Régulièrement critiquées pour leur efficacité incertaine, les niches fiscales sont pourtant de plus en plus coûteuses. Poussé par le mouvement des Gilets jaunes, le gouvernement veut faire le ménage.

« Je propose que l’on revienne dessus ». Gérald Darmanin vient de sonner la charge contre les niches fiscales. Dans le viseur des Gilets jaunes, leur fonctionnement pourrait bien être revu à l’issue du grand débat national. cBanque fait le point sur un dispositif qui fait polémique depuis des années.

Quel est le coût des niches fiscales ?

Une niche fiscale, c’est une réduction d’impôt pour les ménages et les entreprises « à des fins d’incitation économique ou d’équité sociale », explique le tome II de l’annexe Voies et moyens du projet de loi de finances (PLF) 2019. Il existe aujourd’hui plus de 450 niches fiscales pour un manque à gagner de 100 milliards d’euros, en 2018, pour les caisses de l'Etat. « Le coût des dépenses fiscales est extrêmement concentré. En effet, dix dépenses représentent à elles seules plus de 50% du coût total des dépenses fiscales », souligne le PLF.

La niche fiscale la plus coûteuse est le crédit d'impôt compétitivité emploi (19,6 milliards d’euros), suivie du crédit impôt recherche (5,6 milliards), du crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile (4,7 milliards), de l’abattement de 10% sur les pensions et retraites (4,2 milliards), de la TVA réduite à 10% pour les travaux à domicile (3,2 milliards d’euros) et pour la restauration (2,9 milliards) ou encore pour la TVA à 2,1% sur les médicaments (2,3 milliards). A noter aussi que l’exonération d'impôt des plans d'épargne salariale et des contrats d'assurance vie ont coûté en 2018 respectivement 1,6 et 1,5 milliard d’euros.

Quelle est l'efficacité des niches fiscales ?

Le foisonnement des niches fiscales est régulièrement montré du doigt. En mai dernier, la Cour des comptes fustigeait, encore une fois, le manque d’évaluation, de ciblage et donc d’efficience de ces dépenses dont le montant a grimpé de près de 30 milliards d’euros en 5 ans.

Dans une tribune récente au Monde, Clément Carbonnier, maître de conférences en économie à l'université de Cergy-Pontoise, souligne le caractère « antidistributif » du crédit d’impôt pour les services à domicile. « Les ménages qui consomment 12 000 euros par an en service à la personne ne changent pas leur consommation quand elle devient subventionnée, mais acceptent avec plaisir la subvention fiscale : 6 000 euros et plus selon les configurations familiales. Or ces ménages sont principalement les plus fortunés : les 10% les plus aisés bénéficient de 43,5% de cette niche quand la moitié la plus modeste de la population n’en bénéficie que de 6,6%. »

« Sur les 14 milliards d'euros que coûtent les niches fiscales (sur l'impôt sur le revenu NDLR), les 9% de contribuables les plus riches » en captent « 7 milliards », « c'est-à-dire que la moitié des niches fiscales » profitent aux « 9% des personnes les plus riches », abonde Gérald Darmanin.

Que veut faire le gouvernement ?

La remise à plat des niches fiscales est une idée qui rencontre beaucoup de succès à l'occasion du grand débat national. Plusieurs personnalités, de droite, comme de gauche, y sont favorables. Le gouvernement visiblement aussi. Gérald Darmanin suggère d'abaisser le plafond global des niches. Aujourd’hui, la diminution du montant de l’impôt sur le revenu peut atteindre 10 000 euros par foyer fiscal. Une somme étendue à 18 000 euros pour les investissements outre-mer et dans le cinéma.

Le ministre de l’Action et des Comptes publics propose aussi de mettre les niches fiscales « sous conditions de ressources pour qu'elles profitent aux classes moyennes et populaires plutôt qu'aux plus aisés ». « L'idée, c'est de garder l'outil incitatif pour la très grande majorité des contribuables, mais de se dire que quand on est très aisés on n'en a pas besoin », explique son entourage, qui estime que le « curseur reste à fixer ». Plus facile à dire qu’à faire. La chasse aux niches a été annoncée par les gouvernements successifs, mais sans réel succès. Si l’Assemblée, mi-novembre, a signé l’arrêt de mort de plusieurs « petites » niches fiscales « non justifiées », le grand ménage de printemps reste à faire. Et pour cause. « Dans chaque niche, il y a un chien qui mord », rappelle le député LR Gilles Carrez.