Avec moins de 250 000 comptes ouverts en 2018, Orange Bank est assez loin des objectifs fixés. Comment expliquer ce lancement en demi-teinte ? Et remet-il en cause les ambitions d’Orange dans les services financiers ?

248 000 comptes ouverts, contre 400 000 espérés, un produit net bancaire en baisse de 41% et des pertes multipliées par 2 : l’année 2018 n’a pas vraiment souri à Orange Bank. Il est encore trop tôt pour parler de flop, mais la banque mobile, annoncée comme une rupture de marché majeure, est certainement une déception pour son actionnaire, qui déjà a annoncé un changement de cap et, au passage, de patron. C’est assez clair : quelque chose n’a pas fonctionné. Mais quoi ?

Les gens n’ont pas eu complètement confiance

Les Français sont-ils prêts à faire confiance à un opérateur télécom pour gérer leur argent ? Avant le lancement d’Orange Bank, la réponse était plutôt négative, pour près des deux tiers des Français. Un an plus tard, la crédibilité d’Orange en tant qu’établissement bancaire est sans doute remontée d’un cran. Mais la route est encore longue : en novembre dernier, soit un an après son lancement, Orange Bank était toujours bonne dernière du classement de l’image des banques, y compris derrière la Société Générale.

La qualité n'était pas au rendez-vous

Ça avait mal commencé, avec un report à quelques jours du grand lancement, annoncé pour le 6 juillet 2017 et finalement effectif au 1er novembre de la même année. Ça s’est poursuivi par des bugs en série : des retards d’envoi et des problèmes de qualité sur la carte bancaire, des échecs de paiement mobile, des lenteurs et des problèmes d’ergonomie de l’application, le principal canal relationnel… Autant de petits accrocs, pas forcément inhabituels pour ce type de lancement, mais qui ont laissé l’impression d’un produit bâclé et n’ont ainsi pas aidé à gagner la confiance des usagers. D’autant que les améliorations ont été plutôt longues à venir.

Le positionnement n'était pas clair

Une banque en ligne, à l’image de Boursorama Banque ou d’ING ? Ou une néobanque, comme N26 ou Revolut ? Orange Bank a choisi de se positionner entre les deux. Des banques en ligne, elle a adopté le mode de recrutement - la fameuse prime de 80 euros à l’ouverture notamment - et l’ambition de proposer toute la gamme des produits bancaires, en commençant par le livret d’épargne puis le crédit conso. Des néobanques, Orange Bank a repris le goût pour le mobile, principal canal relationnel et moyen de paiement, et la volonté de s’adresser aux jeunes. Mais la recette n’a pas vraiment fonctionné. Rares sont les clients qui ont choisi de faire d’Orange leur banque principale, un tiers d’entre eux seulement utilisant leur compte au quotidien. Six fois sur 10, ils ont fait le choix de se rendre dans une boutique, plutôt que d’utiliser leur mobile pour ouvrir leur compte. Et les jeunes sont très minoritaires : 20% seulement de la base clients d’Orange Bank, quand les 35-55 ans en forment les deux tiers.

Le marché est hyper concurrentiel

Malgré l’effet nouveauté, la puissance de frappe marketing et la capacité à mobiliser beaucoup d’argent pour lancer son produit, Orange Bank n’a ouvert « que » 193 000 comptes sur la seule année 2018. Certes, c’est plus que la plupart des banques en ligne, dont la croissance a tendance à ralentir. Mais c’est beaucoup, beaucoup moins que le leader du marché, Boursorama (+460 000 clients). Moins également que deux autres néobanques, N26 et Revolut, qui revendiquent - chiffres impossibles à vérifier - des croissances respectives de 400 000 et 300 000 comptes en France en 2018. D’où la question : y a-t-il une place pour Orange Bank sur le marché français de la banque numérique ?

Des raisons d’espérer tout de même

La partie, toutefois, est encore loin d’être terminée. La diversification d’Orange dans les services financiers, en effet, n’est pas un simple test, mais une décision stratégique mûrement réfléchie, qui inclut Orange Money, notamment en Afrique, et Orange Cash . Et l’opérateur, qui reste ultra profitable sur l’ensemble de son périmètre d’activités, a les reins solides : il est ainsi prêt à perdre jusqu’à 600 millions d’euros en tout d’ici 2023, année où il compte atteindre 4 millions de clients environ en Europe - des lancements en Espagne, Pologne, Slovaquie et Belgique sont prévus - et l’équilibre financier. De quoi voir venir.

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