Des personnalités de premier plan s’inquiètent, de plus en plus, du risque d’une nouvelle crise financière, une décennie après la tempête de 2008.

Un peu plus de 10 ans après la tempête financière qui a fait vaciller l’économie mondiale, et dont on commence tout juste à se remettre, la question revient depuis plusieurs semaines avec insistance. Un nouveau tsunami comparable à celui de 2008 est-il à nos portes ? Les cris d’alerte se multiplient. « Les fondamentaux d’une nouvelle crise financière sont réunis », s’inquiète René Ricol, président de la mission de réflexion sur la crise financière mondiale de 2008 sous la présidence Sarkozy, dans un entretien accordé au site larevuedestransitions.fr.

« La prochaine crise n'est pas loin »

Au même moment, fin janvier, c’est à Davos, que la patronne du FMI, Christine Lagarde, a tiré la sonnette d’alarme devant le gratin des affaires. L’ancienne ministre de l’Economie a mis en garde contre les « quatre nuages » qui planent au-dessus de l'économie mondiale : tensions commerciales, notamment entre la Chine et les Etats-Unis, resserrement des taux d'emprunt, incertitudes liées au Brexit, ralentissement de l'économie chinoise. « Quand il y a trop de nuages, il faut un éclair pour déclencher la tempête », a averti Christine Lagarde, qui a appelé les gouvernements à s'y préparer et à éviter le protectionnisme. « La prochaine crise n'est pas loin et nous sommes moins préparés que nous devrions l'être » a renchéri récemment le numéro 2 du FMI, David Lipton.

« Le ralentissement synchronisé de l’économie mondiale nourrit en effet un climat très anxiogène, juge Jean-Marie Mercadal, directeur général délégué en charge des gestions chez OFI AM. Pour 2019, la tentation est forte de voir le monde en noir vu l’accumulation de mauvaises nouvelles. » « Qu’une crise financière arrive un jour ou l’autre, c’est certain. Mais les fondamentaux économiques sont loin d’être mauvais », relativise Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne. Une crise systémique comme celle de 2008, ne serait donc pas à l’ordre du jour, à court terme.

Taux d’endettement modéré des ménages occidentaux, politique accommodante des banques centrales évitant tout risque d’éclatement d'une éventuelle bulle immobilière, croissance de l’endettement public contenue, valorisation des actifs en bourse inférieure aux niveaux de 2008, réglementation renforcée du système financier, prix sages des matières premières dont celui du pétrole…

Joue-t-on à se faire peur ?

Autant d’éléments qui ne plaident pas pour un scénario catastrophe, selon l’économiste. Pour lui, il y a aujourd’hui davantage un effet psychologique. On jouerait à se faire peur. « Cela fait 10 ans que la dernière crise est passée et historiquement il y en a une tous les 10 ans. Chaque année qui passe nous rapproche donc de la prochaine. Il faut voir aussi que les Etats-Unis viennent d’enregistrer dix années de croissance ininterrompue alors que d’habitude ce sont plutôt des cycles de six ans. »

Investissez dans la Bourse au meilleur prix ! 7 offres comparées

Pour Philippe Crevel, un élément est tout de même à surveiller comme le lait sur le feu : la montée des populismes de part et d’autre de l’Atlantique. Un phénomène très inquiétant qui pourrait déboucher sur une crise sociale majeure, de plus grande ampleur encore que celle que traverse la France avec le mouvement des Gilets jaunes. « Cela pourrait créer une onde de choc », prévient l’expert.

Lire aussi : qu'est-ce que 10 ans de crise financière ont changé pour les banques ?

Et de rappeler, à l’attention des épargnants, des conseils de « bon père de famille » dans cette période marquée par une très forte volatilité sur les places financières, à l’image du CAC 40 : Après une chute de 11% en 2018, l’indice phare de la place parisienne a grimpé de plus de 9% depuis début janvier. Dans ce contexte, Philippe Crevel recommande de garder des liquidités sur les produits d’épargne réglementée, de diversifier ses investissements en bourse dans tous les pays et secteurs afin d’éviter une sur-exposition aux fortes baisses. Sur une perspective de long terme, en dépit de crises éventuelles, des secteurs comme l’énergie, le transport et le tourisme devraient d’ailleurs connaître une croissance soutenue.

Ne pas jouer les moutons de Panurge

Les valeurs cycliques « ont été sanctionnées, voire massacrées. En termes de valorisations, elles sont revenues à leurs niveaux de 2000 ou de 2008, soit au niveau de la réces­sion. Des niveaux anormalement bas. Si on ne croit pas à la récession, ce qui est notre cas, nous pensons qu’il y a du potentiel sur les valeurs européennes et notamment sur les valeurs cycliques », complète Eric Turjeman, directeur des gestion actions et convertibles chez OFI AM.

Dans tous les cas, en cas de baisse des marchés, inutile de jouer les moutons de Panurge en vendant tout d’un coup. Comme dit le proverbe, « tant qu’on n’a pas vendu, on n’a pas perdu ». Mieux vaut faire le dos rond et attendre que la tempête passe. « Malgré tout, si vous croyez vraiment à un gros krach, misez sur le secteur aurifère en pariant sur l’or. Et attendez que les titres baissent pour ensuite investir dessus », explique Philippe Crevel.