La Caisse d’Epargne et la Banque Populaire ont remis au goût du jour l’assurance emprunteur calculée sur le capital restant dû, mais en y ajoutant une subtilité nouvelle : le lissage de la cotisation avec la mensualité du crédit. Un montage attrayant mais aux effets pervers !

Contracter un crédit immobilier ne signifie pas uniquement rembourser sur plusieurs années la somme empruntée et s’acquitter des intérêts du prêt. La banque demande également de souscrire une assurance emprunteur, payée mensuellement, afin qu’en cas de décès de l’emprunteur, d’invalidité voire de perte d’emploi, l’assureur rembourse à sa place tout ou partie des échéances restantes. Pour fixer la cotisation de l’assurance, il existe deux modes de calcul, l’un basé sur le capital emprunté initial (CI), l’autre sur le capital restant à rembourser (le capital restant dû ou CRD). L’assurance sur CI est plus répandue. Dans ce cas, l’assureur applique un taux sur le montant emprunté, pour obtenir la prime annuelle, puis la divise par 12 pour obtenir la cotisation mensuelle. Résultat, la mensualité de l’assurance reste fixe pendant toute la durée du prêt immobilier.

En revanche, avec une assurance calculée sur le capital restant à rembourser, la cotisation mensuelle diminue au fil du temps. C’est pourquoi on parle d’assurance dégressive. En effet, à chaque mensualité de crédit payée, le capital devant encore être remboursé baisse. Ce montant sert d’assiette de prélèvement pour l’assurance. Par conséquent, à mesure que l’emprunteur rembourse son prêt, la prime d’assurance diminue. Il peut arriver que périodiquement, tous les ans ou tous les 5 ans par exemple, la mensualité d’assurance ré-augmente légèrement, avant de décliner à nouveau. Cela vient du fait que les compagnies appliquent parfois un calcul qui tient compte de l’âge de l’emprunteur, et du risque grandissant d'un souci de santé.

L’assurance emprunteur dégressive remaniée par BPCE

Crédit et assurance sont imbriqués dans une mensualité unique et fixe

Cette prime de risque n’est pas présente dans l’assurance emprunteur dégressive lancée courant 2018 par le groupe BPCE (Banque Populaire-Caisse d’Epargne). En revanche, ce contrat bancaire comporte sa propre spécificité : imbriquer le remboursement du prêt immobilier avec l’assurance et lisser l’échéance globale. Résultat, l’emprunteur est débité chaque mois d’une même et unique mensualité qui intègre l’amortissement du capital, les intérêts et l’assurance. Sans ce lissage, l’assurance dégressive s'ajouterait aux échéances fixes de l’emprunt et les premières mensualités cumulées seraient plus onéreuses.

De fait, cette formule lissée a, a priori, plus de chance de faire mouche auprès des emprunteurs. Si les assurances sur CRD classiques se font rares, c’est parce qu’elles s’adaptent plus difficilement à la réalité financière des ménages. Au fil des années, ces derniers s’attendent en effet à voir leurs revenus progresser et leur capacité de remboursement croître. Dans cette optique, pourquoi se serrer aujourd’hui la ceinture en payant plus d’assurance, alors qu’avec une échéance constante le coût du crédit est mieux réparti dans le temps ! D’après nos informations, c’est justement les difficultés à vendre ces assurances emprunteurs dégressives (sans lissage) qui ont conduit plusieurs banques, dont BNP Paribas et LCL au tournant des années 2000, à renoncer aux contrats sur CRD.

Comme expliqué ci-dessus, les primes d’assurance plus onéreuses au début du prêt sont inhérentes à la méthode de calcul de l’assurance sur CRD. Mais cela ne signifie pas que sur la durée de vie totale du crédit, l’assurance à cotisation dégressive soit fatalement plus chère que celle calculée sur le capital initial. Si l’emprunteur va au bout du remboursement, à mensualité globale identique, un prêt avec une assurance sur CRD et un prêt avec une assurance sur CI auront un coût identique. En pratique même, les emprunts immobiliers avec assurance dégressive sont souvent assortis d’un TAEG plus faible… Le TAEA (part de l'assurance dans le TAEG) proposé étant dans ce cas plus bas qu’avec une assurance à primes fixes.

La double peine en cas de remboursement anticipé

L'emprunteur lésé par l'amortissement ralenti du capital

Mais cette comparaison est valable uniquement si l’emprunteur va au bout de son crédit, ce qui est rarement le cas. En effet, si les Français prennent le plus souvent leur prêt immobilier sur 20 ou 25 ans, ils soldent en moyenne leur emprunt au bout de 8 à 10 ans. Soit parce qu’ils revendent pour acheter plus grand. Soit parce qu’ils renégocient leur emprunt. Soit, encore, parce qu’une importante rentrée d’argent leur permet de rembourser en avance tout ou partie de leur crédit. Le problème, c’est que solder plus rapidement que prévu son prêt est moins intéressant avec une assurance dégressive. Les primes étant rehaussées au début, l’emprunteur au moment d’effectuer son rachat anticipé aura de fait payé plus cher d’assurance que s’il avait opté pour une couverture classique.

Cet effet délétère est décuplé avec un montage lissant la mensualité de crédit et l'assurance dégressive. Car, pour réussir à proposer une mensualité globale constante, la formule proposée par BPCE joue sur le remboursement du prêt ou, dans le jargon bancaire, sur l’amortissement du capital. Il s’agit de la part de la mensualité du prêt (hors assurance) qui sert à rembourser la somme initialement prêtée par la banque… L’autre partie correspondant aux intérêts. Pour faire simple, avec le crédit immo lissé de BPCE, l’emprunteur paie au début beaucoup d’assurance et rembourse peu son emprunt. Résultat, les premières années, le capital restant à rembourser diminue moins rapidement. Puis, à mesure que la prime d’assurance décline, le capital amorti croît de plus en plus vite.

Quelles conséquences financières ? Illustration avec les simulations fournies par Magnolia.fr, basées sur un emprunt de 250 000 euros sur 25 ans au taux nominal de 1,50%. Ce courtier a été le premier à mettre en avant l’effet pervers du montage de BPCE. Au bout de 8 ans de remboursement, le capital restant dû atteint 190 000 euros dans le cas du crédit lissé, contre 180 000 euros avec un prêt amortissable classique. Autrement dit, le client a remboursé 10 000 euros de moins avec le crédit de BPCE pour un même taux nominal.

Ainsi, en cas de remboursement anticipé, non seulement la somme restant à rembourser à la banque est plus importante, mais en plus les indemnités de rachat anticipé, proportionnelles au capital restant dû, seront mécaniquement plus élevées. De quoi décourager les clients souhaitant renégocier leur crédit. Contacté à plusieurs reprises par MoneyVox, BPCE n'avait toujours pas répondu au moment de publier cet article.

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