+5,9% au 1er juin, puis +1,23% au 1er août : les tarifs réglementés de l’électricité, qui concernent environ 25 millions de foyers français, ont subi un gros coup de chaud cet été. Une inflation souvent mis en regard avec le niveau des taxes pesant sur les factures, de l’ordre de 36%. A quoi servent ces taxes, et à qui profitent-elles ? Expliquent-elles ces hausses ? Et faut-il faire baisser la pression fiscale ?

Un tiers pour l’acheminement, facturé aux fournisseurs quels qu’ils soient ; un tiers pour la production et la commercialisation ; et un (gros) tiers pour les taxes. C’est, à grands traits, la répartition des postes de coût couverts par les factures d’électricité au 1er trimestre 2019, selon l’Observatoire publié par la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Plus précisément, la fiscalité représente en moyenne 36% du montant réglé par les usagers particuliers. Un niveau qui impressionne et interroge : c’est certes moins que les carburants - environ 60% du prix à la pompe - mais beaucoup plus que l’immense majorité des biens de consommation.

Pour connaître le détail de ce que que vous payez, il suffit de vous reporter à votre facture. Vous y trouverez la mention de 3 taxes spécifiques et d'une autre bien connue :

  • la Contribution tarifaire d’acheminement (CTA), qui représentait au 31 mars 2019, selon la CRE, 3% de la facture d’électricité au tarif réglementé TTC pour un client résidentiel ;
  • les Taxes sur la consommation Finale d’électricité (TCFE), 5% de la facture ;
  • la Contribution au service public de l’électricité (CSPE), 13% de la facture ;
  • la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui pèse à hauteur de 15%.
Postes de coût couverts par les factures d'électricité au 1er trimestre 2019
Source : CRE

A quoi servent les taxes qui pèsent sur l’électricité ?

Ce qui n’apparaît en revanche pas sur votre facture, c’est à quoi servent ces taxes, qui les paye et qui en bénéficie.

La Contribution tarifaire d’acheminement (CTA), perçue sur le prix de l’abonnement, est destinée à financer le régime de retraite spécifique des agents des industries électriques et gazières. Elle est donc touchée par EDF et ses filiales RTE (en charge du réseau) et Enedis (en charge de la distribution), mais aussi par Engie (ex Gaz de France) et par GRDF (Gaz réseau distribution France).

Les Taxes sur la consommation finale d’électricité (TCFE) sont perçues par les communes et les départements, qui en fixent également le montant, dans certaines limites. En 2019, la fourchette pour les particuliers va ainsi de 1,5 à 9,56 euros par mégawatt-heure (MWh). Le poids précis des TFCE dépend donc du lieu d’habitation, même si l’essentiel des collectivités appliquent le niveau maximum autorisé.

La Contribution au service public de l’électricité (CSPE) est perçue par les Douanes et intégrée, en tant que recette, au budget de l’Etat, qui l’utilise, notamment pour financer les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, le chèque énergie ou encore le médiateur national de l’énergie, organisme indépendant chargé d’informer le public et de résoudre les litiges avec les entreprises du secteur. Son montant s’élève à 22,5 euros HT du MWh.

La Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), enfin, s’applique à hauteur de 5,5% sur l’abonnement (et donc également sur la CTA) et de 20% sur la consommation (et donc aussi sur les TCFE et la CSPE).

La hausse de la fiscalité explique-t-elle la hausse du prix de l’électricité ?

En avril dernier, l’Insee a publié une intéressante étude sur l’évolution des dépenses des Français en électricité depuis 1960 (1). On y découvre notamment que si elles ont augmenté en moyenne de 9% par an, c’est historiquement surtout en raison de la hausse de la consommation, en lien avec les usages (chauffage électrique, électro-ménager, informatique, etc.). Les prix, eux, sont restés quasi-stables de 1986 à 2007. Et à l’époque, l’électricité était encore peu taxée.

Le basculement s’opère il y a une dizaine d’années. A partir de 2009, les prix de l’électricité commencent en effet à augmenter fortement. Une hausse que l’Insee estime en moyenne à 50%, mais qui a dépassé ce chiffre sur certains profils de consommation.

Quelle part a pris la fiscalité dans cette hausse ? Pour le savoir, il faut comparer l’évolution des prix hors taxes (HT) et toutes taxes comprises (TTC). Sur son site web, le médiateur de l’énergie propose justement une calculette qui permet de le faire.

Ainsi, pour un foyer ayant souscrit une puissance de 6kVA, au tarif réglementé, avec option heures pleines / heures creuses, et qui consomme 6 500 kWh par an, dont 40% en heures creuses, la facture annuelle est passée depuis septembre 2009 de 743 euros à 1 142 euros TTC, soit une hausse de 53,7%. Si on retranche les taxes, l’augmentation reste importante - bien supérieure notamment à l’inflation, 12,4% sur la période - mais bien moindre : 36% seulement à 735 euros contre 541 euros dix ans plus tôt.

Pourquoi la fiscalité sur l’électricité a-t-elle autant augmenté ?

Au cours de la décennie écoulée, les taxes ont clairement joué un rôle important dans la hausse du prix de l’électricité. Surtout entre 2011 et 2015, et en raison d’une taxe en particulier : la CSPE, dont le niveau a été multiplié par 5 environ sur cette période. Pourquoi ? Parce qu’à l’époque, « le produit de la CSPE était affecté principalement au financement des surcoûts liés aux énergies renouvelables », se souvient Frédérique Fériaud, directrice générale des services du médiateur national de l’énergie. C’est donc l’impératif de la transition énergétique qui explique, pour une bonne part, l’augmentation des prix de l’électricité

Ce n’est plus le cas. Depuis le 1er février 2017, le produit de la CSPE « ne participe plus directement au financement du développement des énergies renouvelables, poursuit Frédérique Fériaud. Elle est affectée au budget de l’Etat, qui finance ces énergies par ailleurs ». Dans le même temps, les pouvoirs publics ont mis en place une nouvelle taxe, la TICGN (2), qui a permis de mettre à contribution les consommateurs de gaz naturel.

Résultat : la réforme a stabilisé le poids de la CSPE, qui n’a plus bougé depuis cette date. Elle n’est donc pas responsable, pas plus que les autres taxes, de la récente hausse du tarif réglementé, conséquence surtout de l’application d’une formule de calcul de plus en plus controversée, et qui va prochainement être revue.

Faut-il baisser la fiscalité pour baisser le prix de l’électricité ?

Malgré tout, des voix s’élèvent pour demander une réforme de la fiscalité de l’électricité. Et non des moindres : en mai dernier, Jean-Bernard Lévy, le PDG d’EDF interrogé sur Europe 1, proposait au gouvernement de réfléchir « à moins taxer l'électricité puisqu'elle n'émet pas de dioxyde de carbone ».

« L’Etat pourrait choisir de diminuer le niveau des taxes, mais il lui faudrait trouver des moyens de compenser la baisse des recettes qui en résulterait », estime de son côté Frédérique Fériaud. Le médiateur national de l’énergie appelle également de ses vœux une baisse de la facture d’électricité, notamment pour les plus précaires, mais mise plutôt sur une « augmentation des dispositifs d’aides financières, et surtout des aides à la rénovation énergétique des logements ».

Le poids de la fiscalité est-il plus lourd en France qu’ailleurs ?

Pour apprécier le poids de la fiscalité sur le prix de l’électricité en France, il est intéressant de prendre un peu de recul, en comparant avec nos voisins européens. Surprise : La France se situe « à un niveau intermédiaire », constate le Commissariat général au développement durable dans une étude publiée en octobre 2018 (3). « Les taxes totales y sont plus élevées qu’au Royaume-Uni et en Espagne mais moins qu’en Italie et surtout qu’en Allemagne (…). » Elles atteignent même 65% du prix de la facture au Danemark. Un pays qui ne dispose pas de parc nucléaire et où les énergies renouvelables représentaient, en 2016, plus de 60% du mix électrique, contre seulement 18% en France.

Pourtant, il y a de quoi être inquiets. En France, « le prix de l’électricité reste peu élevé par rapport à d’autres pays européens, grâce au nucléaire historique qui reste compétitif. Mais les coûts de production vont augmenter dans les années à venir, annonce Frédérique Fériaud. « Pas à cause des taxes, mais en raison des surcoûts liés aux énergies renouvelables, même s’ils tendent à diminuer, et du coût de production de l’électricité nucléaire qui augmente, notamment avec le futur EPR » dont le prix final va largement dépasser le budget initial.

Lire aussi : comment payer son électricité moins cher

(1) Antonin Briand et Sébastien Oparowski, « Les dépenses des Français en électricité depuis 1960 », Insee Première n°1746, avril 2019. (2) Taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel. (3) « Prix de l’électricité en France et dans l’Union européenne en 2017 », Data-Lab, octobre 2018.