Dilemme des débuts ou fins de mois... Devez-vous laisser l'intégralité de votre salaire sur votre compte bancaire ? Prévoir un matelas encore plus important pour anticiper les découverts ? Voici une règle clé et 5 conseils pour éviter les mauvaises surprises.

Crise ou pas crise ? Côté pile, les Français détiennent toujours plus de 16 500 euros, en moyenne, par ménage, sur leurs comptes courants. Une moyenne ébouriffante qui s'explique surtout par une minorité de très gros portefeuilles... Côté face, l'année 2023 est sur la lignée de 2022 marquée par une forte inflation, si bien qu'un Français sur trois a vu son compte virer au rouge ces derniers mois.

6 conseils pour éviter de finir le mois à découvert avec l'envolée des prix

Entre des comptes gonflés à bloc et d'autres s'enfonçant dans le rouge, comment trouver le juste milieu ? Amasser des dizaines de milliers d'euros sur un compte à 0% a peu d'intérêt. Et il faut dans tous les cas éviter le découvert imprévu synonyme d'agios. Où et comment situer le curseur ?

Règle clé : calculer vos charges récurrentes et votre « reste à vivre »

La règle de bon sens vise à couvrir les dépenses mensuelles : identifier les dépenses récurrentes, calculer les montants octroyés chaque mois à vos différents postes budgétaires, à l'aide de votre relevé bancaire, et calculer ainsi le montant à conserver sur votre compte pour vous permettre de passer un mois sans inquiétude.

Cela nécessite d'établir votre « reste à vivre ». Le principe : soustraire les charges fixes et les remboursements de crédit du montant total de vos ressources mensuelles. Dans les charges fixes, veillez à être exhaustif : loyer éventuel, électricité, eau, chauffage, abonnements internet et téléphone, impôts, assurances, mutuelle, transport, frais de garde et de scolarité... Pour anticiper au mieux ces dépenses, il est conseillé de les mensualiser.

Comment calculer vous-même votre « reste à vivre »

Ce reste à vivre doit ensuite vous permettre de couvrir les dépenses d'alimentation, de vêtements, de loisirs, etc. L'argent conservé chaque début de mois sur votre compte courant doit ainsi, d'une part, couvrir les charges mensuelles et, d'autre part, être suffisamment élevé pour que le reste à vivre soit à la hauteur de vos dépenses habituelles en nourriture, habillement et loisirs.

Des outils pour calculer votre reste à vivre

Le reste à vivre peut être calculé « à la main » ou via des applications dédiées. Dans le panel des solutions sans but lucratif, la fédération de lutte contre le surendettement Crésus a élaboré l'appli « Budget Grande Vitesse » (BGV) : gratuite et sécurisée, elle nécessite de s'inscrire et de connecter vos comptes. Pour les gestionnaires les plus avisés, le logiciel libre KmyMoney séduit de longue date de nombreux forumeurs de MoneyVox. Plus simple et « grand public », puisque sans nécessité de connecter vos comptes, l'application PiloteBudget (sur Google Play ou iTunes) est là encore gratuite, proposée par l'Ansa (2), et se concentre sur le calcul du budget hebdomadaire, mensuel, et le reste à vivre.

Conseil n° 1 : garder un mois de salaire de côté pour vous simplifier la vie

La méthode « standard » vise donc à calculer ses charges récurrentes, le montant habituel des dépenses non récurrentes (alimentation, loisirs...), et à démarrer chaque mois avec au minimum la somme correspondante. Bref : un mois de dépenses.

Vous préférez éviter les calculs ? Démarrez chaque mois avec au minimum un mois de revenus en écoulant ce pécule au fil du mois. Mais attention, cette solution ne convient pas aux ménages aux revenus fluctuants : professions libérales, activités indépendantes, associés de sociétés, etc. Elle ne convient pas non plus si vous êtes régulièrement dans le rouge en fin de mois : mieux vaut dans ce cas prévoir un matelas supplémentaire.

Conseil n°2 : maintenir en permanence un matelas suffisant pour éviter le découvert

Au-delà de la somme à garder en début de mois, vous pouvez vous fixer une barre « virtuelle » sous laquelle vous ne devez pas tomber. La plupart des applis bancaires permettent d'ailleurs de générer une alerte SMS quand vous tombez sous un solde défini, et mieux vaut définir un seuil autre que zéro !

Exemple : conserver au minimum un matelas équivalent à celui de votre autorisation de découvert. Vous avez un découvert autorisé de 500 euros ? Maintenez votre solde bancaire à +500 euros. Un matelas à conserver en permanence, donc, pas uniquement en début de mois. Objectif : éviter à tout prix le découvert, même autorisé, qui ne doit être utilisé qu'en dernier recours. Ce matelas de sécurité a ainsi vocation à se substituer au coûteux découvert.

Conseil n°3 : pointer les dépenses récurrentes dans le calendrier

Afin de maintenir en permanence votre compte au-dessus de ce solde « seuil » que vous avez vous-même fixé, il faut anticiper les sorties d'argent. Une gestion de budget efficace nécessite ainsi d'identifier les dates de prélèvements ou de virements récurrents, afin d'anticiper les difficultés. Et d'éviter d'émettre trop de chèques, aux dates d'encaissement incertaines.

L'accumulation de découverts pour faire face aux charges courantes ? « Une spirale infernale »

Conseil n°4 : surveiller le solde de votre compte

Une évidence. Veillez à consulter régulièrement le solde de votre compte bancaire. En cas d'imprévu ou de grosse dépense, il faut rapidement alimenter votre compte en piochant dans votre épargne de précaution, si vous en disposez évidemment. Sinon tant que possible décaler les dépenses « souples » ou « facultatives » au début de mois suivant.

Cette vigilance doit vous permettre d'éviter de plonger dans le rouge sans vous en rendre compte. Car « l'accumulation des crédits et des découverts bancaires pour faire face aux charges courantes se vérifie dans la majorité des dossiers [de surendettement] traités », écrit Crésus un rapport récent. « Il s'agit d'une spirale infernale ». Seul remède : anticiper.

Conseil n°5 : épargner, oui, mais pas coûte que coûte

Epargner est évidemment un bon réflexe. Mais à placer au bout du calendrier mensuel ! Si vous touchez 2 000 euros par mois, et qu'il vous reste 200 euros en fin de mois après avoir éclusé toutes vos dépenses, récurrentes ou non, alors vous pouvez épargner ces 200 euros. Car un découvert, même autorisé, coûte plus cher que ce que peuvent rapporter les intérêts d'un placement bancaire.

Si vous mettez en place des versements réguliers vers un produit d'épargne, évitez de vous serrer la ceinture chaque mois pour épargner : dans ce cas il est préférable de verser peu chaque mois, quitte à compléter dès que possible. Enfin, ultime conseil emprunté au réseau Crésus : privilégiez les virements, occasionnels ou récurrents, aux prélèvements, vers vos placements. En cas de difficulté budgétaire ponctuelle, un virement se stoppe bien plus facilement.

Combien faut-il épargner chaque mois, en théorie ?

Risquer un découvert pour éviter de prendre sur votre épargne ? Surtout pas !

Vous arrivez au 25 du mois. Un prélèvement habituel approche... et vous savez qu'il va vous plonger dans le rouge. Faut-il laisser couler ou piocher au plus vite dans votre Livret A (ou LEP, ou autre livret d'épargne de précaution) ? Zéro hésitation : piochez !

Exemple. Même en restant dans votre découvert autorisé, un solde à -1 000 euros du 25 au 31 du mois vous coûtera actuellement 1,34 à 3,80 euros selon les banques. Ou pire en cas de dépassement de l'autorisation. Or, le fait d'avoir temporairement pioché sur votre Livret A rémunéré à 2% n'entraînera un « manque à gagner » que de 84 centimes.

Piocher dans votre Livret A ou creuser votre découvert ? Le match des fins de mois difficiles

Résumons : environ un mois de dépenses (récurrentes et non récurrentes) à conserver sur son compte courant. Ensuite, il est conseillé de placer l'équivalent de 2 à 4 mois de revenus sur le Livret A, le LDDS ou le LEP, pour l'épargne de précaution, disponible à tout moment en cas de coup dur. Au-delà, vous pouvez investir sur des placements à moyen ou long terme (assurance vie, épargne salariale, immobilier, etc.).

Un montant maximum sur les comptes bancaires ?

A la différence d'un Livret A, par exemple, il n'existe aucun plafond réglementaire limitant l'argent que vous pouvez laisser sur un compte courant. En Suisse, en Italie, au Danemark, mais aussi en Allemagne, certaines banques « taxent » les dépôts dépassant un seuil. En France, seule la néobanque N26 a assumé une telle mesure : 0,5% de frais étaient prélevés sur une solde dépassant 50 000 euros sur le compte courant... mais N26 a mis fin à cette pratique fin 2022. La preuve que, suite à la remontée des taux d'intérêt, cette tendance à facturer les comptes trop garnis n'est plus vraiment d'actualité.

(1) Fédération des chambres régionales du surendettement social.

(2) Agence nouvelle des solidarités actives. L'appli PiloteBudget a été élaborée, entre autres, avec l'association Cerise, le Crédit municipal de Paris, Les Clés de la banque (FBF), le portail Mes questions d'argent, etc.