Sur un marché globalement dévasté, une poignée de livrets d’épargne a atteint le taux plancher de 0,05%, dernière étape avant le zéro pointé. Quels sont ces produits qui flirtent avec le néant ?

En Allemagne, fin juillet, plus d’une centaine d’établissements bancaires assumaient de pratiquer des taux négatifs sur les dépôts de leurs clients. En clair, ils ont cessé de rémunérer l’argent déposé sur les comptes, et font même payer leurs détenteurs : des entreprises surtout, mais aussi des clients particuliers fortunés, au-delà des 100 000 premiers euros. La raison est connue : ces enseignes ont choisi de répercuter en partie sur le consommateur final les taux négatifs qu’elles-mêmes subissent de la part de la Banque Centrale Européenne (BCE).

En France, où les banques font face à la même conjoncture défavorable, taxer les dépôts des particuliers n’est pas à l’ordre du jour. Pour éviter une baisse trop brutale de leur rentabilité, les établissements ont surtout choisi de généraliser la facturation de frais de tenue de compte. Elles ont aussi baissé régulièrement la rémunération de leurs livrets bancaires maison… jusqu’à s’approcher dangereusement de zéro.

Le plancher de 0,05% est atteint

Symbole de cette évolution, le rendement du Compte sur livret de Boursorama Banque, leader du marché de la banque en ligne avec près de 2 millions de clients, est passé depuis le 1er septembre… à 0,05% ! Moins que rien si on prend en compte le rendement « réel » du produit, rapporté à la hausse des prix (+1,1% sur un an au mois d’août 2019, selon l’Insee).

Pour en arriver là, le livret fiscalisé de Boursorama a suivi une trajectoire globalement semblable à tous les produits de sa catégorie. Dans la foulée de la crise financière de 2007, sa rémunération a subi une première érosion, passant de 2,50% à 1,65% entre 2009 et 2010. S’en est suivi un retournement de tendance qui a vu son taux remonter à 2,25% en août 2011, puis une nouvelle érosion, cette fois-ci ininterrompue jusqu’à aujourd’hui, suite à la mise en place, par la BCE, d’une politique de taux bas destinée à relancer l’économie européenne.

Boursorama Banque n’est toutefois pas la seule banque à avoir choisi de ramener la rémunération de son principal livret maison à ce taux plancher de 0,05%. Selon le relevé effectué grâce au panorama des livrets bancaires de MoneyVox, sont aussi dans ce cas :

  • le Livret Epargne Orange d’ING depuis le 1er août 2018 ;
  • le Livret Axa Banque depuis le 1er février 2019 ;
  • le Livret ordinaire du Crédit Mutuel de Bretagne depuis le 1er juillet 2019 ;
  • le Livret B de la Caisse d’Epargne Hauts-de-France depuis le 16 juillet 2019.

Ce relevé, par ailleurs, est sans doute loin d’être exhaustif. On constate, en effet, qu’un nombre croissant de banques de détail ont fait le choix de ne plus afficher, sur leurs sites vitrines, la rémunération de leurs livrets. C’est le cas, par exemple, de la majorité des Crédits Mutuels.

Convergence par le bas

Le cas de Boursorama est intéressant à double titre. Il illustre aussi la convergence, malheureusement par le bas, qui s’est opérée au fil des années entre les livrets d’épargne des banques traditionnelles et ceux des banques en ligne. Selon notre indicateur des taux, les premiers rapportent en moyenne 0,11% en août 2019, les seconds… 0,12% !

Fut un temps, pourtant, où ces livrets uniquement disponibles sur internet étaient qualifiés de « super-livrets ». Jusqu’au tournant des années 2010, ils apparaissaient même comme le principal atout des banques en ligne, qui n’hésitaient pas à pratiquer des rémunérations très au-dessus du marché pour attirer les nouveaux clients. Cette époque a vécu : les produits phares des banques en ligne sont désormais les cartes bancaires gratuites et les crédits immobiliers.

Il y a toutefois une tradition que les banques en ligne tentent d’entretenir : celle des taux bonifiés à l’ouverture, voire des primes en cash, destinés à attirer l’œil des nouveaux clients. Elles sont ainsi deux, actuellement, à afficher ce type de promotion : ING et BforBank.

Des exceptions qui confirment la règle

Sur le marché dévasté des livrets d’épargne subsistent tout de même des exceptions. Quelques enseignes, en effet, n’ont pas suivi le phénomène d’alignement vers le bas des taux, et maintiennent des rémunérations un peu plus attractives. C’est le cas notamment des filiales bancaires des constructeurs automobile Renault et Peugeot. Zesto de RCI Banque est ainsi le livret ordinaire affichant le meilleur rendement actuellement (0,9%), suivi par Distingo de PSA Banque (0,80%). On peut également citer le Livret Orange Bank (0,50%), qui profite sans doute de sa jeunesse : il a été lancé en novembre 2017, à l’époque à un taux de 1%.

A consulter : le palmarès des livrets bancaires les plus performants