Alors que les livrets bancaires sont rémunérés en moyenne à 0,24%, ceux des constructeurs automobiles - PSA et Renault - se maintiennent encore aux environs de 1%. Est-ce par excès de zèle, le fruit d’une stratégie marketing ou par nécessité financière qu’ils conservent cet écart important ?

Flashback ! C’est à l’heure actuelle à peine croyable, mais il y a 10 ans, avant que la crise financière n'arrive en France, les livrets des banques rapportaient plus de 3%. Aujourd’hui, ils sont 10 fois moins rémunérés, à 0,24% en moyenne, hors offre promotionnelle, selon les dernières données de la Banque de France. Toutefois, si tous les comptes sur livret sont mis à mal par le contexte de taux bas, un type de livret joue au village gaulois et s’en sort un peu mieux. Il s’agit des produits commercialisés par les filiales bancaires des constructeurs automobiles, RCI Banque (filiale de Renault) et PSA Banque.

En effet, RCI Banque rémunère 1% les dépôts sur son Livret Zesto, soit 4 fois plus que la moyenne du marché. Quant à la banque de PSA, le taux de son Livret Distingo est certes tombé à 0,8% au 1er juillet dernier contre 1% auparavant. Mais il continue à devancer les produits des banques de détail. En outre, le concernant, il se démarque par ses offres promotionnelles régulières. Alors que les banques en ligne ont tendance à les amoindrir, PSA Banque n’a pas renoncé à sa politique de taux boosté les mois qui suivent l’ouverture d’un premier livret (par exemple 3% pendant 2 mois en ce moment). Comment expliquer cette différence ? PSA Banque et RCI Banque pourraient abaisser leur taux sans que cela dénote avec la concurrence, pourquoi ne le font-ils pas ? Réponse : leurs marges de manœuvre sont restreintes par rapport aux banques de détail.

Besoin d’épargne pour leurs crédits auto

En effet, pour ces filiales bancaires, les livrets d’épargne sont un rouage essentiel pour leur maison-mère… Ceux-ci permettant in fine de soutenir la vente d’automobiles. Concrètement, les dépôts sur les livrets Distingo servent à octroyer des crédits aux particuliers achetant leur voiture chez les concessionnaires du groupe PSA (Peugeot, Citroën ou DS). « Afin d’assurer notre activité, le Groupe PSA Banque France a recours à plusieurs sources de refinancement. Les dépôts Distingo s’inscrivent dans une stratégie diversifiée avec de multiples sources de liquidités, l’accès aux marchés financiers avec l’émission de dette obligataire, la réalisation d’opérations de titrisation, le financement bancaire », nous détaille Sarah Zamoun, responsable des activités de dépôts de Distingo.

En d’autres termes, si les filiales bancaires des groupes automobiles servent des taux au niveau ou plus bas que la concurrence, elles risquent de ne pas collecter suffisamment de liquidités pour assurer l’activité de crédit du groupe. C’est pourquoi « la rémunération associée n'est pas forcément corrélée à celle de nos concurrents », souligne Sarah Zamoun. Néanmoins, PSA et Renault ne peuvent pas ignorer totalement leur environnement concurrentiel. Car, à l’inverse, si la rémunération servie est trop élevée au regard des autres acteurs de l’épargne, il y a un risque de sur-collecte et de compromettre l’équilibre financier de ces filiales… Ces dernières devant rémunérer des fonds qui ne leur sont pas utiles.

D’après la responsable des activités de dépôts de Distingo, c’est cette menace qui a récemment conduit PSA Banque à revoir le rendement de son livret. « Si on baisse notre rémunération, comme cela a été le cas au 1er juillet, cela ne signifie pas que nous avons besoin de moins de liquidités pour financer nos prêts autos, détaille Sarah Zamoun. Pour preuve, notre encours d'épargne progresse de 20% par an depuis plusieurs années et soutient la croissance du groupe, et ce, malgré la baisse de notre taux de base ».

Vers une baisse de taux pour Zesto ?

Au regard de cette explication, les regards se tournent donc vers la banque de Renault. Son Livret Zesto est désormais le seul à servir encore du 1%. En conséquence, n’y-a-il pas danger de surchauffe pour la banque de Renault ? En diminuant son taux, PSA Banque n’offre-t-il pas à RCI Banque la possibilité d’en faire de même ? Sollicitée, la filiale de Renault n’a pas souhaité répondre à nos questions.

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Les livrets bancaires comme héritage de la crise financière

Pour prêter aux automobilistes, PSA et Renault s’appuient donc sur leurs livrets, des produits qui grâce à leur rémunération avantageuse et des campagnes marketing importantes se sont rapidement fait une place dans le paysage de l’épargne sur internet. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Ces produits sont en fait très jeunes. Le Livret Zesto a été lancé en 2012. Distingo a fait son apparition en 2013. Autrement dit, il y a encore quelques années, PSA comme Renault se passaient aisément de l’épargne des particuliers. Leur politique de refinancement sur les marchés suffisait à couvrir leur besoin de financement. Mais la crise financière de 2008 a mis à mal cette stratégie, comme le rappelle Cyril Blesson, macro-économiste au sein du cabinet Pair Conseil. « Ces livrets sont les fruits de la crise de 2008, durant laquelle les acteurs bancaires ont rencontré de grandes difficultés à obtenir des liquidités. Plus personne ne voulait leur prêter de l’argent hormis la banque centrale européenne », se souvient-il.

Les livrets ont donc permis de trouver une nouvelle source de liquidités mais aussi de tranquilliser des investisseurs dans un contexte de méfiance généralisée. « Pour nos investisseurs, disposer d’une partie de ressources stables et garanties, telles que les dépôts est rassurant », avance ainsi comme motivation Sarah Zamoun de PSA Banque. Mais, cette diversification des sources de financement n’a pas germé seule dans la tête des filiales bancaires des constructeurs automobiles… C’est aussi l’évolution de la réglementation qui les a conduites à disposer d’avoirs non financiarisés dans leurs bilans. « Pour rassurer les marchés, les régulateurs ont demandé aux banques de disposer des ratios de dépôts suffisamment importants pour maintenir une activité de crédit », résume ainsi Cyril Blesson.

Le régulateur n’impose toutefois pas de ratios fixe mais « recommande aux établissements de crédits de disposer d’une ressource stable et garantie, ajoute Sarah Zamoun. Ce ratio est défini par le Groupe PSA Banque France conformément à nos besoins et à notre stratégie ». Ainsi, en 2018, les encours sur les produits Distingo (livrets et comptes à terme éponyme) représentaient 20% dans le total des sources de refinancement de PSA Banque France.

Le Livret A n’est pas un concurrent, assure PSA

Avec ses 0,75% défiscalisés, le Livret A offre une rémunération nette supérieure aux livrets des constructeurs automobiles. Ce n’est pas un problème, estime Sarah Zamoun, responsable des activités de dépôts de Distingo. « Le taux du Livret A n'est pas la référence pour déterminer le taux Distingo. Nos clients sont plutôt premium et avertis. Ils ont un effort d’épargne important et ouvrent un Livret Distingo pour compléter leur épargne de précaution une fois que leurs livrets réglementés sont au plafond ». Effectivement, âgé de 56 ans en moyenne, le client-type de PSA Banque place en moyenne 32 000 euros, d’après les données communiquées par l'établissement bancaire, contre 22 950 euros pour le plafond du Livret A. A fin 2018, la banque de PSA gère un encours total de 2,25 milliards d'euros.