Dans une récente décision adressée à Bouygues Telecom, dont MoneyVox a pris connaissance, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, rappelle que refuser un client en raison de ses coordonnées bancaires est une forme de discrimination. L’opérateur mobile a promis de rectifier le tir.

Au point de départ de cette décision, 16 réclamations déposées par des consommateurs. Tous ont en commun d’avoir voulu ouvrir une ligne chez l’opérateur de téléphonie Bouygues Telecom, et d’avoir essuyé des refus en raison de l’IBAN fourni pour domicilier le prélèvement du forfait : 15 parce que leur compte était détenu par une banque étrangère, quoique située dans l’espace unique de paiement en euros (SEPA) ; un parce qu’il s’agissait d’un compte Nickel.

Le Défenseur des droits rappelle que le cadre réglementaire impose à tous les créanciers d’accepter les coordonnées bancaires des consommateurs résidant dans la zone SEPA, « sans que la localisation de sa domiciliation bancaire dans l'Union européenne y fasse obstacle ». En clair, un organisme français, qu’il soit d’ailleurs une administration ou une entreprise privée, doit être en mesure d’opérer des virements ou des prélèvements sur n'importe quel compte détenu dans n’importe quel pays de la zone SEPA (1), sous réserve que le paiement soit effectué en euros.

Ce principe a encore été rappelé, mardi 10 septembre, par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et le Centre européen de la Consommation.

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Une solution prochainement déployée chez Bouygues

Pourtant, plus de 5 ans après la fin de la mise en place du SEPA, ses principes ne sont pas encore appliqués partout, et pas seulement chez Bouygues Telecom. Le Défenseur des droits explique en effet avoir été « saisi de nombreuses réclamations similaires (…), qu’il s’agisse d’opérateurs de téléphonie mobile ou d’autres prestataires de services privés comme publics ». Le problème est d’autant plus sensible que le nombre de Français équipés de comptes bancaires étrangers grandit. C’est le cas, par exemple, des centaines de milliers de clients des néobanques N26 (basée en Allemagne) et Revolut (Royaume-Uni).

« La majorité des réclamations », poursuit la décision, du Défenseur « a pu trouver une issue amiable, qu’il s’agisse de solutions de paiement alternatives ou de la modification des outils informatiques pour permettre le prélèvement SEPA sur tous les comptes, quelle que soit la domiciliation bancaire des personnes ».

Bouygues Telecom, de son côté, a expliqué au Défenseur des droits que le problème était d’ordre informatique. « Il s’agissait d’une incapacité de notre système et non d’une discrimination à l’encontre de certains clients », nous a confirmé la communication de l’opérateur. La situation serait toutefois en passe d’être réglée selon l'opérateur : « Notre système informatique sera mis à jour d’ici fin septembre pour prendre en compte les IBAN européens de la zone SEPA (…).

Les clients Nickel discriminés ?

Cette solution à venir, toutefois, ne concerne que le cas des IBAN étrangers. Quid des difficultés de certains clients Nickel à ouvrir une ligne Bouygues Telecom ? Il ne s’agit pas, en effet, d’un problème de coordonnées bancaires : filiale de BNP Paribas, Nickel fournit des IBAN français à ses clients. Dans sa décision, le Défenseur des droits y voit plutôt la conséquence de « présupposés quant à [la] fragilité financière » de ses clients. Ouvert à tous sans conditions de revenus, Nickel, distribué en bureaux de tabac, se pose en effet en recours pour les personnes en situation d’exclusion bancaire.

Dans sa réponse adressée à MoneyVox, Bouygues Telecom explique que les comptes Nickel affichent un « taux de rejet [de prélèvement] très important ». L’opérateur annonce également « être en discussions » avec les dirigeants du compte de paiement, « pour essayer de faire baisser ce taux de rejet ». Il affirme également accepter « les comptes Nickel pour la souscription d’un forfait B&You [son offre d'entrée de gamme, sans engagement et sans mobile inclus, NDLR]. Si ce client veut migrer vers une offre Sensation [forfait avec téléphone, NDLR], il le peut également avec son compte Nickel. »

Marie Degrand-Guillaud, directrice déléguée de Nickel, confirme de son côté la tenue d’échanges avec Bouygues Telecom. Mais elle se réjouit aussi, « sur le fond », de la décision du Défenseur des droits, qui a le mérite de « remettre les choses au clair : discriminer un client en raison de sa banque, c’est illégal ».

(1) La zone SEPA comprend les 28 pays de l’UE, ainsi que l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège, la Suisse, Monaco et Saint-Marin.