Le groupe de réflexion Terra Nova a proposé vendredi d'augmenter de 25% le rendement de la fiscalité des successions afin de compenser les 3 milliards d'euros perdus pour l'Etat avec la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF).

Le gouvernement a aussitôt fait savoir que la piste avancée par le « think tank » marqué à gauche, qui a fait l'objet d'articles dans de nombreux journaux, n'était pas à son ordre du jour. « Aujourd'hui, il n'y a pas de réflexion en cours sur une modification des droits de succession, sur la fiscalité applicable aux droits de succession », a déclaré le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux à l'issue du conseil des ministres.

L'hypothèse d'une réforme de la fiscalité applicable aux droits de succession avait déjà été rejetée en septembre par Emmanuel Macron, qui avait à cette occasion recadré Christophe Castaner, alors délégué général de La République en Marche (LREM). Le futur ministre de l'Intérieur avait déclaré vouloir « ouvrir une réflexion sans tabou » afin de lutter contre la « progression des inégalités de naissance ». Mais le chef de l'Etat avait réagi en intimant à ses collaborateurs d'« arrêter d'emmerder les retraités ».

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Le risque d'une « société d'héritiers »

Selon Terra Nova, une modification du régime actuel est toutefois nécessaire. « Dans les conditions économiques, démographiques et fiscales que nous connaissons, nous courons le risque de voir se développer une société d'héritiers vieillissants », estime le think tank.

Le patrimoine augmente en effet plus vite que le revenu et est de plus en plus concentré entre les mains des plus âgés, peu enclins à « investir, à consommer et à faire circuler les richesses », ajoute-t-il. Le patrimoine net des ménages et des entreprises individuelles représentait ainsi 8,3 années de revenu disponible net en 2015, contre seulement 4,9 en 1980.

La fiscalité actuelle ne permet pas de corriger les inégalités croissantes, notamment à cause du jeu des abattements, la volonté de protéger les successions entre parents et enfants et « la somme des exonérations accumulées au fil du temps », selon le cercle de réflexion, qui souligne que les droits de mutation à titre gratuit ont progressé de 43% en 12 ans.

Abattement décroissant

Pour augmenter le rendement des droits de succession, Terra Nova propose plusieurs pistes, dont « la mise en place d'un abattement décroissant et lissé en fonction des parts transmises, ce qui permettrait d'introduire davantage de progressivité dans l'impôt sans y faire entrer de nouveaux contributeurs ». L'abattement serait de 100.000 euros pour les parts transmises jusqu'à 200.000 euros, et décroîtrait jusqu'à 30.000 euros pour les parts au-delà de 1,5 million d'euros. Aujourd'hui, l'abattement est de 100.000 euros quel que soit le montant pour les transmissions entre descendant et ascendant en ligne directe (grand-parent, parent, enfant).

Le groupe de réflexion propose en outre une refonte du barème progressif de taxation des transmissions, avec lequel « on paierait moins d'impôt jusqu'à 150.000 euros par part, et davantage au-dessus ».

Enfin, pour éviter que la progressivité du barème soit comme aujourd'hui « très largement contournée » par le barème applicable aux sommes transmises par l'assurance-vie, le think tank juge souhaitable de revoir ce dernier pour l'aligner sur le droit commun, ce qui permettrait de générer « à très long terme » un milliard de recettes supplémentaires pour l'État, une fois que tous les vieux contrats seraient arrivés à leur terme.

Les sommes dégagées par ces réformes pourraient, d'après Terra Nova, servir à améliorer la prise en charge de la dépendance des personnes âgées et à financer une politique d'égalité des chances à l'attention des jeunes, en créant par exemple une dotation en patrimoine versée à tout jeune à sa majorité.