« Cette famille s’entend bien, on voit qu’elle n’a pas encore hérité », écrivait Sacha Guitry. C’est encore plus vrai au sein des familles recomposées quand un parent se remarie. On peut toutefois préserver le droit à l’héritage de ses enfants tout en protégeant son conjoint.

Les enfants ont la loi pour eux. Le code civil protège leurs droits et interdit de les déshériter, quel que soit le lit dont ils sont issus. La liberté de transmission patrimoniale d’un parent est en effet limitée : il peut faire donation ou transmettre par testament uniquement la quotité disponible, c’est à dire ce qui excède la part réservée des enfants.

Voilà pour le principe. Mais parfois, dans une famille recomposée, des décisions patrimoniales du parent qui se remarie peuvent conduire à des transferts directs ou indirects de biens ou valeurs au bénéfice du conjoint avec parfois à la clef, l’éviction totale ou partielle des droits successoraux des enfants nés de précédentes unions. Il convient de se pencher sur le sujet sans nier cette évidence : tout ce qui est transmis au conjoint n’ira pas aux enfants nés d’un premier lit. C’est à vous d’arbitrer entre ces deux objectifs contradictoires : protéger l’avenir de l’un et des autres sans les opposer.

Des questions à se poser

Les stratégies et les outils à mettre en place pour protéger les droits patrimoniaux des enfants nés de précédentes unions dépendent de plusieurs facteurs : l’âge des personnes qui composent le nouveau couple, le niveau et la nature de leur patrimoine commun et propre, la présence d’enfants d’un côté ou de l’autre, le fait qu’il y ait des enfants communs ou non, le fait que le nouveau couple est susceptible de concevoir de nouveaux enfants ou non.

La dimension psychologique ne saurait être ignorée car dans une famille recomposée, les relations intrafamiliales peuvent être moins fluides que dans une famille traditionnelle dont les enfants ont les mêmes parents. Même si le nouveau conjoint s’entend bien avec ses beaux-enfants, rien ne dit que la bonne entente se maintiendra lorsque se posera la problématique de l’argent au décès de l’autre conjoint. Il est donc utile de mettre en place des solutions afin de protéger l’héritage des enfants nés d’une précédente union. Sans pour autant démunir le conjoint

Pourquoi pas la donation-partage ?

Quand un parent à la tête d’un confortable patrimoine décide de se remarier, il a souvent à cœur de protéger aussi les droits de ses enfants. L’une des solutions peut être, avant son remariage, de faire une donation-partage à ses enfants. Quitte à donner moins, il est préférable que les biens ou sommes objet de la donation-partage le soient en pleine propriété, sans clause restrictive. Cependant, le parent donateur doit veiller à ne pas se démunir en donnant trop.

Le parent qui veut aussi protéger son conjoint peut envisager une donation graduelle. Cette technique de transmission permet de faire donation d’un ou plusieurs biens précis au conjoint, à charge pour lui de les conserver intacts pour les transmettre à son décès aux enfants. « Une mère donne à sa fille Alice des bijoux de famille et désigne sa petite-fille Aurore comme seconde bénéficiaire. Au décès d'Alice (première bénéficiaire), Aurore (seconde bénéficiaire) devient propriétaire des bijoux », prend pour exemple LCL sur son site internet.

La donation résiduelle fonctionne sur le même principe mais le bénéficiaire peut disposer du ou des biens comme il l’entend, avec l’obligation de transmettre aux enfants ce qu’il en restera à son décès. « Un père donne à son fils Patrick deux appartements et désigne sa petite-fille Angela comme seconde bénéficiaire. Patrick vend un des deux appartements. Au décès de Patrick, Angela devient propriétaire de l'appartement qui n'a pas été vendu », illustre LCL.

Pensez à la clause de remploi

Les biens ou sommes d’argent possédés par une personne avant son mariage ou remariage restent des biens propres et ne tombent pas dans la communauté. Mais si le parent vend un ou plusieurs biens propres pour acquérir des biens ou réaliser un investissement avec son nouveau conjoint, ces biens propres vont se fondre dans la communauté. Sauf si le parent propriétaire demande au notaire d’indiquer dans l’acte d’acquisition une clause d’emploi ou de remploi permettant que ces biens ou sommes restent des biens propres.

L’assurance vie au secours des enfants

Pour assurer l’avenir des enfants, le parent qui se remarie peut envisager la souscription d’un contrat d’assurance vie permettant de leur transmettre un capital. Celui-ci n’est en effet, pas considéré comme un actif successoral que doivent se partager les héritiers. Mais la réglementation n’autorise pas tout : les primes versées par le souscripteur sur un contrat sont susceptibles d’être rapportées à la succession si elles présentent un caractère manifestement excessif eu égard aux facultés du souscripteur. Le caractère excessif s’apprécie au moment de la souscription, au regard de l’âge, des situations familiale et patrimoniale du souscripteur ainsi que de l’utilité du contrat pour celui-ci. Le conjoint survivant pourrait contester le contrat d’assurance vie s’il prouve que le capital constitué au bénéfice de ses beaux-enfants a été financé par des primes provenant de l’argent de la communauté.