Le gouvernement veut revoir à la baisse le taux de défiscalisation des entreprises mécènes pour leurs dons supérieurs à 2 millions d'euros, à l'exception des aides aux plus démunis, annonce le secrétaire d'Etat Gabriel Attal dans un entretien au journal économique Les Echos à paraître jeudi.

« Les entreprises qui donnent plus de 2 millions d'euros par an verront leur taux de défiscalisation passer de 60% à 40% pour les sommes qui excèdent ce seuil », a déclaré le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse.

Au total, 78 grandes entreprises seraient concernées par cette mesure, a-t-il détaillé, précisant que les mesures envisagées par le gouvernement « réduiront la dépense fiscale de l'ordre de 80 millions d'euros par an, à partir de 2021 ». En revanche, « le taux de 60% continuera à s'appliquer pour tous les dons » faits aux associations d'aide aux plus démunis (dites « loi Coluche »), a précisé Gabriel Attal.

Pas de niche fiscale

« Si le mécénat devient considéré comme un mécanisme d'optimisation fiscale, il finira par être remis en cause dans son principe même, comme cela a été le cas au moment de Notre-Dame », a-t-il dit pour justifier cette réforme. « Notre objectif, c'est bien que le mécénat ne devienne pas une niche fiscale », a insisté le plus jeune membre du gouvernement.

Depuis une loi de 2003, les entreprises qui investissent dans la culture peuvent déduire 60% de leurs dépenses en faveur du mécénat (66% de réduction d'impôt sur le revenu pour les particuliers). Le dispositif avait été toutefois critiqué après l'incendie qui a partiellement ravagé Notre-Dame le 15 avril, quand plusieurs grandes entreprises et grosses fortunes avaient annoncé des dons très importants.

Aillagon salue la « bienveillance » d'Attal

L'ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon, à l'origine de cette loi de 2003 sur le mécénat, a salué la « bienveillance » de Gabriel Attal, qu'il a rencontré, sur ce dossier. « Je suis extrêmement heureux qu'il se soit emparé du sujet, avec discernement, prudence », a-t-il relevé. Le mécénat culturel « n'est pas une niche fiscale », et parmi les initiatives annoncées, « aucune ne concerne le mécénat des particuliers », s'est-il félicité.

Jean-Jacques Aillagon ne pense pas que ces mesures auront un « impact sur la générosité » des mécènes. Rappelant les débats sur « la suspicion d'intérêt » des grands groupes, il a relevé que tant François Pinault (dont il est le conseiller pour les questions artistiques) que Bernard Arnault avaient renoncé aux avantages fiscaux dans leurs dons pour Notre-Dame. « Il faudra faire un bilan au bout de 2 ans » pour savoir si les mesures proposées auront un impact négatif ou non sur les dons, a-t-il toutefois ajouté, soulignant qu'il y serait « très attentif ».

Fondation du patrimoine : ne pas « briser cette générosité »

De son côté, la directrice générale de la Fondation du patrimoine (FdP) Célia Vérot, tout en saluant le rappel de la « démocratie du don » et que le mécénat « ne doit pas être une niche fiscale », a exprimé sa préoccupation sur l'impact des mesures, car « les gros contributeurs font la masse » des dons. « Au lieu de remercier les grandes entreprises pour leur élan pour Notre-Dame », cette annonce donne le sentiment « qu'on le leur reproche, et cela risque de briser cette générosité », a-t-elle observé.

« C'est un signal que la culture serait un produit de luxe ». Or, en dépit de quelques « extravagances », le mécénat culturel permet de financer dans les zones rurales des projets ayant « des dimensions économiques et sociales ». Dans les choix budgétaires internes d'une grande entreprise, le parrainage ou des actions internes risquent désormais d'être préférés au mécénat culturel, a-t-elle craint.