Le TGV, c'est rapide, mais c'est (souvent) plus cher... Pour certains trajets inter-régionaux, vous avez intérêt à privilégier les petites lignes. A condition de savoir manipuler le moteur de recherche de la SNCF, d'adapter votre calendrier, et parfois d'accepter l'autocar !

« Vous allez passer votre journée dans le train… » Lorsque vous demandez à éviter le TGV, pour un trajet inter-régional, voici généralement la réponse spontanée que vous obtenez au guichet. Mais, parfois, le fait de forcer la main pour éviter le passage par Paris, via des lignes TGV, peut vous permettre de ménager votre portefeuille.

Une correspondance qu’il faut parfois exiger

Exemple avec le trajet Rennes-Bordeaux. Sur ce trajet d’Ouest en Ouest, que vous effectuiez votre recherche sur le site Oui.sncf, en gare au guichet, ou encore au téléphone, la SNCF va systématiquement vous proposer un trajet avec une correspondance à Paris Montparnasse, en 100% TGV (TGV « classique », TGV Inoui ou Ouigo). Or, si vous exigez de passer par Nantes, en cochant « trajet via » sur le site, sous les gares de départ et d’arrivée, l’opérateur va finir par vous proposer un trajet moins cher… mais effectivement plus long.

Exemple, samedi 24 août : si vous ne disposez d’aucun tarif préférentiel, le meilleur aller simple est proposé à 109 euros, grâce à un trajet Rennes-Paris en Ouigo, pour un voyage de 5h04. Or, en prenant le TER jusqu’à Nantes puis l’Intercités jusqu’à Bordeaux, vous pouvez voyager le même jour à 50 euros environ, en 7h46, certes. Plus long qu’en voiture… Certains jours, le même trajet, avec un meilleur timing de correspondance, peut être réalisé en un peu plus de 6h pour le même tarif.

En restant sur le site de la SNCF, vous pouvez aussi cocher l’onglet « bus et covoiturage » : le 24 août, à des horaires similaires, vous trouvez un trajet direct Rennes-Bordeaux en Blablabus (partenaire de Ouibus) à 18,99 euros, en 6h35. Un tarif quasiment divisé par six, pour 1h30 de transport en plus…

L’alternative du car, sur certains trajets mal desservis

« Récemment, j’ai dû me rendre à La Rochelle depuis Grenoble », raconte Jean Sivardière, vice-président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT). « J’ai dû passer par Paris ! Il y a une disparition progressive de toute liaison transversale… Le développement du TGV sur les destinations parisiennes est logique mais, en parallèle, il faut maintenir les relations transversales ! »

« Il y a une disparition progressive de toute liaison transversale… »

L’impact du « tout TGV » crée quelques cas étonnants. Exemple, à nouveau dans l’Ouest, sur le trajet Rennes-Caen. Samedi 24 août, la SNCF vous propose de passer par… Le Mans, pour un mix TGV-Intercités d’une cinquantaine à une centaine d’euros selon les cas, en 4h environ. Or, sous l’onglet « bus et covoiturage », vous découvrez un trajet en moins de 2h pour 13,50 euros (Blablacar) ou en 2h50 pour 6,99 euros (Ouibus). Moins long, moins cher ! Kévin, un usager de la SNCF habitué du trajet Rennes-Caen, relève les améliorations : « Il y a 10 ans, le site de la SNCF ne me proposait pas le trajet le plus intéressant, avec les correspondances TER. Depuis, le service s’est amélioré : le moteur de recherche propose les bonnes correspondances, et surtout le trajet en autocar, clairement le plus avantageux. »

Adapter son calendrier pour voyager moins cher

« Si les correspondances étaient mieux organisées, sur certains trajets, ce serait pratique et moins cher ! », juge Jean Sivardière, de la FNAUT. Il suffit de chercher le meilleur itinéraire sur des trajets peu ou mal desservis par le TGV pour s’en rendre compte. Exemple, de Dijon à Vitry-le-François, l’une des sous-préfectures de la région Grand Est. Mercredi 21 août, sans réduction particulière, si vous prenez le TGV, la SNCF vous fait transiter par Metz ou Strasbourg, pour 67 à 99 euros et un voyage de plus de 5h quel que soit l'horaire de départ ! Or, si vous acceptez d'attendre 16h38 ou 18h14 pour partir de Dijon, le moteur de recherche Oui.sncf vous propose deux trajets TER à 33,90 euros en 3h16 voire en 2h18 pour le TER direct du soir ! Deux fois moins long et deux fois moins cher ! A condition d’adapter son calendrier aux contraintes de la SNCF.

Le plus souvent, le fait d’opter pour le TER ou l’Intercités implique soit de passer plus de temps dans le train, soit d’accepter un horaire moins avantageux, en milieu ou fin de journée. Mais à un tarif bien moindre. Lyon-Limoges, le 22 août ? 55,40 euros pour l'un des rares trajets TER-Intercités, en 6h, contre plus de 100 euros, toujours en 6h, en prenant un TGV. Lyon-Nantes, le 21 août en après-midi ? 34 euros en 6h30 avec l’Intercités direct, contre 94 euros pour le TGV, en 4h25. Paris-Dijon, un jour d’affluence comme le dimanche 25 août ? 35 euros, avec le TER direct, en 3h, contre 45 à 67 euros en TGV (1h35 environ), mais il faut viser l’un des quatre TER du jour, pour 16 TGV…

Ouigo : le low cost, sur certaines destinations uniquement…

La SNCF a récemment segmenté son offre avec les TGV Inoui d’une part, et le low cost Ouigo d’autre part. Une alternative bon marché sur certaines grandes liaisons ferroviaires, à condition d’accepter, parfois, de marcher plus longuement dans les gares parisiennes pour atteindre le bon quai. « Ouigo est une offre TGV à la tarification très basse, sur des axes classiques Paris-province. Mais elle n’offre pas d’alternative pour des trajets transversaux », regrette Jean Sivardière, de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports. « La plupart des trains Intercités, gérés par l’Etat, ont été remplacés par des TER, gérés par les régions. Il ne reste guère que les liaisons interrégionales Lyon-Nantes, Nantes-Bordeaux ou Toulouse-Dax dans le giron de l’Etat. »

« Plutôt que de proposer du TGV low cost, il vaudrait mieux baisser l’ensemble des tarifs de manière uniforme »

L’argument de la faible affluence des « petites lignes » ? « A la FNAUT, nous pensons que la SNCF fait fausse route : plutôt que de proposer une offre low cost sur les trajets TGV, il vaudrait mieux baisser l’ensemble des tarifs, de manière uniforme, comme l’a fait la RENFE [équivalent espagnol de la SNCF, NDLR] en 2013. La RENFE avait alors fait le choix audacieux de baisser ses tarifs de 11% : la fréquentation est rapidement repartie à la hausse, et cette stratégie a permis à l’opérateur d’améliorer significativement ses résultats financiers en quelques années. » L’ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire se profile, fin 2020. Certaines régions ne cachent pas leur volonté de travailler avec des opérateurs alternatifs, pour relancer certaines lignes délaissées…

(1) Toutes les recherches ont été effectuées sur le site Oui.sncf la semaine passée, d’une part le mercredi 14 août, d’autre part le vendredi 16 août. Les comparaisons (entre un trajet TGV et TER ou Intercités) ont toujours été effectuées simultanément, via deux navigateurs différents.