La plateforme de crowdfunding October (ex-Lendix) vient de fêter ses 5 ans. Hasard du calendrier, cet anniversaire est concomitant avec sa nomination au Next40, les jeunes sociétés françaises promises à un bel avenir, une distinction à l'initiative du gouvernement. Rencontre avec Olivier Goy, fondateur et patron de la fintech.

October fait partie du Next40, ces 40 start-ups françaises dynamiques, dont le gouvernement vient de dévoiler la liste. Cette distinction est-elle un réel atout pour votre développement ?

Olivier Goy : « Cette récompense a été décernée sur la base d'indicateurs chiffrés précis en termes de levée de fonds, de chiffre d'affaires [supérieur à 5 millions d’euros, ndlr] et de croissance de l’activité [+30% sur les 3 derniers exercices, ndlr]. Sur la base de ces critères, être vu comme une société prometteuse fait évidemment plaisir à l’ensemble de nos équipes. Mais, nous avons encore tant de choses à prouver. Cette distinction est donc surtout un encouragement à aller plus loin. »

Comment allez-vous capitaliser sur cette vitrine ?

O.G. : « Nous sommes en discussion permanente avec des investisseurs institutionnels pour qu’ils viennent prêter sur October. Aujourd’hui, nous collaborons avec des acteurs de premier plan tels que Bpifrance, le Fonds européen d’investissement ou Groupama. Nous espérons que la visibilité offerte par Next40 nous aidera à signer de nouveaux partenariats. Cette distinction va aussi nous permettre d’attirer de nouveaux talents, dans la tech en France ou en Allemagne où l’on ouvre en ce moment même un bureau. Nous comptons aussi sur cet accès facilité à l’administration pour sensibiliser nos dirigeants politiques sur les sujets réglementaires qui vont se jouer au niveau européen. »

October est implantée en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas et depuis cette fin d’été en Allemagne. Était-ce vitale pour votre activité de vous exporter ?

« Le problème du crowdfunding en France, c’est qu’il y avait beaucoup d’acteurs »

O.G. : « Nous sommes 106 collaborateurs, dont seulement 45 à Paris. Notre ancrage européen est effectivement un trait marquant chez nous. Dès notre démarrage, nous avons porté l’ambition de créer un Erasmus du financement et de l’épargne. C’est pourquoi nous permettons à nos investisseurs de prêter à des PME françaises, espagnoles, italiennes, néerlandaises… Cette stratégie favorise aussi les synergies et nous permet de profiter du dynamisme accru du crowdfunding dans certains pays, comme c’est le cas en ce moment aux Pays-Bas. »

Certaines plateformes de crowdfunding, comme Unilend, se sont heurtées à la rudesse du marché français. Qu’est-ce qui coince dans l’Hexagone ?

O.G. : « Le problème du crowdfunding en France, c’est qu’il y avait beaucoup d’acteurs – plus de 60 sur le seul prêt au moment de l’ouverture réglementaire en 2014 - pour une volumétrie très concentrée sur quelques intermédiaires. Sur le segment du prêt aux entreprises, nous sommes ainsi les premiers avec 340 millions d’euros prêtés depuis notre lancement il y a 5 ans alors que le deuxième acteur a prêté environ 50 millions d’euros. Il paraît donc normal que certaines plateformes connaissent des difficultés, d’autant plus que les banques françaises prêtent fortement et très peu chères. »

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Etes-vous aussi affecté par le ralentissement de l’activité en France ?

« Le moral en berne des entrepreneurs après les Gilets jaunes » à l'origine du ralentissement du printemps dernier

O.G. : « Oui, au printemps dernier la croissance du volume prêté a été moins dynamique qu’accoutumée, même si c’est remonté depuis. Il y a plusieurs explications possibles mais probablement le moral en berne des entrepreneurs post-crise des Gilets jaunes en est la principale raison. »

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Après l’Europe, envisagez-vous de traverser la Manche ou l’Atlantique… Les Etats-Unis et le Royaume-Uni, pionniers de la finance participative, ne vous tentent pas ?

O.G. : « Les plateformes de prêt n’évoluent pas dans un marché international mais plutôt multi-local. De la même manière que les géants anglos-saxons ne viennent pas en Europe, on ne veut pas y aller non plus car cela nécessiterait de reconstruire notre base de prêteurs. En effet, nous doutons que ces derniers, à cause du risque de change, accepteraient facilement d’investir en livres ou en dollars. »

Une autre de vos caractéristiques est de faire cohabiter investisseurs institutionnels et particuliers - et vous avez été accusé pour cela de trahir l’esprit du crowdfunding. Les premiers n’empiètent-ils effectivement pas trop sur les derniers ?

O.G. : « Notre métier n’est pas de faire du crowdfunding au sens littéral du terme mais de financer des PME. Sur les 340 millions précédemment évoqués, 30% ont été apportés par des épargnants [quelque 100 millions, ndlr]. C’est donc plus que la totalité de l’argent transitant sur les plateformes purement « crowd ». Mais, même si c’était moins, on s’en moque un peu. Notre métier est de faciliter le financement des entreprises, pas de lever de l’argent auprès de tel type ou tel type d’investisseur. »

Vous restez d’ailleurs bien mystérieux sur vos propres performances…

« Peu d’industries sont aussi lisibles » que la finance participative

O.G. : « Je ne crois pas. La transparence sur nos performances est de mise. Vous avez même accès mensuellement à nos statistiques complètes depuis notre page d’accueil. Peu d’industries sont aussi lisibles. Concernant la société October elle-même, nous ne sommes pas rentables car accroitre notre présence en Europe nécessite de lourds investissements. Mais nous sommes suffisamment financés pour y faire face. En atteste notre dernière levée de fonds de 32 millions d’euros en juin 2018 [October a levé depuis son lancement plus de 51 millions d’euros en 3 tours de table, ndlr]. Nous ne communiquons pas sur notre chiffre d’affaires. Mais il est facile d’en connaître une approximation. Vous connaissez le montant que l’on a prêté [111 millions d’euros pour 2018, ndlr] et le pourcentage que l’on prélève [3% du montant emprunté, soit un chiffre d’affaires d’au moins 3,3 millions d’euros. Mais, October tire aussi une partie importante de ses revenus à chaque échéance remboursée par les PME, au travers d'une commission sur le capital restant dû, ndlr]. »

Le prêt participatif étant un investissement risqué, accompagnez-vous vos épargnants particuliers dans le choix des projets qu’ils financent ?

O.G. : « Les investisseurs constituent eux-mêmes leurs portefeuilles de prêts sur la base des entreprises que nous référençons. En amont néanmoins, nous les sensibilisons sur l’importance de diversifier leurs placements. Cela ne signifie pas seulement miser sur des dizaines de dossiers différents, mais également prêter à des maturités différentes et s’exposer à des entreprises de secteurs d’activités et de zones géographiques variés. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons fait le choix d’être une plateforme généraliste. »

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