Avec la mise en place du prélèvement à la source, les contribuables ne paient pas d’impôt sur leurs revenus courants de 2018. Dans ces conditions, la déduction des frais réels présente-t-elle un intérêt ? Ou peut-on exceptionnellement se simplifier la tâche en prenant l’abattement forfaitaire de 10% ?

Cette année, vous serez peut-être surpris de constater que vos revenus 2018 ne sont pas taxés. Il ne s’agit pas d’une erreur mais d’une conséquence de la mise en place du prélèvement à la source. En effet, pour ne pas vous faire payer une double dose d’impôt (sur vos revenus 2018 et 2019), l’administration fiscale applique exceptionnellement un crédit d’impôt, le CIMR, afin de gommer vos revenus habituels de vos ressources imposables.

L’abattement de 10% suffisant « dans la majorité des cas »

Pour autant, vous devez quand même remplir votre déclaration ! Mais faut-il la compléter aussi consciencieusement que d’habitude ? Comme vos revenus 2018 ne sont pas imposés, pouvez-vous par exemple faire l’impasse sur le calcul de vos frais réels et opter sans conséquence sur l’abattement forfaitaire de 10% ? « Dans la majorité des cas, il y a moins lieu de s’embêter sur la déclaration des frais professionnels cette année », souligne effectivement Céline Roux, consultante chez Fidroit. Car, si vous n’avez perçu que des revenus classiques l’an passé – c’est-à-dire ni prime professionnelle exceptionnelle, ni revenus du capital qui dénotent par rapport à l’accoutumée - la déduction des frais professionnels réels ne va pas réduire vos impôts, étant donné qu'ils sont déjà nuls.

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Les frais réels pour diminuer la taxation des revenus exceptionnels

En revanche, si vous avez perçu des revenus exceptionnels (certaines indemnités de rupture de contrat de travail, prime de départ à la retraite, gratification non précisée dans le contrat hors prime Macron…), il est intéressant d’opter pour les frais réels. Cela vous permet d’abaisser votre revenu fiscal de référence, et ainsi l’impôt dû sur vos recettes inhabituelles.

Illustration. Votre employeur vous a versé 28 000 euros en 2018 dont 3 000 euros de prime exceptionnelle. Vous pouvez également déduire 4 000 euros de frais kilométriques. Dans ce contexte, si vous optez pour l’abattement de 10%, vous êtes redevable de 211 euros d’impôt sur le revenu, mais de 180 euros seulement en déduisant vos frais réels.

Le gain fiscal peut être encore plus élevé si vous êtes en capacité de distinguer de vos frais réels ceux mobilisés pour obtenir un revenu exceptionnel : « L’administration prévoit que les frais exposés qui ont permis d’acquérir un revenu exceptionnel – par exemple vos frais de déplacement pour vous rendre au rendez-vous qui vous a permis de décrocher une prime exceptionnelle – peuvent être déduits directement des revenus exceptionnels », souligne ainsi Céline Roux. « Cette disposition permet de gommer directement une partie des revenus exceptionnels, alors qu’en les prenant en compte dans les frais réels, ces dépenses sont ventilées sur l’ensemble des ressources du contribuable », détaille la consultante.

Des contrôles renforcés avec l’année blanche

Prudence toutefois à ne pas surestimer vos dépenses professionnelles. En cette année blanche, l’administration fiscale redouble de vigilance. Pour cette campagne 2019, elle s’est octroyée un délai supplémentaire de 4 ans, contre 3 ans habituellement, pour vérifier les déclarations de revenus.

Les frais réels pour baisser son taux de prélèvement à la source

Déduire comme d’habitude vos frais réels peut également vous permettre de baisser votre taux de prélèvement à la source. En effet, le pourcentage retenu sur votre salaire à partir de septembre 2019 est calculé en fonction de vos revenus imposables de 2018. Du coup, plus ces derniers sont élevés, plus le taux l’est également. D’où l’intérêt de choisir les frais réels si vos dépenses professionnelles dépassent 10% de votre rémunération.

Illustration avec un contribuable ayant gagné 50 000 euros en 2018, habitant à 40 kilomètres de son lieu de travail et payant 90 euros par mois de parking. En optant pour l’abattement de 10%, son taux de prélèvement à la source sera de 15,4% à partir de septembre, contre 13,5% s’il déduit ses frais réels (voir tableaux ci-après). Il reste cependant possible, par la suite et à tout moment, d'ajuster ce taux de prélèvement à la source à votre situation financière actualisée.

Quoi qu'il arrive, cette différence d’imposition ne sera que temporaire. Que ce contribuable ait choisi ou non les frais réels, il sera in fine redevable du même montant. « L’impôt prélevé à la source est un acompte. En cas de trop prélevé ou de moindre prélèvement, une régularisation s’opère en fin d’année », prévient Céline Roux, de Fidroit.

En résumé, déduire ses frais réels est judicieux :

  • Si vous avez perçu des revenus exceptionnels en 2018. Cette option n’a en revanche pas d’effet sur la taxation des revenus classiques annulée par le CIMR.
  • Pour que votre taux de prélèvement à la source soit calculé au plus juste et éviter ainsi de trop verser au fisc. L'éventuel surplus d'impôts prélevé est toutefois restitué l’année suivante.
Contribuable gagnant 50 000 € avec des frais kilométriques élevés
Frais déductiblesImpôt dûTaux de prélèvement à la source
Forfait 10 %5 000 €7 702 €15,40%
(0 € après application du CIMR)
Frais réels8 212 €*6 738 €13,50%
(0 € après application du CIMR)
*Un aller-retour par jour de 80km au total 230 jours par an, voiture 6CV (soit 7 132 € max) + frais de parking de 90 euros/mois. Source Fidroit
Contribuable gagnant 150 000 € avec des frais de double résidence élevés
Frais déductiblesImpôt dûTaux de prélèvement à la source
Forfait 10 %12 502 €42 460 €28,30%
(0 € après application du CIMR)
Frais réels14 170 €*41 777 €27,90%
(0 € après application du CIMR)
* Loyer (7 800 €) + taxe d’habitation (700 €) + un aller-retour par semaine (120 € x 47 semaines : 5 670 €). Source Fidroit