Changer le monde grâce à votre épargne ? Compliqué ! Mais vos placements peuvent tout de même favoriser une économie plus verte. En évitant, tant que possible, le « greenwashing »…

Marche pour le climat, Greta Thunberg à l’ONU, World Clean-up day, rapport du Giec, canicules estivales, « budget vert » de Bercy, COP25… La question climatique est plus que jamais sur la place publique. Elle s’invite aussi dans l’univers de l’épargne via la « semaine de la finance responsable » qui débute le 26 septembre. Si elle vise surtout à promouvoir les fonds d’investissement socialement responsables (ISR), le fléchage écologique des fonds ISR peut paraître extrêmement flou pour le grand public. Existe-t-il des produits permettant d’investir plus concrètement dans des projets « verts » ? Trois propositions concrètes.

1 – Les projets « écologie » de La Nef

Créée en 1988, la coopérative financière de La Nef mène, à son rythme, sa transformation en « banque éthique », en planchant notamment sur son compte courant Nef pour particuliers. En attendant, l’établissement bancaire basé à Lyon propose le Livret Nef et le Compte à terme Nef.

Exemple : financer la boulangerie bio coopérative du Poët-Laval

Les projets financés sont catégorisés en « écologie », « social » et « culturel ». Vous pouvez ainsi choisir l’orientation thématique de votre épargne : un agriculteur en biodynamie, un magasin Biocoop, une société de maraîchage bio, une centrale solaire, etc. Vous pouvez aussi donner tout ou partie des intérêts générés à une association (parmi lesquelles NégaWatt, Sortir du nucléaire, Accueil paysan…). Le livret comme le compte à terme (CAT) offre en outre une garantie en capital : vous êtes sûr de récupérer votre argent, quand vous le souhaitez avec le livret, au terme du placement (1 à 7 ans) pour le CAT.

L’avis des Amis de la Terre : la meilleure solution

« Lorsqu'on nous interroge sur les solutions d’épargne écologique et éthique existantes, La Nef est notre première réponse ! » réagit Lorette Philippot, chargée de campagne « finance privée » aux Amis de la Terre. « Il y a une transparence totale sur l’allocation des fonds collectés : vous savez très précisément où va votre argent. »

2 – Les parts sociales de coopératives « écolos »

Exemple : réhabiliter 2 centrales hydroélectriques dans la Sarthe, avec Energie partagée

Vous appréciez le fournisseur d’électricité renouvelable coopératif Enercoop, le réseau de magasins Biocoop, ou encore la société financière La Nef ? Vous pouvez entrer au capital en achetant des parts sociales, ce qui vous garantit un droit de vote au sein de la société coopérative. La rémunération (ou non) de ce placement dépend de la structure, tout comme les modalités de revente des parts sociales acquises.

L’avis des Amis de la Terre : une solution à favoriser

L’investissement en direct dans des structures coopératives est la deuxième solution mise en avant par le réseau écologiste, derrière les produits d’épargne de La Nef. « Vous pouvez par exemple investir dans la foncière Terre de liens, qui soutient l’installation de paysans en agriculture biologique », souligne Lorette Philippot, « ou dans Energie partagée, qui finance des projets locaux de production d’énergie renouvelable portés par des groupements citoyens. »

3 – Le crowdfunding « écolo »

Le financement des projets énergie renouvelable est devenu l’un des marchés porteurs du crowdfunding, ou plus précisément du crowdlending, le financement participatif sous forme de prêt. Lancé fin 2014 sur le segment transition énergétique, et avec près de 50 millions d’euros prêtés, Lendosphere fait office de précurseur. La plateforme propose le plus souvent d’investir dans des projets de construction de parcs éoliens ou photovoltaïques en investissant en minibons ou obligations, bref en effectuant un prêt indirect aux entreprises à l’initiative du projet. D’autres plateformes ont suivi : Enerfip, ou Lendopolis qui a revu sa stratégie début 2019 en se spécialisant dans les énergies renouvelables.

Voir aussi : Comment investir en crowdlending

Exemple : investir dans les ombrières solaires de Tenergie à Veynes, sur Lendosphere

Dans la catégorie crowdfunding, d’autres plateformes ont un positionnement plus original : BlueBees permet de prêter (ou donner) à des porteurs de projets en agriculture biologique, Lita d’investir (en actions ou obligations) dans des projets « durables » et de proximité (énergie, alimentation bio, transport, etc.). Attention, les investissements effectués sur ces plateformes de crowdfunding sont toujours risqués : vous pouvez perdre une partie de votre épargne ! Et, sauf exception, vous ne pouvez pas récupérer votre capital de manière anticipée, avant le terme du remboursement.

L’avis des Amis de la Terre : savoir faire le tri

« Le financement participatif peut être éthique », réagit de prime abord Lorette Philippot, avant de nuancer : « Il faut bien sélectionner la plateforme et les projets. Certaines plateformes spécialisées dans les énergies renouvelables proposent de financer des opérations du groupe Total. C’est bien que Total fasse du solaire mais le groupe est l’un des plus gros pollueurs de la planète. Et est-ce que Total a vraiment besoin de recourir au financement participatif ? »

Bonus – Les livrets de partage et livrets « verts »

Plusieurs établissements bancaires proposent des « livrets de partage », ou « livrets d’épargne solidaires » : ils permettent de donner tout ou partie des intérêts générés à des associations partenaires de la banque. La plupart de ces associations sont toutefois plus à vocation caritative qu’écologique. Tout dépend alors de l’identité des associations partenaires. Le Livret Agir du Crédit Coopératif propose une trentaine de références, dont WWF, France Nature Environnement ou Echo-Mer. Autre exemple : le Crédit municipal de Nantes a lui ajouté fin août 2019 l’Ecopôle de Nantes au rang des organismes partenaires, ce qui permet aux épargnants nantais de donner tout au partie de leurs gains au « réseau de l’environnement » local. Mais le fléchage de l’épargne se limite ici aux intérêts générés, pas à l’utilisation de l’argent collecté.

Le Crédit Coopératif et la Banque Populaire vont plus loin dans la thématique écologique avec le Livret Codevair : l’épargne collectée sert à financer les prêts Prevair (travaux d’économie d’énergie des logements des particuliers).

L’avis des Amis de la Terre : mitigé…

« Cela pose encore la question du fléchage : vers quels projets est destinée l’épargne ? » réagit Lorette Philippot, sceptique quant à l’utilisation des fonds déposés sur les livrets de partage, de la part des grands réseaux bancaires.

Quid des labels Finansol, ISR ou Greenfin ?

Vous possédez un plan d’épargne salariale, un PEA ou une assurance vie et vous aimeriez orienter votre contrat vers les fonds les plus « verts » ? Difficile de s’y retrouver dans la jungle des fonds d’investissement se revendiquant « responsable », « éthique » ou favorisant la « transition énergétique ». Le « label ISR » officiel, créé en 2016, distingue 220 fonds. Pour Bercy, l’ISR vise à « combiner considérations sociales et environnementales et rendement financier ». Sur le site dédié financeresponsable.org, Les Amis de la Terre estiment que « les placements [ISR] ne diffèrent que marginalement des placements des fonds classiques ».

Le label Finansol distingue lui les « placements d’épargne solidaire ». Un outil pratique : le moteur de recherche de Finansol permet de sélectionner les produits favorisant l’agriculture biologique ou les énergies renouvelables.

« LA » nouveauté ? Le ministère de la Transition écologique et solidaire a lancé mi-septembre 2019 le label Greenfin, en remplacement du peu connu « TEEC ». Ce nouveau label distingue au moment de son lancement 32 fonds, parmi lesquels « Ecofi Agir pour le climat », « Allianz Green Bonds », Sycomore Eco Solution… Pour simplifier, ces fonds doivent privilégier des entreprises tirant une partie de leurs revenus des « éco-activités » : transport non polluant (électrique, hybride…), énergie renouvelable, gestion des déchets, agriculture durable… Là encore, difficile de pointer les actions écologiques concrètes.

Et le Livret de développement durable ?

Attention au faux-ami ! L’utilisation des fonds du Livret de développement durable et solidaire (LDDS) est quasi identique à l’orientation de l’épargne du Livret A (logement social mais aussi des actions, les prêts aux PME…), à ceci près que les banques sont censées consacrer une partie de cette épargne au financement des travaux d’économie d’énergie. Cette obligation ne concerne toutefois que 10% de l’épargne du LDDS gérée par les banques, soit un peu plus de 4% des dépôts sur le LDDS puisque plus de la moitié des encours rejoint le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts. Pour les Amis de la Terre, ce livret « ne mérite pas son appellation » : « Elle fait penser au consommateur qu’il effectue une bonne action », regrette Lorette Philippot, « mais il n’a aucune garantie sur le fléchage de son argent vers le développement durable ! »