvelée en 2020 mais ses conditions d’accès ont été revues et il est fort probable que moins de salariés en bénéficient l’an prochain…

Le retour des heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées

Depuis le 1er janvier 2019, les heures supplémentaires des salariés du privé et des fonctionnaires sont défiscalisées et exonérées de cotisations salariales. Entre 2007 et 2012 déjà, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, un dispositif quasiment similaire avait été mis en place. Le gouvernement Philippe a estimé que, pour 6,8 millions d’actifs du privé ayant effectué en moyenne 11 heures supplémentaires sur le premier trimestre 2019, le gain global de pouvoir d’achat a été de 670 millions d’euros (économies de 400 millions d’euros sur les cotisations sociales et de 270 millions d’euros exonérés d’impôt sur le revenu). En moyenne, les salariés concernés auraient obtenu ainsi 98 euros de revenus complémentaires sur chacun des 3 premiers mois de l’année.

Un vrai gain de pouvoir d’achat en 2019 ? L’INSEE répond oui

L’année 2019 sera-t-elle vraiment synonyme de gain de pouvoir d’achat ? Et si oui, les « mesures exceptionnelles » décidées en fin d’année dernière y sont-elles pour quelque chose ? Dans une note de conjoncture publiée en juin 2019 (1), l’Insee répond par l’affirmative à ces deux questions. Elle considère que « le pouvoir d’achat des ménages [progressera] vivement en 2019 » : 2,3% selon ses estimations (contre 1,2% en 2018 et 1,4% en 2017). « La prime exceptionnelle proposée dans le cadre des mesures d’urgence économiques et sociales a stimulé la croissance du salaire moyen par tête nominal dans le secteur marchand non agricole à +1,0% au premier trimestre 2019 ». Sur cette même période, l’institut note que « la vivacité des revenus d’activité s’est accompagnée de la revalorisation et de l’extension des conditions d’octroi de la prime d’activité, de la baisse du taux de CSG pour certaines catégories de revenus, ainsi que de l’exonération d’impôts et de cotisations sociales des heures supplémentaires ». L’INSEE met aussi en avant la poursuite de la réduction de la taxe d’habitation au 3e trimestre pour estimer à 2,3% le gain de pouvoir d’achat annuel. Avec quelles conséquences sur la consommation et l’épargne ? « La consommation des ménages augmenterait à un rythme de l’ordre de 0,4% par trimestre jusqu’à la fin de l’année » tandis que « le taux d’épargne, après un pic à 15,3% en début d’année redescendrait entre 14,7% et 15,0% au second semestre 2019 ».

En avril 2019 déjà, l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) avait estimé que le pouvoir d’achat des Français grimperait de 850 euros en moyenne cette année, dont 440 euros grâce aux mesures prises suite à la crise des Gilets jaunes !

La suppression de la hausse de la CSG pour certains retraités

Gilets jaunes et retraités, même combat. Alors qu’Emmanuel Macron avait décidé une hausse de la CSG sur les retraites (+1,7 point, depuis le 1er janvier 2018), il est finalement revenu en arrière suite à la contestation de la fin d’année. L’augmentation a été annulée pour les retraités qui touchent moins de 2 000 euros par mois, soit 5 millions d’entre eux. Le retour en arrière aurait permis, selon le gouvernement, de redistribuer 1,3 milliard d'euros par an, pour un gain moyen de 450 euros par foyer sur l'année 2019.

Le plafonnement des frais d’incidents bancaires, source d’économies

Fin 2018, suite à une rencontre avec le président de la République, les principales grandes banques françaises s’engageaient à geler leurs tarifs en 2019 et à plafonner les frais d’incidents bancaires à 25 euros par mois pour les clients en difficulté financière. En septembre 2018 déjà, elles avaient également fixé un plafond maximum de 20 euros par mois et de 200 euros par an pour les clients détenteurs de l'offre « clientèle fragile ». Résultat : beaucoup moins d’argent est sorti des poches des clients français pour aller alimenter le chiffre d’affaires de leur banque…

Le prix des carburants légèrement inférieur à l’année dernière

Le premier appel à la mobilisation des Gilets jaunes était essentiellement centré sur une revendication : le prix des carburants, jugé prohibitif et auquel devait s’appliquer une revalorisation de la taxe carbone au 1er janvier 2019 (revalorisation finalement enterrée). Un an après, où en est le cours du gasoil ou de l’essence ? Sur le site Carbu.com, qui recense les prix de vente du carburant dans les stations-service, on note que le 11 octobre 2018, le litre de gazole se vendait à 1,55 euro. Un tarif descendu jusqu’à 1,388 euro le 5 janvier 2019, reparti à la hausse ensuite pour atteindre 1,507 euro le 22 mai. Au 11 novembre 2019, son coût moyen est de 1,466 euro. Concernant le sans plomb 95, après avoir été facturé 1,589 euro le 9 octobre 2018, son tarif a subi la même évolution : baisse jusqu’à fin décembre (1,403 euro) puis remontée jusqu’à 1,608 euro le 22 mai ! Ce lundi, il coûtait en moyenne 1,521 euro à la pompe, soit un peu moins quand même qu’au début de la crise des Gilets jaunes.

Le bilan sur d’autres revendications pécuniaires des Gilets jaunes (2)

  • Baisse du prix des péages : aucune baisse n’a été constatée sur l’année, bien au contraire. Les tarifs des péages avaient augmenté de 1,8% en moyenne au 1er février 2019. Et en février prochain, une nouvelle augmentation de 1 à 1,5% sera appliquée sur les autoroutes.
  • Suppression du nouveau contrôle technique : cette demande est restée lettre morte. Les Gilets jaunes souhaitaient l’annulation de l’alourdissement du contrôle technique automobile, entré en vigueur début 2018 et qui prévoyait plus de points de contrôles sur le véhicule (donc facturé plus cher par les centres de contrôle technique) et de motifs de contre-visites (payantes…).
  • Rétablissement de l’ISF : l’impôt de solidarité sur la fortune, remplacé en 2018 par l’IFI (impôt sur la fortune immobilière), n’a pas fait sa réapparition. Emmanuel Macron avait promis une « évaluation » du nouveau dispositif en 2020. « Si [la suppression de l’ISF] n'est pas efficace, nous la corrigerons », avait-il déclaré lors d’une conférence de presse en avril, à l’issue du grand débat national. Pour l’instant, un premier rapport a estimé que l’impact de cette suppression était encore difficile à mesurer.
  • Augmentation du Smic et revalorisation en conséquence du quotient familial : aucune suite particulière n’a été donnée à ces demandes.
  • Augmentation des retraites : fin septembre, le gouvernement a annoncé la revalorisation des pensions des retraités en 2020. Environ 3/4 des 16,2 millions de retraités devraient voir leur pouvoir d'achat augmenter (mais pas tous dans la même proportion…) tandis que certains seront perdants.
  • Augmentation de l’allocation personnalisée au logement : alors que l’APL avait subi une baisse forfaitaire de 5 euros pour tous et une diminution pour les locataires HLM en 2017, puis un gel des revalorisations en 2018, cette année 2019 n’aura pas été synonyme de hausse de l’aide au logement. En 2020, l’APL verra son mode de calcul revu… avec là aussi des perdants et des gagnants !
  • Refonte proportionnelle totale du barème des droits de succession : le gouvernement a rejeté début janvier l’idée d’une hausse de la fiscalité de la succession.

(1) Note de conjoncture de l’Insee, juin 2019. (2) Une liste d’une quarantaine de revendications avait été envoyée par communiqué fin novembre 2018 aux médias et aux députés par des « porte-parole » des Gilets jaunes